Voilà que je reviens d'un voyage aux confins du Mali, réalisant par là un vieux rêve: assister au Festival au désert à Essakane, près de Tombouctou. Musiciens touaregs, bluesmen maliens, vedettes nationales et internationales, j'ai tout eu et même au delà que ce que j'imaginais... le tout dans un cadre fantastique! Pour ceux que la découverte musicale démange, voici une playlist ci-dessous qui est un résumé très incomplet de ce que l'on peut trouver dans les différents coins de ce pays fascinant.
Prenez votre temps à l'écoute de ces titres, c'est lent au début, c'est long mais il faut se laisser bercer par ce rythme, par les voix superbes et les mélodies, ne rien faire d'autre, accepter l'invitation à rêvasser... puis, Ali Farka Touré prendra la guitare pour vous emener en plein blues séminal; Robert Plant, qui s'est produit à Essakane en 2005, introduira un peu d'Occident dans avec toute la délicatesse dont il capable, ensuite ça va bouger bouger, jusque tard... notamment avec Zap Mama, cette belgo-congolaise tombée sous les charmes maliens et rencontrée par hasard à Tombouctou après le festival (lire aussi la chronique de son dernier album dans le post du mois d'août). On finira avec cet instrument magique qu'est la cora (comme un croisement entre la harpe et la guitare) et avec le dernier morceau, imaginez l'aube se levant doucement au son des rouki, rouki, rouki...
Egalement quelques photos de ce périple qui m'a amené en des endroits inattendus: Mopti, "la Venise du Sud", le pays Dogon et ses falaises renfremant des trésors de légendes et de mythes, Bamako et ses sordides féticheurs... Le Mali est un pays où se bousculent histoire (le roi-magicien et le prince infirme) et traditions (la superstition des jeteurs de poissons, les mariages tabou entre Dogons et Bozos...), pauverté extrême et modernité déjà déglinguée (le fric comme réussite ultime ou comment entuber le toubab en toute amitié). Je vais tenter de raconter un peu de tout cela en deux ou trois épisodes dont vous trouverez le premier tômes lundi prochain sur ce blog. Le suivant est programmé pour le lundi d'après alors, revenez faire une petite visite ici même dans les jours et les semaines qui viennent pour vous offrir quelque évasion!
Pour finir quelques chroniques de CD qui à paraître dans le prochain Rif Raf (ou sur le site www.rifraf.be) du 1er février.
Mali Playlist:
1. Rokia Traoré= M'Bifo
2. Oumou Sangré= Saa Magni
3. Ali Farka Touré & Ry Cooder= Aidu
4. Robert Plant & Justin Adams= Win My Train Fire Home
5. Boubacar Traoré= Kanu
6. Idrissa Soumaoro= Ouili Ka Bo
7. Tinariwen= Amassakoul 'n' Ténéré
8. Salif Keita= Madan
9. Tiken Jah Fakoli= Plus rien ne m'étonne (Ivorien exilé au Mali!)
10. Zap Mama: Jogging à Tombouctou
11. Rokia Traoré: Tounka
12. Tartir: Ansari
13. Balleké Sissoko: Tomora
14. Ali Farka Touré: roucki
CD reviews:
Guns n’Roses
‘Chinese Democracy’
Geffen
Vous avez voulu ce ‘Chinese Democracy’ ? Vous l’avez attendu pendant 14 ans ? Eh bien, le voilà dans la gueule. Comme un hypothétique régime chinois libre et transparent, cet album était en train de devenir la meilleure joke de l’histoire du rock (et le plus gros budget aussi). Chaque année, W. AXL Rose nous faisait le coup du lancement tant attendu, nous fristouillant quelque peu les roustons. Maintenant qu’on l’a, on a fini de se marrer. Les trois premiers titres donne le ton indus/heavy: son et riffs d’un de ces jeux vidéo dont vous êtes le guitare héros. S’il est vrai que les cinq guitaristes ( !) tapent assez lourdement, on entend trop qu’ils font de leur mieux pour ne pas trop ressembler à Slash, tout en devant jouer du GNR. De ce groupe des années 90, il faut se souvenir que le seul membre qu’AXL n’a pas viré, c’est … Dizzy ‘Fucking’ Reed, le gars des claviers de ‘Use Your Illusion’… et il se fait remarqué dès le quatrième titre, et là, c’est la catastrophe. On nous refait le coup de ‘November Rain’ !! Intro piano à la Richard Clayderman, panoplies de cordes hollywoodiennes, gros solos Gibson, son parfait… Le reste de l’album navigue ensuite entre resucées de ‘Estranged’, ‘Yesterdays’, ‘Breakdown’ etc, à l’exception peut-être de ‘Scraped’ qui redonne un peu de pulsions agressives. Si les Velvet Revolver s’en sortent plus dignement mais sans coup d’éclat, ‘Chinese Democracy’ n’est pas non plus du GNR : c’est du Hollywood Roses tel qu’il aurait sans doute évolué s’il n’avait rencontré le maître chapelier en 1985. Pauvre industrie du disque qui, à l’instar de notre DoubleBert, refait galoper ses vieux chevaux pour tenter de résoudre les crises ! Mais surtout pauvres, pauvres fans ! En 1993, AXL leur disait à propos des bleu et orange, je cite et ne cautionne pas : « hey, if you can’t aford it, steal it !»… pas sûr qu’ils en auront l’estomac (ou le dé-clic) pour celui-ci… question d’appétit. (jd)
Fort Knox Five
‘Radio Free DC’
Fort Knox Recordings
Il y a des gestes qu’on regrette toute une vie et d’autres qui sauvent. Comme celui d’avoir levé ma main à tire-la-rigot lors de la dernière réunion du dispatch des CD. Et notamment sur ces noms, Fort Knox Five et Mustafa Akbar. Aucune idée là-dessus pourtant. Comme Thievery Corporation, les FK5 sont originaires de Washington DC. Que se passe-t-il dans ce coin pour avoir des gens aussi doués ? Bien-sûr Fort Knox évoque cette forteresse militaire où est entassée la réserve fédérale d’or US. Sur ‘Radio Free DC’ il s’agit d’un truc plus convoité encore : c’est du funk blindé, aux sections de cuivres et breakbeats imparables, aux basses profondes et gonflées à bloc voire à l’electro. DJ’s d’expérience et producteurs impétrants (Afrika Bambaataa, balaise, pour un début), FK5 sort son premier album dont le son est calibré pour être moderne et accessible mais, tout comme leurs voisins de Thievery, leur érudition et leur savoir-faire est d’une créativité et d’une efficacité parfaite. Beaucoup d’instrumentaux musclés (plus que leurs remix) sur cette plaque et quelques intervenants de choix dont ce fameux Mustafa Akbar pour d’excellentes prestations comme ‘Funk For Peace’ ou ‘The Party Pusher’ à l’electro vicieusement intercalée dans l’énorme rythmique. Sleepy Wonder (voir Thievery Corporation) s’illustre sur l’implacable dancehall electro ‘Killa Soundboy’ qui ne passera pas inaperçu ou le léger ragga ‘The Wonder Strikes Again’. Jamais je n’aurais imaginé une telle bombe de funk. « Apprenez les gestes qui sauvent » disent les humanitaires : keep that funk alive !(jd)
Various
This Warm December
‘A Brushfire Holiday Vol.1”
Brushfire Records
Voilà, c’est toute la sympathique bande de Brushfire Records qui, à la suite de Jack Johnson, y va de sa petite chanson de Noël… Ce dernier commence comme cela : « Some day for Christmas, there’ll be no war ». Brrrrrrrrr, c’est pas que les grands froids qui me lancent d’épineux frissonnements, c’est surtout tout ce ramdam commercial qu’on fait autour de cette fête, de la Bush spécialement brassée pour Noël, aux marchés à babioles niaises, en passant par les tubes de Tino Rossi remixés etc. On pourrait pas nous foutre la paix plutôt que de nous pousser à cette frénésie d’achat de cadeaux rapidement oubliés ? La paix, la paix, c’est justement ce que John Lennon avait réussi à associer dans sa chanson de Noël ‘Happy Xmas-War Is Over’ de 1970. Malheureusement cette fin d’année 2008 restera comme l’une des plus meurtrières on sait bien où et dans quel silence assourdissant. À l’initiative de Jack Johnson, 25% des profits des ventes du CD seront versés à une organisation qui cherche à étendre l’éducation musicale des kids. C’est déjà ça… là où la politique divise et abrutit, la musique réunit ; et cela vaut déjà plus que toutes ces chansons de G-Love, Neil Halstead, Money Mark réunies… et je ne parle même pas de l’insoutenable cover de ‘Silent Night’. Alors si vous avez des enfants… (jd)
Aqua Nebula Oscillator
‘Under The Moon Of Aqua Nebula Oscillator’
Pan European Recordings
Quelle musique trouve-t-on derrière ce nom qui broute sur le gazon d’un métal des plus extrêmes ? Ce groupe aux origines franco-belgo-québécoises (peu d’importance que ces frontières, ici) joue des morceaux d’un noisy sixties, tantôt radicaux et d’une sourde pugnacité (‘LSD Therapy’ ou ‘I Don’t Care’ furieux comme des bons petits Stooges), tantôt psychédéliques, sauvages et vaudous. En soi, le travail des compostions n’est peut-être pas des plus élaboré pour du psyché mais ceci est largement compensé par les lacérations agressives, lugubres et l’intensité rythmique exceptionnelle du trip qui nous est offert. Les mérites en reviennent notamment au batteur qui, rompu à bien des techniques et cadences, tient son monde avec une ferme cohésion. Le son, par ailleurs parfaitement élaboré pour nous faire décoller rapidement, célèbre l’incantatoire prêtresse officiant aux vocals, plus que la dextérité des musiciens. Dès ‘Flying Mountain’, on sent l’espace/temps s’atomiser peu à peu, nous élevant vers des consciences lunaires et clouant des spasmes bestiaux au fond de l’épine dorsale. Les riffs et mélodies de ‘Silvermoon’ sont un peu comme une moitié de ‘Set The Control For The Heart Of The Sun’ du grand Floyd qui crasherait en plein vol avec un débris speedé de ‘Silver Machine’ du Hawkwind. Lorsque, après 50 minutes, on commence à sentir la descente sur ‘Virgin Sleep’, on a la nette impression qu’on est en train de revenir de loin… Aqua Moon Oscillator, ce nom-là passera n’importe quel acid test pour s’imposer bien au-delà d’une seule « catégorie ». (jd)
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Various
‘Rétrospective Armand Amar’ ‘Rétrospective Gabriel Yared’ ‘Rétrospective Bruno Coulais’
Naïve
Je ne sais plus quand j’ai entendu parler de ces livres en forme de guide touristique proposant et relatant des voyages…dans des pays totalement inventés pour l’occasion. Une autre déclinaison de ces trips au pays imaginaire. C’est sans doute comme cela qu’on pourrait présenter les trois rétrospectives parues chez Naïve. Elles retracent les contributions de trois compositeurs français ou apparentés (Armand Amar, Gabriel Yared et Bruno Coulais) ayant écrit les B.O. de films tels que « La vie des autres », « 37.2 le matin », « Va, vis et deviens », « Le patient anglais », « Le talentueux Mr. Ripley », « Le peuple migrateur » etc. Outre le lien indéfectible qui unit ces œuvres à leur film, on peut fort bien prendre chacun de ces disques comme une sorte de recueil de musiques glanées aux détours de contrées qui n’ont ni frontières, ni patronyme, ni histoire. Difficile d’évoquer les trois disques ici mais tous les trois se valent par la richesse et l’éclectisme des leurs partitions (touches « world » de Amar, parfois contemporaines pour Coulais - qui coopère par ailleurs avec Robert Wyatt), variant les atmosphères comme les émotions. Mon favori est peut-être celui d’Armand Amar qui par moment évoque, grâce à un superbe travail sur les voix, les opus solo de Lisa Gerard (‘La Genèse’, ‘Bab’ Aziz’). Auscultant notre intériorité grâce à des nappes orchestrales profondes et répétitives, il nous lance dans des fuites angoissées par ses cordes précipitées. Travail de compilation amplement justifié, certes pour l’hommage mais aussi pour le choix et l’enchainement envoutant de titres au pouvoir onirique absolu. (jd)
Various
Sonar Kollective
‘SK 200 Compiled By Jazzanova’
Sonar Kollectiv
Le label allemand Sonar Kollective fête sa 200ème sortie. Grand bien lui en fasse car c’est une jolie performance pour un label indépendant. Connu pour son approche jazzy, electro ou bossa langoureuse actualisée, il a fait de nouveau appel à Jazzanova (leur cheval de Troie) pour le travail de sélection de cette compilation. En parfait équilibre dans les atmosphères et les rythmes, le duo nous ballade parmi des titres sortis cette année (pour la plupart) où les nouveaux conscrits (Quasimode, Recloose, Stee Downes) se mélangent en toute allégresse aux plus anciens (Soulphiction, Thief, Clara Hill, Benny Sings). Quelques reprises retravaillées dans les styles de la maison dont ‘Cowboys & Angels’ (en nu soul éthérée) ‘Egg Me’ ( soit ‘Trick Me’ légèrement poussé en electro ska instrumental), et ‘Around The Wolrd’ en version jazz pour piano et orchestre ! Une brise légère pour un dimanche après-midi ensoleillé ou quelque chose comme ça… quelle affreuse phrase, ça ressemble à une pub ! Bref, vous l’aurez compris, le travail de ces artisans vaut mieux que cette chute... (jd)
Stanton Warriors Stanton
Warriors Sessions Vol. III
Punks P&C Music
Stanton Warriors. Pour le Stanton, je ne sais pas mais pour le Warrior… on ne peut mieux expliquer leurs breakbeats boosté d’electro. Les deux anglais Marc Yardley et Dominic Butler s’étaient déjà fendu d’un bon nombre de remix costauds et fort remarqués et d’un album ‘Lost Files’ sorti sur V2, les imposant parmi les premiers artistes du style à signer sur une major. Le vol. 2 de la présente série avait littéralement pété à la figure de nombreux fans du genre et au-delà puisqu’il avait été élu compilation de l’année en 2007 par nombre de spécialistes anglais. Pour le vol. 3, le duo pousse vraiment très fort. Non content d’avoir imposé pas mal de marques de fabrique, ils n’hésitent pas cette fois à appliquer la philosophie du marteau et du shakeur à nombre de titres electro ou house plus ou moins connus, pour les recoller en d’époustouflants titres purement breakbeat. Le résultat détonant : un remix du ‘Club Action’ de Yo Majesty dont le flow est matraqué entre des infrabasses incessantes d’un côté et des breaks au son tout droit issu des 80’ , de l’autre. ‘Shifting Gears’ de Plump DJ’s subit un peu le même sort et nous propulse impitoyablement vers le reste de la frénétique compil’. Quelque répit avec beau travail sur ‘Beggin’, juste pour ne pas le laisser qu’à Madcon. Boys Noize et Digitalism s’infiltrent ici et là dans les oreilles comme des larrons aqueux s’apprêtant à provoquer des courts-circuits dans une centrale electro. Quelques nouveaux titres maisons du duo (‘Get Wild’) également. Toujours appuyés sur des breakbeats à peine assouplis, DJ Mehdi et Dizze Rascal ajoute sur la fin à la diversité de la compilation. Atterrissage en catastrophe sur les terres carbonisées de ‘Saturate’ de Chemical Brothers. Une vraie prouesse de guerrier qui ne laisse personne indemne, surtout pas nos tympans fracturés. (jd)
Fort Knox Five