Tombouctou et la Mali c’est aussi l’origine possible blues américain, entre rythmes africains et cordes touarègues, soit un grand phantasme musical pour moi. Tout avait commencé vers 1995 lorsqu’un ami me fit un jour écouter ce CD ‘Talking Timbuktu’ d’Ali Farka Touré et Ry Cooder. Le premier m’était alors inconnu et le second, un guitariste de slide fort inventif (beaucoup ont encore en tête le blues angoissant de la musique du film Paris-Texas de Wim Wenders ou encore celle du Buena Vista Social Club dont il fut à l’origine de la redécouverte). L’exercice périlleux des échanges musicaux oscille entre haussements d’épaules et enthousiasme encombrant, l’immédiat et la maturation se chamaillant à leurs heures. Heureusement le temps n’a pas de prise sur certaines musiques et arrive ce qui doit en tant voulu. D’abord intrigué par la guitare bluesy d’Ali Farka proche de celle de John Lee Hooker, puis conquis par son rythme lent et poignant, je restais sceptique quant aux instruments traditionnels maliens, aux voix considérées alors comme aigres...
On ne sait jamais pourquoi certains titres vous trottent dans la tête et vous forcent à les réécouter d’année en année : virus ? addiction ? émotions enfouies ? La mémoire joue parfois de bons tours. Continuant à écouter ce CD au fil des ans, cette musique prit peu à peu toute son ampleur et m’a enveloppé de ses harmonies lumineuses, de ses cliquetis de calebasse, de ce violon monocorde… Sa force et son sens sont venus s’imposer au fil du temps, entrant en résonnance avec mon être ; c’est ce moment où chaque note, chaque instrument, chaque phrase fait vibrer ce supplément d’âme, s’il en reste. C’est cela qu’on prête à ces grands artistes afro-américains tels qu’Ella Fitzgerlad ou John Lee Hooker, à la différence peut-être que leur musique est nettement plus extrême et tourmentée que celle de leurs cousins qui n’ont pas subi les déportations esclavagistes. Âme enracinée dans son continent et plus sereine, j’apprécie mieux encore le jeu virevoltant et délicat du maître Ali, de même que ses harangues proches de celles des griots, suite à mon passage sur ses terres et parmi ses enfants (écoutez également son fils, Vieux Farka Touré, Afel Bocoum le complice ou Samba Touré, l’élève). Ces musiques-là vous prennent quand le bon moment est venu, dissolvant le temps, l’attente et les doutes (d’où l’exercice délicat voire illusoire de chroniquer des CD dès qu’ils sortent… mais ça c’est une autre histoire disait Gérard Blanc).
La richesse musicale du Mali dont Ali Farka Touré était l’un des insignes représentants, trouve un mode d’expression « live » qui touche un large public grâce au Festival au désert organisé chaque année à
70 km