Je viens de lire un livre passionnant sur les origines du christianisme. Les auteurs soutiennent la thèse que Jésus n'est pas un personnage historique, mais un mythe païen ancien adapté par les juifs, mythe déjà présent en Grèce, en Egypte et ailleurs, le mythe de l'Homme Dieu. Selon les auteurs(Timothy Freke et Peter Gandy), les premiers chrétiens étaient des gnostiques, des mystiques, des pneumatiques qui cherchaient à nous faire expérimenter l'union mystique avec le Christ intérieur. Par la suite à partir du IVème siècle, le christianisme devint une religion alors qu'il avait commencé par être une spiritualité.
Les auteurs appellent à une rédécouverte de la signification mystique et gnostique des Mystères de Jésus : une résurrection spirituelle qui a lieu maintenant pour celui qui s'éveille à sa vraie nature.
Je ne sais pas si tout ce que contient ce livre, apparemment bien documenté et bien informé est exact, mais j'ai trouvé sa lecture vraiment enrichissante.
jlr
Les Mystères de Jésus, Ed. Aléthéia, 2007.
Voici un extrait du livre, le chapitre 1:
"LES MYSTERES DE JESUS
Jésus est-il un dieu païen ?
Par Timothy FREKE et Peter GANDY
Ce livre est dédié au Christ en vous
Chapitre 1
UNE IDEE IMPENSABLE
« Jésus dit : Je dis mes mystères à ceux qui en sont dignes. »
Sur le site du Vatican actuel se dressait jadis un temple païen(Dans cet ouvrage, le terme de païen désigne les prétendus «
polythéistes » des régions méditerranéennes aux premiers siècles de
notre ère et siècles antérieurs, comme l’Egypte, la Grèce, l’Empire
romain, le Moyen-Orient, par opposition au peuple juif et aux chrétiens
strictement fidèles à l’Eglise romaine dite catholique (NDT)).
. Les prêtres y pratiquaient des cérémonies si déroutantes pour les premiers chrétiens qu’ils s’efforcèrent d’effacer toute preuve de leur existence. Qu’étaient-ce que ces rites choquants ? Sacrifices horribles ou orgies obscènes ? C’est ce qu’on nous a fait croire, or la vérité est bien étrangère à ces fictions.
Là où, aujourd’hui, les croyants rassemblés vénèrent Jésus Christ, leur Seigneur, les anciens adoraient un « homme-dieu » qui, de même que Jésus, était né miraculeusement le 25 décembre devant trois bergers. Dans cet antique sanctuaire, des congrégations païennes rendaient gloire à un sauveur païen dont on disait qu’il était monté au ciel, comme Jésus, et d’avoir promis de revenir à la fin des temps pour juger les vivants et les morts. Là même où le Pape dit la messe catholique, les prêtres païens célébraient un repas symbolique de pain et de vin en mémoire de leur sauveur qui, tout comme Jésus, avait déclaré : « Celui qui ne mangera pas de mon corps et ne boira pas de sang afin de s’unir à moi et moi à lui, ne sera pas sauvé. »
Quand nous avons commencé à découvrir des ressemblances extraordinaires entre l’histoire de Jésus et les mythes païens nous en avons été stupéfaits, élevés que nous avons été dans une civilisation qui dépeint le christianisme et le paganisme comme totalement antagonistes. Comment alors expliquer des ressemblances si étonnantes ? Très intrigués, nous avons commencé notre recherche ; or plus nous cherchions, plus nous trouvions de concordances. Pour rendre compte des multiples témoignages découverts nous avons été obligés de revoir complètement nos vues sur la relation entre christianisme et paganisme, de mettre en question des croyances qu’auparavant nous regardions comme incontestables, et d’imaginer des faits qui avaient semblés jusqu’alors impossibles. Des lecteurs trouveront nos conclusions choquantes, ou hérétiques, mais, pour nous, elles permettent, le plus simplement et clairement possible, de confirmer les preuves amassées.
Nous sommes dès lors convaincus que l’histoire de Jésus n’est pas la biographie d’un Messie historique, mais un mythe fondé sur des légendes païennes immémoriales. Le christianisme n’est pas une révélation nouvelle et unique, mais, en fait, une adaptation juive des anciens Mystères païens. C’est ce que nous appelons « La Thèse des Mystères de Jésus ». Elle pourrait paraître un peu trop alambiquée, comme elle nous a semblé au premier abord. Mais après les nombreux non-sens vides de toute substance qui ont été énoncés sur le « vrai » Jésus, toute théorie révolutionnaire doit être envisagée avec une bonne dose de scepticisme. Quoique celle proposée ici paraisse extraordinaire, ce livre est dépourvu de toutes fantaisies ou spéculations sensationnelles. Il est entièrement fondé sur les sources historiques disponibles et les toutes dernières recherches des spécialistes. Nous espérons l’avoir rendu accessible au grand public, mais nous y avons aussi inclus de nombreuses notes en référence aux sources, et de nombreux détails pour ceux qui désireraient vérifier nos arguments de façon plus complète.
Bien que les idées présentées paraissent encore aujourd’hui radicales et provocatrices, beaucoup sont en réalité loin d’être nouvelles. Dès la Renaissance, les mystiques et les érudits ont situé les origines du christianisme dans l’ancienne religion de l’Egypte. Au tournant du XIX siècle, des savants visionnaires ont fait des conjectures comparables aux nôtres. Plus récemment des universitaires ont signalé régulièrement des possibilités comme celles que nous avons considérées. Cependant, peu ont osé poser courageusement des conclusions aussi évidentes que les nôtres. Pourquoi ? Parce que le sujet est « tabou ».
Depuis deux mille ans, l’Occident est dominée par l’idée que le christianisme est unique et sacré, tandis que le paganisme est primitif et l’oeuvre du diable. Considérer qu’ils pourraient appartenir à la même tradition est simplement impensable. C’est pourquoi, bien que les véritables origines du christianisme aient toujours été évidentes, peu ont eu la capacité de les voir, car, pour ce faire, il faut briser radicalement avec le conditionnement imposé par notre civilisation. Notre contribution est d’avoir osé penser l’impensable et de présenter nos conclusions dans un livre accessible à tous plutôt que sous forme sèchement académique. Ce n’est certainement pas là notre dernier mot sur un sujet si complexe. Nous espérons, cependant, que c’est un appel important à revoir complètement les sources du christianisme.
LES MYSTERES PAIENS
Dans les tragédies grecques, le choeur dévoile les faits présentés par les protagonistes avant même que commence la pièce. Parfois, il est plus facile de comprendre un voyage si l’on en connaît d’avance la destination et l’itinéraire. Avant de plonger plus avant dans les détails, nous aimerions donc retracer le processus de notre découverte et donner ainsi un bref aperçu de notre ouvrage.
Depuis toujours nous étions obsédés par le mysticisme (Dans cet ouvrage, le terme de mysticisme fait plus allusion au mystère qu’à la mystique et au mysticisme proprement dits (NDT)=, ce qui nous conduisit à explorer la spiritualité du monde antique. La compréhension ordinaire, c’est inévitable, demeure loin derrière l’extrême pointe des recherches savantes et, comme beaucoup de gens, nous avions des vues inexactes et vieux jeu sur le paganisme. On nous avait fait croire qu’il s’agissait de toutes sortes de superstitions primitives avec adoration d’idoles et sacrifices sanglants ; ou bien de philosophes rébarbatifs drapés dans des toges blanches et trébuchant aveuglément sur ce qu’on appelle de nos jours la « science ». Certains mythes grecs, qui décrivaient la nature partisane et capricieuse des dieux et déesse de l’Olympe nous étaient familiers, mais, dans l’ensemble, le paganisme nous semblait primitif et fondamentalement étranger. Néanmoins, beaucoup d’années d’étude transformèrent nos conceptions.
La spiritualité païenne, en fait, se trouvait être le produit d’une civilisation hautement développée. Les religions d’Etat, comme celle des dieux olympiens de Grèce, n’étaient pas, de loin, que pompes et cérémonies. La spiritualité populaire.
réelle s’exprimait à travers les « religions mystiques et vibrantes des Mystères ». Au début, mouvements hérétiques et secrets, ces Mystères se répandirent et s’épanouirent dans toutes les antiques régions méditerranéennes, inspirant les plus grands esprits du monde païen qui se considéraient comme la vraie source de la civilisation.
La tradition comprenait des Mystères exotériques extérieurs, consistant en mythes connus du peuple et en rituels accessibles à ceux qui étaient désireux d’y assister. Il y avait aussi des Mystères intérieurs ésotériques sacrés, connus seulement de ceux qui avaient suivi un puissant processus d’initiation. Les initiés à ces Mystères intérieurs obtenaient la connaissance du sens mystique des rituels et des mythes des Mystères extérieurs, révélée au long d’un processus entraînant transformation personnelle et illumination spirituelle.
Les philosophes du monde antique étaient les maîtres spirituels des Mystères intérieurs. C’était des mystiques et des faiseurs de miracles plus comparables aux gourous indous qu’à des académiciens poussiéreux. On se souvient aujourd’hui du grand philosophe grec Pythagore, par exemple, grâce à son théorème de mathématique, mais bien peu de gens imaginent ce qu’il était vraiment : un sage plein de lumière, capable, croyait-on, d’apaiser miraculeusement le vent ou de ressusciter les morts.
Au coeur des Mystères, il y avait ce mythe d’un homme-dieu mourant et ressuscitant connu sous différents noms. En Egypte, c’était Osiris, en Grèce Dionysos, en Asie Mineure Attis, en Syrie Adonis, en Italie Bacchus, en Perse Mithra. Tous, fondamentalement, personnifiaient la même entité mythique. Comme depuis le IIIe siècle avant notre ère, nous employons ici le nom composé Osiris-Dionysos quand nous le désignons par sa nature universelle composite, et ses noms particuliers quand nous faisons référence à tel ou tel Mystère.
Dès le Vème siècle avant notre ère, des philosophes comme Xénophane et Empédocle ridiculisaient le fait de prendre les histoires des dieux et déesses au pied de la lettre. Ils les considéraient comme des allégories touchant des expériences spirituelles. On ne devait pas voir dans le mythe d’Osiris-Dionysos une suite de récits passionnants mais des symboles codés des enseignements mystiques des Mystères intérieurs. C’était la raison pour laquelle, bien que les détails en fussent adaptés à différentes cultures, ce mythe était resté essentiellement le même.
Les divers mythes relatifs aux différents hommes-dieux des Mystères présentent, selon le grand mythologue Joseph Campbell, ce qu’il appelle « la même anatomie ». Tout comme chaque être humain est physiquement unique, il est néanmoins possible de parler d’une anatomie générale du corps humain ; de même est-il possible de percevoir à la fois les particularités et les ressemblances des mythes. On peut faire la comparaison, par exemple, entre Romeo et Juliette de Shakespeare et West Side Story de Bernstein. Il s’agit, d’un côté, d’une tragédie anglaise du XVIe siècle touchant deux riches familles italiennes, de l’autre, d’une comédie musicale américaine du XXe siècle relative à des bandes opérant dans les rues. Ces deux pièces paraissent différentes à première vue, mais c’est essentiellement la même histoire. Pareillement, les récits relatifs aux hommes-dieux des Mystères païens sont absolument les mêmes, tout dissemblables qu’ils soient par la forme.
Plus nous faisions donc l’étude des différentes versions du mythe d’Osiris-Dionysos, plus il nous devenait évident que l’histoire de Jésus présentait toutes les caractéristiques de ce récit millénaire. Episode après épisode, nous découvrions la possibilité de reconstituer la prétendue biographie de Jésus à partir d’éléments mythiques appartenant antérieurement à l’histoire d’Osiris-Dionysos.
• Osiris-Dionysos est Dieu fait chair, le sauveur et le « Fils de Dieu »
• Son père est Dieu et sa mère une vierge mortelle.
• Il est né dans une grotte ou une humble étable le 25 décembre devant trois bergers.
• Il donne à ses fidèles l’opportunité de renaître au moyen du baptême.
• Il tourne miraculeusement l’eau en vin à une cérémonie de mariage.
• Il entre triomphalement dans une ville, monté sur un âne, tandis que le peuple agite des feuilles de palme pour l’honorer.
• Il meurt à Pâques en sacrifice pour les péchés du monde.
• Après sa mort, il descend aux enfers puis le troisième jour il ressuscite des morts et monte au ciel plein de gloire.
• Ses fidèles attendent son retour en tant que juge au Jugement dernier.
• Sa mort et sa résurrection sont célébrées au cours d’un repas rituel par du pain et du vin, symboles de son corps et de son sang.
Tels sont quelques détails semblables aux récits concernant Osiris-Dionysos et Jésus. Mais pourquoi ces similitudes frappantes sont-elles généralement ignorées ? Parce que, dès le début, l’Eglise romaine, nous l’avons découvert ensuite, fit tout ce qu’elle put pour nous les cacher. Elle détruisit systématiquement la littérature païenne sacrée selon un programme d’éradication brutale des Mystères, tâche qu’elle accomplit si complètement qu’aujourd’hui le paganisme est considéré comme une religion « morte ».
Chose surprenante pour nous maintenant : les écrivains des tous premiers siècles de notre ère considéraient ces similitudes comme parfaitement évidentes. Les critiques païens du christianisme comme le satiriste Celsus déplorait que le christianisme, cette nouvelle et récente religion, n’était rien de plus qu’un pâle reflet des antiques enseignements. Les premiers « Pères de l’Eglise » comme Justin le martyr, Tertullien et Irénée en furent évidemment troublés et proclamèrent désespérément que ces ressemblances étaient le résultat d’une « imitation diabolique ». Se servant d’un des plus absurdes arguments jamais avancés, ils accusèrent le diable de « plagiat par anticipation », ou de copie trompeuse anticipée pour induire les croyants en erreur ! Nous avons été frappés du fait que ces Pères de l’Eglise furent non moins trompeurs que le diable qu’ils espéraient incriminer.
D’autres commentateurs chrétiens ont maintenu que les mythes des Mystères étaient autant d’ « échos avant-coureurs » de la venue littérale de Jésus, quelque chose comme des prémonitions ou des prophéties. C’est une version plus généreuse que la théorie de l’imitation diabolique, mais elle ne nous en semble pas moins ridicule. Rien d’autre qu’un préjugé culturel nous fait percevoir Jésus dominant littéralement ses multiples précurseurs mythiques. Vue en dehors de toute partialité, son histoire n’apparaît que comme une autre version de la même histoire fondamentale.
L’explication qui saute aux yeux c’est que le christianisme des débuts devint le pouvoir dominant dans le monde païen et que les épisodes de la mythologie païenne furent greffés sur la biographie de Jésus, possibilité qu’avancèrent nombre de théologiens chrétiens eux-mêmes. La naissance virginale, par exemple, est souvent regardée comme une addition postérieure qu’il ne faut pas prendre littéralement. De tels détails ont été « empruntés » au paganisme, de la même manière que les jours des fêtes païennes furent adoptés par les chrétiens pour célébrer leurs « saints ». Cette théorie est commune parmi ceux qui recherchent l’« authenticité » de Jésus cachée sous l’accumulation des vestiges mythologiques.
Aussi attractive qu’elle apparaisse tout d’abord, cette explication ne nous a pas semblé adéquate. Nous avions collationné un nombre tellement significatif de similitudes qu’il ne restait presque aucun élément de la biographie de Jésus que nous ne retrouvions pas préfiguré dans les Mystères païens. Pour couronner le tout, nous découvrîmes que l’enseignement de Jésus lui-même, loin d’être original, était déjà celui des sages païens ! S’il y avait un « réel » Jésus sous-jacent à tout cela, nous devions reconnaître que nous étions dans l’incapacité absolue de le découvrir, car tout ce qui nous avions recueilli n’était qu’une accumulation de matériaux païens. Cette théorie semblait absurde. Il y avait certainement une solution plus élégante à cette énigme.
LES GNOSTIQUES
Tandis que nous cherchions à comprendre les faits que nous avions découverts, nous avons commencé à remettre en question l’image reçue de la primitive Eglise et à scruter nous-mêmes les témoignages. Nous avons alors découvert que, loin d’être une congrégation unie de saints et martyrs à laquelle l’histoire nous à fait croire, la première communauté chrétienne comprenait en réalité tout un spectre de groupes divers, qu’on pouvait classé en deux écoles. D’un côté, il y avait ceux que nous appellerons « littéralistes » parce que ce qui les caractérise est de prendre à la lettre l’histoire de Jésus pour une relation d’événements historiques. C’est cette école qu’adopta pour christianisme l’Empire romain au IVème siècle de notre ère, ce qui devint le Catholicisme romain et ce qui s’en suivit. D’un autre côté, il y eut aussi des chrétiens radicalement différents connus comme les Gnostiques.
Ces chrétiens oubliés furent ensuite exterminés par l’Eglise romaine littéraliste à telle point que, jusqu’à une date récente, nous ne connaissions presque rien d’eux excepté par les écrits de leurs détracteurs. Seul quelques textes gnostiques originaux avaient survécu dont nul ne fut publié avant le XIXe siècle. Mais la situation changea de façon spectaculaire avec une découverte remarquable quand, en 1945, un paysan arabe tomba sur une bibliothèque entière d’évangiles gnostiques cachée dans une grotte près de Nag Hammadi en Egypte. Les érudits eurent alors accès à de nombreux écrits qui circulaient au tout début du christianisme mais avaient été délibérément exclus du canon du Nouveau Testament : évangiles attribués à Thomas et à Philippe, Actes de Pierre et des douze Disciples, apocalypses attribués à Paul et à Jacques, etc.
Il nous semble extraordinaire que si peu de fidèles actuels de Jésus connaissent l’existence de cette découverte d’une bibliothèque entière du christianisme primitif contenant des enseignements du Christ et de ses disciples. Pourquoi tous les chrétiens ne se sont-ils pas précipités pour lire les paroles du Maître retrouvées récemment ? Pourquoi en restent-ils aux évangiles choisis pour être inclus dans le Nouveau Testament ? Il semble que depuis 2000 ans qu’a eu lieu la purge des gnostiques et que le Protestantisme ainsi que des milliers d’autres groupes se sont séparés de l’Eglise romaine, les gnostiques ne sont toujours pas considérés comme faisant légitimement partie de la chrétienté.
En examinant ces évangiles gnostiques, on découvre un christianisme tout à fait étranger à la religion qui nous est familière. Nous nous sommes nous-mêmes retrouvés en train d’étudier des traités au titre étrange comme L’hypostases des Archontes ; et La Voix de Noréa. C’était comme si vivions un épisode de « La guerre des étoiles » et dans un sens, c’était vrai. Les gnostiques furent vraiment des « psychonautes » explorant hardiment l’ultime frontière de l’espace intérieur en quête des origines et de la signification de la vie. Ces gens étaient des mystiques et de libres-penseurs créatifs. Nous avons compris nettement pourquoi ils furent en but à la haine des évêques et de toute la hiérarchie de l’Eglise « littéraliste » : c’était de dangereux hérétiques. Dans le vaste ensemble des ouvrages anti-gnostiques - témoignage involontaire du pouvoir et de l’influence du gnosticisme au début du christianisme - ils sont dépeints sous l’aspect de chrétiens revenus à l’état de natifs non évolués, contaminés par le paganisme ambiant et ayant perdu la pureté de la vraie foi. Par ailleurs, les gnostiques se targuaient d’être des chrétiens authentiques tandis que, pour eux, l’Eglise romaine n’était qu’une « imitation d’Eglise ». Ils prétendaient connaître le secret des Mystères intérieurs du christianisme, contrairement aux chrétiens « littéralistes ».
En scrutant les croyances et les pratiques des gnostiques, nous avons acquis la conviction que les « littéralistes » avaient raison au moins sur un point : les gnostiques étaient peu différents des païens. Comme les philosophes des Mystères païens, ils croyaient en la réincarnation, ils honoraient la déesse Sophia et s’immergeaient dans la philosophie mystique grecque de Platon. Gnostique signifie
« celui qui sait », nom acquis parce que, tel les initiés des Mystères païens, ils pensaient que leurs enseignements secrets avaient le pouvoir de leur conférer la Gnosis, l’expérience directe de la connaissance de Dieu. Et tout comme l’objectif d’un initié païen était de devenir un dieu, pour les gnostiques le but d’un initié chrétien était de devenir un Christ.
Nous étions tout particulièrement frappés de ce que les gnostiques n’étaient pas concernés par le Jésus historique. Ils le considéraient de la même manière que les philosophes païens percevaient les mythes d’Osiris-Dionysos : autant d’allégories cachant le code d’un enseignement mystique secret. Cette conception nous offrit une chance remarquable. L’explication des similitudes entre les mythes païens et la biographie de Jésus devait déjà nous crever les yeux depuis le début, mais nous étions tellement captifs des façons traditionnelles de penser que nous restions dans l’incapacité de la déceler.
LA THESE DES MYSTERES DE JESUS
La tradition historique léguée par les autorités de l’Eglise romaine est que le christianisme se développa à partir des enseignements d’un Messie juif et que le gnosticisme en fut une déviation. Nous nous sommes demandé ce qui arriverait si nous inversion cette image et considérions les gnostiques comme d’authentiques chrétiens, comme ils l’affirmaient. Pouvait-il se faire que le christianisme « littéraliste » fût une déviation plus tardive du gnosticisme, et le gnosticisme une synthèse du Judaïsme et de la religion des Mystères païens ? Cette idée marqua le commencement de la « Thèse des Mystères de Jésus ».
La conception hardie qui émergea fut la suivante : nous savions que la plupart des anciennes civilisations méditerranéennes avaient adopté les antiques Mystères, les adaptant au goût national en créant leur propre mythe de la mort et de la résurrection d’un homme-dieu. Se pouvait-il que quelques juifs eussent, de même, adopté les Mystères païens et en en composant leur propre version que nous connaissons maintenant sous le nom de gnosticisme ? Peut-être les initiés aux Mystères juifs avaient-ils adapté le symbolisme puissant d’Osiris-Dionysos en un mythe particulier dont le héros était l’homme-dieu Jésus mourant et ressuscitant ?
S’il en était ainsi, alors l’histoire de Jésus n’était pas une biographie mais un moyen de coder délibérément les enseignements spirituels des juifs gnostiques. De même que, dans les Mystères païens, l’initiation aux Mystères intérieurs devait révéler la signification allégorique du mythe. Sans doute que les non initiés aux Mystères intérieurs en étaient arrivés à prendre faussement le mythe de Jésus pour une relation historique et qu’ainsi émergea le christianisme littéraliste. Il se peut que les Mystères intérieurs du christianisme, qu’enseignaient les gnostiques mais qu’ignoraient les littéralistes, révélait que l’histoire de Jésus n’était pas le compte-rendu littéral d’une unique visite de la planète Terre par Dieu, mais une doctrine mystique destinée à aider chacun de nous à devenir un Christ.
La description de la vie de Jésus présente toutes les caractéristiques d’un mythe. Se pourrait-il qu’elle le soit vraiment ? Après tout, personne ne prend à la lettre les histoires fantasques des évangiles gnostiques nouvellement découverts, ils sont de suite pris pour des mythes. C’est uniquement la familiarité et les préjugés culturels qui nous empêchent de considérer le Nouveau Testament de la même façon. Si ces évangiles avaient été perdus pendant des siècles et exhumés récemment, qui, à la première lecture, croirait qu’il s’agit de l’histoire réelle d’un homme né d’une vierge, capable de marcher sur les eaux et ressuscité des morts ? Pourquoi prendre pour des fables l’histoire d’Osiris, Dionysos, Adonis, Attis, Mithra et autres sauveurs des Mystères païens et, tombant sur un texte rapportant la même histoire dans un contexte juif, croire qu’il s’agit de la biographie exacte d’un menuisier de Bethléem ?
Tous deux nous avons grandi en chrétiens et avons été surpris de découvrir que, malgré des années d’exploration spirituelle dans l’esprit le plus large possible, il
semblait quelque peu dangereux d’oser concevoir de telles idées. L’endoctrination dès la prime jeunesse atteint les profondeurs de l’être. Et nous étions effectivement en train de dire que Jésus était un dieu païen et que le christianisme était une hérésie païenne ! Cela paraissait scandaleux. Et pourtant cette théorie explique toutes les similitudes entre Osiris-Dionysos et Jésus Christ de façon simple et élégante. C’est le même mythe.
La thèse des Mystères de Jésus répond à beaucoup de questions embarrassantes tout en posant de nouveaux dilemmes. Existe-t-il des témoignages irréfutables de l’existence de l’homme Jésus ? Comment le gnosticisme pourrait-il être le christianisme de l’origine alors que St Paul, le tout premier chrétien que nous connaissions, se montre férocement anti-gnostique ? Et puis est-il crédible qu’un peuple étroit d’esprit et anti-païen comme les juifs ait adopté les Mystères païens ? Et comment se fait-il qu’un mythe délibéré ait fini par passer pour une histoire vraie ? Et si le gnosticisme figure le christianisme authentique, comment le christianisme « littéraliste », c’est-à-dire qui prend les évangiles au pied de la lettre, en est venu à dominer le monde comme la religion la plus importante de tous les temps ? Il faudra répondre de façon satisfaisante à toutes ces questions difficiles avant d’adhérer de tout son coeur à une thèse aussi radicale que celle des Mystères de Jésus.
LA GRANDE DISSIMULATION
Notre nouvelle position sur les origines du christianisme ne paraît improbable que parce qu’elle contredit les idées reçues. A mesure que nous avancions dans nos recherches, l’image traditionnelle commença à se déchirer complètement. Perdus dans l’embrouillamini des schismes, luttes de pouvoir, documents falsifiés, fausses identités, corrections et interpolations, destructions complètes des témoignages historiques, nous nous en sommes tenus formellement aux seuls faits dont nous pouvions être sûrs tels, des détectives près de résoudre un sensationnel polar, ou, plus justement, près de découvrir une ancienne erreur judiciaire inconnue. Car, sans répit, en faisant l’examen critique des témoignages authentiques, nous trouvions que l’histoire du christianisme léguée par l’Eglise romaine n’était qu’une grande distorsion de la vérité. En fait, les témoignages confirmaient entièrement la thèse des Mystères de Jésus. Il devenait de plus en plus évident que nous avions été délibérément trompés, que les gnostiques étaient réellement les chrétiens de l’origine, et que leur mysticisme anarchique avait été pillé par une institution autoritaire, qui en avait fait une religion dogmatique qu’elle imposa brutalement en se livrant à la plus grande dissimulation de toute l’histoire.
L’un des plus grands acteurs de cette dissimulation fut un personnage du nom d’Eusèbe qui, au commencement du VIe siècle, compila à partir de légendes, de faux et de sa propre imagination la seule histoire du christianisme qui existe encore aujourd’hui. Toutes les histoires suivantes durent se fonder sur les affirmations douteuses d’Eusèbe parce qu’il y avait très peu d’autres informations disponibles. Tout ce qui offrait une perspective différente du christianisme fut brûlé, supprimé totalement comme hérétique. C’est de cette façon que les falsifications compilées au IVème siècle sont parvenues jusqu’à nous en tant que faits établis.
Eusèbe servait l’empereur Constantin qui fit du christianisme la religion d’Etat de l’Empire romain et donna au christianisme « littéraliste » le pouvoir de l’éradication finale du paganisme et du gnosticisme. Constantin voulait imposer « un seul Dieu et une seule religion » pour consolider ce qu’il revendiquait : « un seul Empire, pour un seul Empereur ». Il surveilla l’établissement des principes de la foi au concile de Nicée : les articles de foi de l’Eglise de nos jours. Les chrétiens qui s’y opposaient étaient bannis de l’Empire ou réduits au silence d’une autre manière.
En revenant de Nicée, cet empereur étrangla sa femme et assassina son fils. Il ne se fit baptiser que sur son lit de mort afin de pouvoir continuer ses atrocités et ce baptême lui conféra le pardon de ses péchés avec place garantie au ciel au dernier instant. Bien qu’Eusèbe, habile à débiter des histoires, lui arrangeât une obséquieuse biographie, en fait, c’était un monstre, comme beaucoup d’empereurs romains avant lui. Et est-il vraiment surprenant qu’une histoire des origines du christianisme composée par un fonctionnaire au service d’un tyran romain s’avère un tissu de mensonges ?
Elaine Pagels, une des premières autorités universitaires en ce qui concerne le christianisme des origines, déclare : « Ce sont les vainqueurs qui écrivent l’histoire... à leur façon. Il n’est donc pas étonnant qu’ils soient les premiers à en définir les termes, c’est-à-dire à se qualifier eux-mêmes d’« orthodoxes » et leurs opposants d’ « hérétiques » ; ensuite ils démontrent - à leur propre satisfaction - que « leur triomphe était historiquement inévitable ou, en termes religieux, qu’ils étaient guidés par le Saint Esprit. » Mais les découvertes des évangiles gnostiques à Nag Hammadi ont réouvertes les questions fondamentales. »
Oui, ce sont bien les vainqueurs qui écrivent l’histoire. Créer une histoire appropriée a toujours fait partie de l’arsenal des manipulations politiques. L’Eglise romaine composa l’histoire du triomphe du christianisme « littéraliste » de la même façon partisane que, deux mille ans plus tard, Hollywood créa celle des « cowboys et des Indiens » pour montrer comment « l’ouest fut conquise » et non « comment l’ouest fut perdue ». On ne raconte pas tout simplement l’histoire, on la crée. Idéalement, l’objectif est de donner des preuves historiques pour en arriver à une juste compréhension du présent déterminé par le passé. Trop souvent, cependant, l’histoire sert à justifier et glorifier le statu quo. Elle cache alors autant qu’elle révèle.
S’enhardir à remettre en question des faits historiques admis n’est pas facile. Il est ardu de croire que ce qu’on vous a appris depuis l’enfance est en réalité le fruit de la falsification et de la fantaisie. Il a dû être difficile pour les Russes élevés dans l’idée du bon « Oncle Joseph Staline » de reconnaître qu’il fût en réalité responsable de la mort de millions d’hommes. Quand les opposants au régime soutinrent qu’il avait fait assassiner beaucoup de héros de la révolution russe, cela aurait dû ébranler sa crédibilité. Il semblait même ridicule d’affirmer qu’il avait fait disparaître les photos de ses rivaux et entièrement inventés certains faits dits « historiques ». Et pourtant tout cela est vrai.
Il est facile de croire que quelque chose est vrai quand tout le monde y croit. Mais les choses ne viennent souvent en lumière que par la remise en question de ce qui ne pose aucune question, par le doute de notions auxquelles tout le monde adhère parce qu’on pense qu’elles vont de soi. La Thèse des Mystères de Jésus résulte d’une telle ouverture d’esprit. Quand elle nous est apparue, elle nous a semblé absurde et relevant du domaine de l’impossible. A l’heure actuelle, elle semble évidente et banale. Le Vatican a été construit sur le site d’un antique sanctuaire païen parce que ce qui est nouveau s’érige toujours sur ce qui est ancien. De la même manière, le christianisme est fondé sur la spiritualité païenne qui l’a précédé. N’est-il pas plausible d’envisager l’évolution graduelle des idées spirituelles, avec le christianisme émergeant des anciens Mystères païens en un semblant de continuum historique ? C’est seulement parce qu’on a cru, sur une vaste échelle et pendant si longtemps, à l’histoire conventionnelle que cette idée peut paraître hérétique et choquante.
RETOUR DU CHRISTIANISME MYSTIQUE
Comme la dernière pièce du puzzle trouvait sa place, nous sommes tombés sur une petite effigie insérée dans les appendices d’un vieux livre académique. C’est le dessin figurant sur une amulette du IIIe siècle de notre ère. Elle orne la couverture de ce livre. On y voit une personne crucifiée que la plupart des gens reconnaîtraient immédiatement comme celle de Jésus. Et pourtant l’inscription en grecque porte le nom : Orphée Bacchus, l’un des pseudonymes d’Osiris-Dionysos. Pour l’auteur du livre en question cette amulette était tout à fait anormale. A qui avait-elle pu
appartenir, était-ce une déité païenne crucifiée ou une sorte de synthèse gnostique du paganisme et du christianisme ? De toute façon, elle était extrêmement curieuse. Pour nous, elle était parfaitement compréhensible. C’était une confirmation inattendue de la Thèse des Mystères de Jésus. Ce pouvait être soit Jésus, soit Osiris-Dionysos. Pour l’initié, ce sont les deux noms d’un même personnage.
Cette découverte occasionnelle nous donna l’impression que l’univers lui-même nous encourageait à publier notre découverte. Sous différentes formes, au long des siècles, la thèse des Mystères de Jésus fut proposée par des mystiques et des spécialistes, mais elle est toujours tombée dans l’oubli. On sent aujourd’hui que c’est une idée qui vient au bon moment. Néanmoins nous avons eu des craintes en rédigeant cet ouvrage. Nous savions qu’il bouleverserait certains chrétiens, c’était inévitable, et nous ne le voulions pas. Sans doute était-il dur d’avoir été entouré constamment de mensonges et d’injustices sans éprouver quelque outrage à la façon négative et mensongère dont avaient été présentés les gnostiques, et de découvrir les grandes richesses de la culture païenne sans ressentir de la peine pour leur anéantissement immotivé. Et pourtant nous ne suivons aucune ligne anti-chrétienne, loin de là.
Les lecteurs de nos autres ouvrages savent que notre intérêt n’est pas de susciter des divisions mais de faire reconnaître l’unité que l’on trouve au coeur de toutes les traditions spirituelles. Dans ce sens, ce livre n’est pas une exception. Les premiers chrétiens « littéralistes » ont fait l’erreur de croire que l’histoire de Jésus était différente de celle d’Osiris-Dionysos parce que Jésus, seul, avait été un personnage historique et non mythique. Dans ces conditions, les chrétiens ont eu le sentiment que leur foi s’opposait à toutes les autres, ce qui est faux. Nous espérons que, grâce à la connaissance de ses vraies origines, au cours de l’évolution de la spiritualité humaine universelle, le christianisme aura le pouvoir de se libérer de l’isolement qu’il s’impose lui-même.
Il est clair que cette nouvelle thèse doit récrire une partie de l’histoire, sans miner la foi chrétienne mais en faisant entendre que le christianisme est en réalité encore plus riche que nous l’imaginions. L’histoire de Jésus est un mythe éternel doué du pouvoir de transmettre la Gnose salvatrice, de transformer chacun de nous en un Christ, et non pas seulement la relation d’événements survenus à quelqu’un d’autre il y a deux mille ans. La croyance en l’histoire de Jésus était, à l’origine, le premier pas à faire dans la spiritualité chrétienne, à l’entrée des Mystères extérieurs. Puis un maître éclairé devait en donner la signification quand l’esprit du chercheur avait mûri. Ces Mystères intérieurs donnaient une connaissance mystique de Dieu qui allait bien au-delà de la croyance dogmatique. Bien que beaucoup de mystiques chrétiens inspirés soient arrivés intuitivement à cette compréhension profonde des symboles, nous n’avons hérité que des Mystères extérieurs du christianisme. Nous avons gardé la forme extérieure mais perdu sa signification intérieure. Notre espoir est que ce livre joue son rôle en revendiquant le véritable héritage mystique du christianisme." T.Freke, P. Gandy