« Un amour de Swann » de Volker Schlöndorff ( Gaumont )
Sortie le 20 octobre
Après « Chéri » de Stephen Frears adapté d’un roman de Colette ( rubrique « Je les ai vus…), on pouvait craindre ce retour DVD pour le cinéaste allemand, plus familier des films militants, («Le Tambour » ,« Le faussaire » ,également sur ce blog).
Dans les bonus , Marie-Christine Barrault (Madame Verdurin, qui nous débauche la petite Odette )se pose aussi la question, avant que le réalisateur ne raconte une histoire de hasard.
A l’origine du projet Peter Brook ne pouvait plus le tourner .Schlöndorf qui dînait à la même table avec Jean-Claude Carrière, , saute alors sur l’occasion « sans trop réfléchir, j’ai dit que j’étais libre. » Son entourage le met en garde (« tu vas te casser la gueule ») et Carrière coutumier de ce genre de scénario ,reconnaît que « c’est impossible à résumer ».
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- Ornella entourée de Jeremy et Alain ( Delon ) : un joli trio
Rétrospectivement le réalisateur en rigole encore et on le comprend. Il a réussi son pari, transposant divinement l’ambiance des salons feutrés et des amours confinées sur un grand écran qui se délecte de ces décors réalistes. Foin de la reconstitution, nous voici au cœur de cette haute société parisienne, où la luxure et l’oisiveté font bon ménage.
C’est un film d’atmosphère qui à mon avis s’inspire plus du roman qu’il ne l’adapte . Schlöndorff respecte avant tout l’esprit de l’auteur , autour d’une histoire qui lui permet de parler d’une époque .
Odette de Crécy ( Ornella Muti )est une demi-mondaine dont on ne sait pas grand-chose, sinon que ce grand nigaud de Swann (Jeremy Irons )courtise à en mourir. Intelligent en société, passionné d’art et fin connaisseur, il se rabaisse auprès de sa belle qui n’en peut plus, mais …
Fanny Ardant , en duchesse de Guermantes, toujours aussi exquise
A l’image de ces pages qui évoquent les ravages silencieux de l’amour ,de la jalousie et des remords, le film traduit parfaitement ce sentiment d’abandon de l’âme quand celle-ci perd sa raison.
L’un des traits de génie de Schlöndorff est d’avoir déniché pour le rôle-titre un dandy façon Jeremy Irons, tout à fait crédible dans son costume. Encore peu connu, au moment du tournage ( « Travail au noir » de Jerzy Skolimowski a quand même marqué les esprits ) il joue la décadence sans fausse note. Avec Ornella Mutti à ses côtés, ensorceleuse au possible, et secrète dans ce demi-sourire qui l’éloigne un peu plus de son amant, on passe véritablement un excellent moment.
Il est prolongé par un documentaire sur l’histoire du film à travers le regard de nombreux acteurs, comme… Isabelle Huppert qui fut conseillère pour le casting ou Nils Tavernier stagiaire cadreur. Rappelons que nous sommes en 1983 et que le fils de Bertrand Tavernier n’a pas encore choisi sa voie.
Un réalisateur véritablement inspiré par l'univers proustien
Tous les propos du réalisateur sont savoureux, notamment quand il évoque dans un français sans tâche l’hommage qu’il voulait rendre au Paris du début XX è siècle. « La rue de Rivoli, sans voiture, quelle beauté, c’est quelque chose d’extraordinaire. On avait aussi bloqué la place de l’Opéra pendant plusieurs nuits, je pense qu’aujourd’hui on ne pourrait plus faire ».