Un homme poursuivi pénalement pour viol fut placé en détention provisoire puis condamné définitivement à dix-huit ans de réclusion criminelle. Outre la longueur de cette détention provisoire et le refus de toutes ses demandes de libération durant cette période, il se plaint des conditions de ses transferts de la prison à l’hôpital pour y bénéficier de soins. Au terme d’une analyse relativement classique, la Cour européenne des droits de l’homme condamne la France pour violation de l’article 5 (droit à la liberté et à la sureté) due à l’excessive durée de la détention provisoire (plus de quatre ans et trois mois - § 61). En effet, si les motifs de la détention ont été jugés « pertinents et suffisants tout au long de l’instruction » (§ 69) au regard notamment de la « dangerosité de l’intéressé » (§ 71), l’examen de la procédure révèle, selon la Cour , que « les autorités judiciaires n’ont pas agi avec toute la promptitude nécessaire » (§ 74 - v. une solution similaire, Cour EDH, 5e Sect. 8 octobre 2009, Maloum c. France et Naudo c. France, req. nos 35471/06, 35469/06 - Lettre actualité du 9 octobre et CPDH du 13 octobre).
Plus intéressant est le refus strasbourgeois de constater une violation de l’article 3 (interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradants) pour le port d’entraves aux chevilles lors des déplacements du requérant entre la prison et l’hôpital.
Sur la recevabilité, la Cour écarte tout d’abord l’exception de non-épuisement des voies de recours internes (Art. 35) soulevée par le gouvernement en indiquant que si elle « note avec intérêt l’évolution jurisprudentielle relative au régime de responsabilité de l’Etat en raison des actes des services pénitentiaires » (v. Conseil d’Etat, 2e et 1ère SSR, 23 mai 2003, Chabba, n° 244663), aucune décision n’a encore été rendue sur « la responsabilité des autorités pénitentiaires dans le cadre de l’organisation des escortes des détenus faisant l’objet d’une extraction médicale » (§ 80). En conséquence, le recours ne présentait pas « un degré suffisant de certitude » pour intégrer la catégorie des voies de recours internes à épuiser avant de saisir la Cour.
Au fond, les juges européens rappellent qu’en principe et sous certaines conditions, « le port de menottes ne pose normalement pas de problème au regard de l’article 3 » (§ 88) même « si la Cour n’exclut pas que le port d’entraves lors d’un transfert d’un détenu vers un hôpital puisse poser un problème sous l’angle de cette disposition dans des circonstances particulière liées notamment à l’état de santé d’un détenu » (§ 94). Cependant, en l’espèce il est relevé que le requérant « n’a pas soutenu que le port d’entraves l’ait affecté physiquement ».
De plus, si son « son état de santé » ne s’opposait pas à cette mesure, « le profil pénal et ses antécédents de violence » justifiaient eux, au contraire, les entraves (§ 95).
La France n’est donc pas condamnée au titre de ce grief.
Paradysz c. France (Cour EDH, 5e Sect. 29 octobre 2009, req. n° 17020/05 )