Etonnant ! Quatre ans après les défaites successives du parti socialiste aux différentes élections, voici que François Hollande, naguère secrétaire et général, avoue dans Le Monde de dimanche 1er novembre qu’il a été trop mou (trop obsédé par l’unité) pour sanctionner les déviationnistes (Mélanchon entre autres). Il déclare carrément ce que j’avais dit à cette époque (et tous les petits blogueurs de gauche rigolaient…) que le « non » au référendum a sonné le glas du projet socialiste aux présidentielles deux ans plus tard.
J’avais écrit texto : « Si les Français votent non, Nicolas Sarkozy gagnera la présidentielle de 2006. Pourquoi ? Parce qu’il sera le seul à proposer un Projet politique crédible, réaliste et cohérent à ce moment-là. Il n’y aura plus d’alternative, la gauche étant encore plus divisée. Il a été dit que la génération 1968 était pétrie d’infantilisme. Cette hypothèse aurait-elle quelque fondement ? » (Vendredi, 08 avril 2005).
La réponse est malheureusement « oui ».
Combien d’année faudra-t-il de preuves pour que les yeux des socialistes se dessillent enfin ? Combien d’échecs ? Je n’ai nulle boule de cristal, peut-être seulement pas du sable dans les yeux…
Hollande a raison, les Grrrrands Prrrrojjets, la litanie des listes de promesses, le vague à l’âme utopiste des lendemains qui chantent (toujours le lendemain, et toujours chanter au lieu de travailler), ne font plus recette. Si les militants sont des naïfs, les électeurs sont réalistes. Près de leurs intérêts concrets, ils voient bien que le socialisme « réel » des pays de l’Est a lamentablement échoué. Que le « changer la vie » de 1981 ne l’a été que pour les rares qui sont parvenus au pouvoir. Que faire l’euro et faire l’Europe ont été les seuls vrais moyens concrets et bénéfiques pour éviter à peu près les crises successives (krach des technologiques, attentats du 11-Septembre, crise des subprimes, récession économique mondiale).
Les électeurs ne tiennent ni à « changer la vie » ni à « faire la révolution ». Ils en ont soupé des fadaises et des yaka. Ce qu’ils veulent, c’est s’intégrer, en bons immigrés de la mondialisation : faire aussi bien que tout le monde, voire mieux dans certains domaines. Pas plus. Aménager la vie plutôt que la changer, dans le sens du plus durable, du moins gaspilleur. A commencer par l’Etat et ses dépenses sans compter, ses empilements de structures, ses fonctionnaires parisiens qui sont toujours autant - malgré la décentralisation.
Tant que le parti socialiste n’a pas de réponse concrète à ces besoins concrets, ce n’est pas la peine qu’il se présente devant les électeurs. Ils éliront les locaux mais bouderont les nationaux. Qui avait un projet politique en 2007 ? Peu importe ce qu’il est devenu, malmené par la crise mais aussi par l’absence de contrepouvoirs au comportement de cour et à l’humaine réaction de nouveau riche d’un président qui accède pour la première fois à la fonction. Les hommes sont tels qu’ils sont et non tels qu’on les rêve. Nicolas Sarkozy avait un projet pour la France, bien loin de l’immobilisme Chirac ou de la revanche dépensière Mitterrand-Jospin.
Ah, la dernière année de Jospin : quelle catastrophe ! Cet homme sérieux, de qui nul ne met en doute son intégrité, s’est laissé subvertir par les hommes de l’ombre, ces socialistes charognards qui ne peuvent voir engranger des recettes sans que les dépenser leur brûle les doigts. Tout, tout de suite ! Les démagogues, les clientélistes, les arroseurs. Les 35 heures n’avaient-elles pas pour but de favoriser l’emploi ? Il n’était donc « naturellement » pas question de les appliquer aux fonctionnaires, dont l’emploi est garanti à vie. C’était sans compter avec les le corporatisme : quoi, une inégalité ? Pas question ! D’où les dépenses d’Etat pour aider les entreprises (de quoi creuser le déficit encore un peu plus) et la désorganisation de la trop rigide fonction publique, notamment dans les hôpitaux.
Croyez-vous que les Français aient été dupes ? On n’entendait alors que le mot « social » à la bouche des énarques et des politiciens – mais le social était toujours pour les autres, pour les inclus qui jamais n’ont connu le chômage, les gros bataillons sensés voter PS. Le social ne concernait surtout pas les classes moyennes, ni même le populaire juste au-dessus du niveau. D’où Le Pen qui a battu Jospin au premier tour. Quelle baffe !
Constat du socialisme à la française :
• un décalage persistant avec les sociaux-démocrates du reste de l’Europe – avec qui l’on veut (soi-disant…) bâtir une unité économique !
• un archaïsme ancré dans le vieux marxisme stalinien avec baratin romantique pour les masses ignares et mesures à contretemps pour l’économie
• une langue de bois inaudible, vingt ans après la chute du mur et l’effondrement du socialisme « réel »
• une prétention à faire la leçon à tout le monde en se drapant dans la Morale, alors que les dessous ne sont pas plus propres que les autres
• la croyance que la droite, c’est forcément « le mal » et que le peuple, éclairé par l’avant-garde intello-parisienne, choisira forcément « le bien » qui est – naturellement - le socialisme avancé du parti.
Avancé ? On le dit comme ça du camembert…
Je déplore pour ma part qu’il n’y ait pas de parti socialiste à la hauteur de la Ve République. Ce régime a vu son présidentialisme accentué encore par l’équipe Jospin. Car qui a prôné le quinquennat, à votre avis ? Qui a changé la date des Législatives pour la mettre juste après les Présidentielles ? Alors par quelle fatuité refuser le jeu présidentiel qu’on a soi-même mis en place ?
Ce régime, particulier en Europe, a besoin de contrepouvoirs pour fonctionner en équilibre. Montesquieu l’avait montré, tout comme Tocqueville. Nicolas Sarkozy a bien tenté une réforme des droits du Parlement qui va dans le bon sens (et certains députés, certains sénateurs, s’en servent, ce qui est bien !). Mais que croyez-vous que les socialistes firent ? – Ils votèrent non ! Il tente bien une rationalisation des strates accumulées de niveaux de compétences : commune, groupement, canton, département, région. Mais les socialistes freinent des quatre fers ! Va-t-il peut-être réformer le Sénat ? Sûr que le parti socialiste dira non.
Nul besoin d’avoir une boule de cristal pour prédire une longue traversée du désert à ces socialistes dépassés par les événements. Et pourtant, Laurent Fabius est intelligent, il dit parfois des choses justes ; Ségolène Royal a des intuitions qui rejoignent les sentiments populaires ; Dominique Strauss-Kahn connaît la mondialisation et l’économie ; François Hollande est capable d’analyser ses échecs avec intelligence. - Alors quoi ?
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