Le journal vertical

Publié le 02 novembre 2009 par Didier Vincent
Dur de la feuille ?



De l’inconvénient d’être malcommode à manipuler. Cet amas de feuilles appelé journal qui, au fil de la lecture, va inexorablement se transformer en un paquet de pages froissées et de gênes occasionnées, vous taxent d’être un gêneur de première. Plus vous vous escrimez à déployer votre embarrassant boisseau en un bruissement exaspérant de papier, plus vous incommodez vos voisins qui biaisent leurs regards vers cet incongru lecteur à qui il faut plusieurs mètres carrés pour étancher sa soif de nouvelles. Un lecteur de journal est un dévoreur d’espace, un nuisible contorsionniste qui se ridiculise à manœuvrer un lacis récalcitrant de pages dont la domination lui échappe. Au fouillis de nouvelles répond le même désordre dans la manipulation fastidieuse de l’objet imprimé.

Le format tabloïd a légèrement modernisé la chose, mais guère plus eu égard aux lieux de promiscuité où le lecteur se donne le temps de lire parce qu’ils sont aussi des lieux de solitude intense : les transports en commun. D’où l’insolente domination actuelle des smartphones qui, d’un malhabile fauteur de troubles papivore, vous enferment dans un autisme où vous êtes focalisé sur un monde microscopique et n’emmerdez plus personne.

Le journal vertical (qui ne marchera jamais) est donc arrivé, comme si personne n’y avait jamais pensé. Et pouquoi cela ne marchera-til jamais ? Parce qu’une bonne partie du plaisir de la lecture d’un quotidien est due à sa manipulation. Observez bien comment chacun le lit, cet objet bruyant, bavard et salissant, observez bien comment chacun se l’approprie en une savante gymnastique très personnalisée, en un soigneux développement de stratégie allié à de petites manies bien personnelles. C’est d’un rapport amoureux dont il s’agit. Et ça, le stérile journal vertical, avec sa frigide petite tronche, ne procurera jamais autant de plaisir qu’une belle corolle de pétales qui ne demande qu’à être déflorée.