Tiens, et si on parlait d'identité nationale ? Pourquoi pas ? Ça semble à la mode...
Contrairement à pas mal de mes camarades Verts, je n'ai aucun problème avec les "symboles" de la République française : Marseillaise, drapeau, devise... Le fait que la république ne tienne pas ses promesses de liberté, d'égalité et de fraternité ne doit pas être un prétexte pour tout jeter aux orties. Ni non plus être une excuse pour figer un système et ses valeurs en faisant fi des évolutions de la société, ou interroger ces mêmes valeurs pour vérifier si leur application ne se limite pas à de l'incantation.
Alors, quel rapport avec le problème la question le débat sur l'identité nationale ? Surtout si c'est pour sortir des propositions aussi con que faire chanter une fois l'an la Marseillaise à des écoliers. Autant décréter qu'en connaissant par cœur les préfectures et sous-préfectures on est un bon géographe !
Après tout, on peut avoir ce débat sur l'identité française, ce qui fait qu'on est Français par rapport à un Italien, un Suisse ou un Néo-Zélandais. On parlerait 1789, guillotine, Verdun, Vichy, De Gaulle, Charlemagne, IIIè République, Algérie, FFI, baguette de pain, Mont Saint Michel ou béret. je suis sûr que ça pourrait être stimulant avec de la sociologie et de l'ethnologie : rapport au temps, à la bouffe, échelle des valeurs, pouvoir d'achat...
Le vrai scandale selon moi, c'est de poser ce débat sans qu'on sache où en venir, avec le présupposé qu'une certaine "identité nationale française" existerait quelque part, immuable, inaltérable. Éternelle. Serait-elle attachée à la terre de France qui, comme chacun sait, ne ment pas ?
La vaste blague ! Car s'il y a une identité française, elle n'est pas monolithique ni figée, mais mouvante et diverse. Une identité "nationale" ne pourrait, ne saurait se réduire ni au fait de payer ses impôts ni au partage d'un certain nombre de rites pseudo-républicains tout juste bons à singer la religion.
Le débat sur l'identité nationale ? Un paravent encore plus odieux que la "valeur travail", pérorée au mépris des salariés qu'elle est censée défendre. Toutefois, je n'ai pas de réponse à apporter. Juste une série de questions qui me permettront de conclure ce billet.
1. Si l'on dégage une identité nationale au terme de ce débat, y aura-t-il des bons et des mauvais français comme il y a des bons et des mauvais chrétiens et musulmans ? Le critère sera-t-il le vote, les impôts (en France, en Suisse, à Monaco ?), autre chose ?
2. Que va-t-on répondre aux 6, 7 ou 8 millions de pauvres en France qui sont relégués dans une sous-France, une fois qu'on saura qu'ils sont de bons Français avec la bonne identité ? Et s'ils ne répondent pas aux bons critères ?
3. Va-t-on demander leur avis aux centaines de milliers de personnes qui sont nées en France ou qui y ont leur vie, leurs attaches, veulent être Français et qu'on refoule aux frontières ou qu'on expulse ?
4. Triera-t-on les différents apports successifs qui font, feraient, la culture (pardon, l'identité) française ? La crêpe, l'aïoli, l'aligot, la flameküche ou le brie, est-ce plus français que la pizza, le couscous, le riz cantonnais ou le Big Mac ? Faut-il juger selon la masse de consommation ou selon les origines réelles ou fantasmées des plats ?
5. Qui est le plus Français ? Le Martiniquais attaché à son village ou le paysan de la Beauce attaché à sa terre ? Le ministre qui expulse des demandeurs d'asile dans un pays en guerre ou la Calaisien qui héberge et nourrit un ou plusieurs de ces réfugiés ? Le policier qui cueille un grand-père clandestin devant une école ou la directrice de cette école qui s'interpose en pleine rue aux "forces de l'ordre" ?