La Nana, ou l'aube du cinéma chilien

Par Tred @limpossibleblog

Le cinéma chilien est loin d’être le plus connu et exporté d’Amérique du Sud. Dans les salles françaises, cinéma chilien rime le plus souvent avec Raul Ruiz, ce qui en dit long sur le peu qu’on en voit (et sur ce qu’il a d’excitant…). Ces dernières années, Mon ami Machuca ou le magnifique documentaire Rue Santa Fe ont œuvré pour notre connaissance cinématographique du pays de Salvador Allende.


Après Tony Manero il y a quelques mois, il semble que l’automne 2009 sera celui du cinéma chilien dans les salles hexagonales. Chaque mois nous offre un film différent. Avant Huacho en décembre et Navidad en novembre, tous deux présentés dans les sections parallèles du Festival de Cannes cette année, octobre a vu la sortie de La Nana, second long-métrage réalisé par Sebastian Silva.
Le film conte les journées de Raquel, quadragénaire qui travaille depuis 20 ans comme bonne au service d’une famille aisée. Lorsque sa patronne annonce à Rachel qu’elle envisage d’employer une jeune femme pour l’épauler dans ses tâches quotidiennes, la bonne à tout faire s’inquiète pour sa place dans la famille… et son comportement envers les autres va vite s’en ressentir.


Tourné en quasi huis clos dans la maison où officie Rachel, La nana est un portrait de femme remarquable dans lequel éclate le talent de la comédienne Catalina Saavedra (justement récompensée pour son interprétation au Festival de Sundance). Rachel est un personnage passionnant loin d’être unidimensionnel. Profondément attachée à la famille pour laquelle elle travaille, elle ne supporte aucune invasion dans son monde et préfère mettre en péril (à son insu) ce qu’elle chérit plutôt que le partager.


Cette femme exerçant la tyrannie qu’elle peut à sa portée n’est pas esquissée pour être hâtivement jugée. La caméra ne la lâche presque jamais, épousant toutes ses facettes et les affinant au gré du récit. Elle est une victime, à sa manière, d’une société qui pousse souvent le peuple à s’éloigner des siens pour gagner sa vie, et ainsi à se constituer une famille de substitution pour oublier que l’on a abandonné la sienne. Tous les comédiens sont au diapason de l’héroïne, prouvant un grand talent de directeur d’acteurs de Silva, en plus de son art à maîtriser l’espace qui rend cette Nana prenante de bout en bout. Un film plein de promesses pour son auteur.