L'épopée n'a duré que quelques années, mais elle a vu l'émergence de légendes, en réponse aux exploits d'hommes admirables, à l'image de Saint-Exupéry, de Guillaumet et de Mermoz. Attachez vos ceintures.
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C comme CEMA.
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la technologie aéronautique a fait de tels progrès que des compagnies de transport postal fleurissent un peu partout, à l'instar de la CEMA (Compagnie Espagne-Maroc-Algérie), fondée en 1918 par Pierre-Georges Latécoère, un ingénieur toulousain. L'entreprise, qui s'appellera LAL (Lignes aériennes Latécoère), convoie le courrier vers la péninsule ibérique et l'Afrique du Nord. Elle prend son essor dans les années 1920, avec l'ouverture de nouvelles lignes. C'est ainsi que, le 1 er janvier 1925, est inaugurée la liaison Casablanca-Dakar.
Vers l'Amérique du Sud.
Le 11 avril 1927, Latécoère, qui a décidé de recentrer son activité sur la construction d'avions, cède presque toutes ses actions à un industriel et banquier français implanté en Amérique du Sud, Marcel Bouilloux-Lafont. Le 20 septembre 1927, la société est rebaptisée CGA (Compagnie générale aéropostale). L'objectif avoué est la création d'une ligne aérienne entre l'Argentine et la France. Bouilloux-Lafont s'entoure des meilleurs ingénieurs de l'époque et recrute la crème des pilotes. Les aviateurs Jean Mermoz et Henri Guillaumet en sont, Antoine de Saint-Exupéry également, pour effectuer des vols entre Toulouse et Dakar.
Course contre le temps.
Le premier défi à relever pour cette jeune compagnie est la mise en service d'une ligne Buenos-Air-Paris. Le contrat stipule que les sacs postaux doivent avoir accompli le trajet en huit jours. C'est une gageure à une époque où les incertitudes mécaniques et les incidents techniques en vol surviennent régulièrement sur de si longues distances. Le 1 er mars 1928, Mermoz décolle de la capitale argentine à 3 h 15, et atterrit le lendemain à Rio de Janeiro (Brésil). Il est relayé par Pierre Deley, un collègue qui se pose le 3 à Recife, où le courrier est embarqué sur le "Péronne", un vieux navire qui n'accoste que sept jours plus tard au Sénégal. De là, un nouvel appareil, piloté par Henri Guillaumet, emporte le courrier jusqu'à Casablanca (Maroc). Encore deux vols, et c'est l'arrivée à Toulouse, le 13, où les sacs sont déposés dans le dernier train, qui arrive le 14 à Paris, soit cinq jours plus tard que prévu.
Divin vol de nuit.
Pour raccourcir les délais, Mermoz suggère de voler la nuit, une idée que personne n'avait soumise jusqu'alors. Afin de prouver ses dires, il accomplit en avril 1928 la première liaison nocturne entre Buenos-Aires et Rio (2600 km), en treize heures et dix minutes ; le gain de temps est indéniable. Autre idée de génie : des ingénieurs français travaillent à la conception d'un avion capable de traverser l'océan Atlantique, pour s'affranchir du transport maritime, long et sujet à de fréquentes avaries. Pendant qu'ils s'affairent à Paris, les lignes sud-américaines remportent un grand succès. En dépit des drames - voler est encore très dangereux à l'époque et es accidents sont pour le moins nombreux -, avec l'établissement de la ligne Buenos-Aires-Santiago du Chili et le franchissement des périlleuses Andes, le 19 novembre 1928, par l'intrépide aviateur Mermoz, l'Aérospatiale de Marcel Bouilloux-Lafont affirme sa suprématie sur le continent sud-américain.
Naissance d'Air France.
Les années d'or de la compagnie culminent en 1930, quand Latécoère délivre son Latécoère 28, un hydravion assemblé dans ses usines, et capable de voler 4700 km. Mermoz, à son manche, décolle le 12 mai de la même année de Saint-Louis (Sénégal) et amerrit, triomphalement, vingt-et-une heures plus tard à Natal (Brésil). Cette réussite laisse entrevoir une ère de prospérité pour l'Aérospatiale et ses pilotes. Pourtant, un an plus tard, en 1931, victime de malversations financières et des répercussions de la crise économique de 1929, la compagnie doit déposer son bilan. S'ensuivent alors de longues tractations en coulisse. Le gouvernement français souhaite agréger les petites compagnies en une seule qui deviendrait la vitrine aéronautique de la puissance nationale. Le 31 octobre 1933, l'Aérospatiale est finalement dissoute, mais son personnel intègre la nouvelle entité créée, appelée... Air France.
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(source du texte : Joris Capel)
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