Bragging Rights 2009
Je suis un homme de dictons et de crédos. Une semaine sans scandale, c’est comme un légionnaire sans sandales, il ne faut pas tanner la peau de mérou sinon elle pète, on ne juge pas un livre à sa couverture sauf si elle est moche, ce genre de trucs. Si la Fée Pudeur ne s’était pas penché sur mon berceau, il en est en que je me serais fait tatouer depuis belle lurette tant je le serine de forums mal famés en discussions mondaines : on ne compare pas ce qui n’est pas comparable. Un drame de Clint Eastwood ne peut pas être meilleur qu’une comédie de Judd Apatow, un album de Mano Solo moins bon qu’un disque de Sunn O))). En matière de catch, c’est pareil, impossible à mon sens de comparer sérieusement un show de la TNA et un de la WWE tant leurs lignes directrices divergent… pour l’instant, la signature d’un accord liant Hulk Hogan à la première promettant une prochaine redistribution de cartes. En attendant, je ne suis pas à une entorse prêt et reconnais volontiers que mater Bragging Rights après le gigantesque Bound for Glory des rivaux d’Orlando fait l’effet d’une douche froide. Il n’empêche, cette prime édition du remplaçant de Cyber Sunday s’est montré intéressante sur plus d’un point, particulièrement sur le suivant : la conscience à la fois rassurante et dérangeante qu’a la fédération de Stamford des compétences de ses effectifs.
Commençons par l’exemple le plus parlant, la fin (provisoire ?) de la lutte entre John Cena et Randy Orton pour le WWE Championship, scellée par l’une des stipulations les plus difficiles qui soient pour les lutteurs comme pour les scripteurs, à savoir un Iron Man Match. Cena et Orton ont beau être des athlètes de haut niveau, ils sont à des années-lumière du charisme et de l’inventivité de Shawn Michaels et Bret Hart, à des bornes de l’intensité et du savoir-faire de Kurt Angle et Brock Lesnar, pour ne citer que ces preux participants de mémorables batailles d’une heure. Du coup, pour éviter que la bien nommée Mellon Arena ne se vide en dix minutes, en coulisses on a fait le choix d’autoriser les tombés tout-terrain et le recours à l’armurerie traditionnelle, bref de mettre le paquet sur la narration et les bumps dérivatifs. On a ainsi vu Orton concéder stratégiquement un point sur un STF avant même que la prise ne puisse faire effet, tenter de cramer son opposant en déclenchant des effets pyrotechniques et l’assommer d’un coup de micro, on a jubilé lorsque Cena a appliqué un Attitude Adjustement sur la table des commentateurs ou quand il a envoyé son Némésis dans un mur d’ampoules… De fait, même si l’on a pas vu grand chose sur le plan technique, hormis des RKO portés à point nommé, cet ultime face à face fut captivant. Et pour une fois, c’est avec soulagement que l’on a accueilli le triomphe héroïque de Cena, sans quoi la radiation qui lui pendait au nez l’aurait invité à monopoliser le temps d’antenne de Smackdown.
Amateurs d'humour vaseux, exprimez-vous
L’autre aveu de l’état-major de la WWE réside dans la titularisation (à contrecoeur) de Smackdown, justement, en tant que brand dominante au détriment de Raw. Oups, j’ai oublié de vous parler du concept de Bragging Rights, opportunément élaboré pour coïncider avec la sortie du jeu vidéo WWE Smackdown Vs. Raw 2010 : déterminer en quelques matchs l’identité du show le plus influent. Ces concours de zguègue furent au nombre de trois et seul le premier a vu le camp rouge s’imposer au cours d’un opener un chouïa décevant. J’attendais personnellement beaucoup de ces retrouvailles belliqueuses entre John Morrison et The Miz, sans doute trop pour apprécier à sa juste valeur ce duel rythmé et physique. Les officiels ont en tout cas fait le bon choix en récompensant le Chick Magnet. Bien que Morrison lui soit techniquement supérieur, il peine à rentrer dans son nouveau costume de brave gars, là où son concurrent transpire de naturel en poseur infantil. Et malheureusement, tant que l’ado à appareil dentaire signant les dialogues du Guru of Greatness ne sera pas pendu sur un parking par un collier d’élastiques, la vapeur ne risque pas de se renverser. Mon taux d’œstrogène étant en outre au plus bas, je ne me contenterai pas longtemps d’abdominaux et de cheveux soyeux. Ceci étant réglé, Je passe rapidement sur le cas des Divas, retenez simplement que si vous cherchez un concentré de charme et de talent, Beth Phoenix, Michelle McCool et Natalya en ont a revendre. Une défaite de ces trois-là et je prenais le maquis.
Nous voici donc rendus au gros morceau du show, le Tag Team Match à quatorze, évidemment désigné pour départager les deux divisions et responsable du défaut de suspens de la rixe féminine. Celui-ci présentait un double intérêt : permettre aux nouveaux venus de se frotter aux pointures de la compagnie et lancer de nouvelles histoires. Avant cela, il fallait toutefois résoudre un problème, celui des chances de victoire des types en t-shirt bleu. A l’origine, Chris Jericho et Kane devaient être accompagnés de Dolph Ziggler, Drew McIntyre, Escobar et Cryme Tyme, soit une majorité de newbies à même de jouir d’un effet de surprise. Sauf qu’à quelques jours de Bragging Rights, le chairman en personne a estimé que ce club des cinq ne valait pas tripette et l’a remplacé par une belle poignée de branquignoles en la personne de R-Truth, Finlay, Matt Hardy et la Hart Dynasty. Dans le processus, la Team Smackdown a gagné en équilibre, en expérience et en solidarité, ce qu’elle a perdu en crédibilité. Déjà que Jericho le bouffon des guest hosts et Kane le jobber quatre étoiles faisaient pâle figure face à Triple H et son écurie, on voyait mal comment l’arrivée en renfort d’un MC croisé avec un punching bag, d’un entraineur de Divas aux tempes blanches, d’un bedonnant second couteau et d’un duo cantonné au bas du tableau allait pouvoir changer la donne. Réponse : elle ne le pouvait pas, du moins pas sans un joker de la carrure du Big Show, histoire de sauver la face du flagship show rubicond. Au terme d’une baston des plus règlementaires (sympa mais pas extra en somme), chacun ayant eu droit à sa minute de gloire jusqu’au bazar final, la grosse moitié des Unified Tag Team Champions a ainsi gratifié Kofi Kingston d’un chokeslam avant d’étourdir Triple H d’une torgnole. Surprise, on apprendra le lendemain que c’est en échange d’un title shot contre The Undertaker aux Survivor Series que cette trahison fut possible, et non pour les beaux yeux de son équipier régulier.
Trop complexe pour Punk, ce saute-mouton
OK, va pour une redite de leur mollassonne rivalité de l’an passé, mais quid des autres participants ? Et bien on retiendra qu’une fois de plus, Triple H a volé au secours de cette lopette de Shawn Michaels en empilant ses tortionnaires à coups de spinebusters… Ha non, ça on va plutôt l’oublier d’une rasade de vodka pure pour se concentrer sur LA chouette retombée de cette mêlée : la prise de bec entre Kingston et Cody Rhodes, qui amènera le bondissant ghanéen à intercéder en faveur de Cena plus tard dans la soirée avant de littéralement exploser le lendemain à Raw. A la faveur d’une entame de feud contre nul autre que Randy Orton et sa Legacy (parfait pour grimper les échelons), l’ex-United States Champion a en effet eu droit a son premier segment d’envergure. Résultat, un saccage de voiture plus tard, il apparaissait comme l’un des plus excitants entertainers de la WWE. A l’inverse, celui avec qui il empocha par le passé un titre de World Tag Team Champion semble parti pour passer un bon moment au purgatoire suite à ses accrochages en coulisses. Je parle évidemment de CM Punk, grand perdant du Fatal Four Way pour le World Heavyweight Championship, surtout que comme je viens de vous l’annoncer, le Big Show a pris sa place. L’occasion avait beau être toute trouvée pour lui redonner la ceinture sans humilier le Deadman, la WWE a préféré insister sur la couardise et la faiblesse du challenger au risque de briser son élan de main eventer. Reste deux consolations. D’un côté, un “It’s clobbering time” à faire fondre tout lecteur de comics qui se respecte, crié par Punk du haut de la rampe d’accès. De l’autre, le heel turn tant attendu de Batista à l’encontre de l’agaçant Rey Mysterio, qui cache sous ses tatouages de mara le caractère tiède d’une bonne soeur. Nettement plus convaincant en brute mal rasée et incontrôlable de rage, The Animal devrait au passage s’éloigner temporairement des ceintures disponibles à Smackdown, le temps d’une resucée de la storyline entre feu Eddie Guerrero et Rey. Et ça, c’est plutôt cool, encore plus que les sympathiques spots (un Last Ride cassée par une Spear notamment) et autres dégagements in extremis ayant fait de ce Four Way une réussite mineure.
En définitive, que retenir de ce Bragging Rights ? Que sous ses airs de mascarade promotionnelle, il constitue un pay-per-view de transition relativement consistant. Hormis l’apothéose sanguinaire de la querelle Orton/Cena, et encore, aucun de ses combats ne devraient trouver une place dans les annales. Cela ne l’empêche toutefois pas de remplir sa mission de divertissement, d’autant que les portes qu’il ouvre sont de celles qu’on ne refermerait pour rien au monde, pas même pour un courant d’air chargé de virus grippaux. Faut dire, je suis équipé avec ma combinaison anti-radiation en paquets de céréales et mes stocks d’Aspivenin. Bon, c’est pas le tout, si on parlait cinéma d’animation ?
Finlay sent qu'un espion rouge est en train de capturer le point
Bragging Rights 2009 – 25/10/2009 – Mellon Arena, Pittsburgh, Pennsylvania
- Paul Burchill Vs. Christian (c) (Dark Match – ECW Championship)
- The Miz Vs. John Morrison
- Michelle McCool, Natalya & Beth Phoenix Vs. Melina, Kelly Kelly & Gail Kim
- Batista Vs. Rey Mysterio Vs. CM Punk Vs. The Undertaker (c) (World Heavyweight Championship)
- The Big Show, D-Generation X, Mark Henry, Kofi Kingston, Cody Rhodes & Jack Swagger Vs. Finaly, Matt Hardy, The Hart Dynasty, Chris Jericho, Kane & R-Truth
- John Cena Vs. Randy Orton (c) (Anything Goes Falls Count Anywhere Iron Man Match)