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Accords franco-algériens : caractère non discriminatoire du régime de liquidation des retraites complémentaires ARRCO (CEDH 29 octobre 2009, Si Amer c. France )

Publié le 02 novembre 2009 par Combatsdh

Un ressortissant algérien qui avait travaillé avant l’indépendance de l’Algérie en 1962 pour une société de droit français et donc cotisé auprès d’une caisse de retraite complémentaire française a souhaité, en 1998, obtenir le bénéfice de ses droits à la retraite. Cependant, l’association des régimes de retraites complémentaires (ARRCO) refusa au motif que l’intéressé ne résidait pas en France au jour de cette demande. En effet, en vertu des accords franco-algériens, les retraites de personnes résidant en Algérie lors de la liquidation des droits à la retraite devaient être prises en charge par cet Etat. Mais le régime de retraite complémentaire fut ensuite absorbé par le régime général algérien, lui-même dissous en 1983. Les recours initiés devant les juridictions judiciaires françaises échouèrent.

La recevabilité de la requête est admise ici par la Cour européenne des droits de l’homme à l’aune de l’article 14 (principe de non-discrmination) combiné à l’article 1er du premier protocole (jouissance du droit à la protection de la propriété). Elle a ainsi considéré que « le requérant s’est vu refusé le bénéfice de la prestation du seul fait de ce motif [de non résidence sur le territoire français] qui est, précisément, l’objet de son grief » (§ 30). Dès lors, la situation de ce dernier entre bien dans le champ du droit à la protection de la propriété, lui-même protégé par la clause spéciale de non-discrimination prévue à l’article 14 (§ 31).

CPDH: à noter au niveau des procédures de droit interne, que les voies de recours sont bien épuisées par le rejet de la demande d’aide juridictionnelle par le BAJ de la Cour de cassation, confirmé par le premier président

“Par un arrêt du 11 mai 2005, la cour d’appel de Paris confirma le jugement entrepris.(…)

Le requérant déposa une demande d’aide juridictionnelle en vue de se pourvoir en cassation contre cet arrêt.

Le 7 mars 2006, après avoir relevé que le montant des ressources de l’intéressé était inférieur au plafond légal, le bureau d’aide juridictionnelle de la Cour de cassation rejeta la demande, au motif qu’aucun moyen de cassation sérieux ne pouvait être relevé contre la décision critiquée. Le 1er juin 2006, le premier président de la haute juridiction, saisi par le requérant, confirma cette décision”.

Sur le fond,  la Cour commencent par rappeler sa jurisprudence classique au sujet de la non-discrimination, notamment quant à la marge d’appréciation conférée aux Etats dans ce cadre. Si cette dernière est quasi nulle s’agissant des « différence[s] de traitement exclusivement fondée[s] sur la nationalité » que « seules des considérations très fortes » peuvent justifier (§ 39), à l’inverse, « une ample latitude est d’ordinaire laissée à l’Etat pour prendre des mesures d’ordre générale en matière économique ou sociale » (§ 40).

En l’espèce, « l’existence d’une différence de traitement entre les personnes ayant cotisé, au titre de leurs périodes de travail en Algérie avant l’indépendance, à une caisse de retraite complémentaire française » est aisément reconnue (§ 42).

Reste cependant à déterminer si cette différence de traitement fondée sur le lieu de résidence lors de la demande de liquidation était justifiée par un but légitime et proportionnée à ce dernier. Les juges européens identifient tout d’abord le but légitime dans la nécessité « d’assurer […] le règlement des rapports en la matière entre la France et l’Algérie » dans le contexte exceptionnel et délicat qui a suivi l’accession à l’indépendance de ce dernier Etat. Est aussi évoqué par la Cour le but « de préservation de l’équilibre financier du régime » de retraite basé sur « le principe de réparation, les pensions étant financées non par les cotisations passées de leur bénéficiaire mais par les cotisations présentes versées par les employeurs et les salariés en activité » (§ 43). S’agissant enfin de la proportionnalité, les juges européens relèvent que l’accord franco-algérien prévoyait pour tous les cotisants le maintien des droits acquis (§ 44). Or, de manière à peine voilée et en creux, la responsabilité de l’Algérie concernant les déboires que connaît le requérant avec sa retraite complémentaire est soulignée. Car, à l’inverse, la Cour énonce « qu’aucun manquement ne saurait être imputé à l’Etat français, auquel il appartenait uniquement de s’assurer de la mise en œuvre de cet accord concernant les personnes rattachées à ses institutions internes » (§ 45).

En conséquence, la différence de traitement n’est pas considérée par la juridiction européenne comme une discrimination prohibée par l’article 14 et n’est donc pas susceptible d’emporter condamnation de la France.

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Si Amer c. France (Cour EDH, 5e Sect. 29 octobre 2009, req. n° 29137/06 )

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Actualités droits-libertés du 2 novembre 2009 par Nicolas HERVIEU (compléments de Serge SLAMA)

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CPDH: cette décision ne présage rien de bon pour les procédures portées devant la Cour européenne des droits de l’homme s’agissant de la cristallisation des pensions des anciens combattants des ex-territoires sous souveraineté française ou de leurs veuves.

 En effet, dans un arrêt “Gisti” et un avis Ka, le Conseil d’Etat avait validé le dispositif légal et réglementaire de “décristallisation partielle” des pensions en estimant que si les dispositions de l’article 14 CEDH « ont pour objet d’assurer un juste équilibre entre l’intérêt général et, d’une part, la prohibition de toute discrimination fondée notamment sur l’origine nationale et, d’autre part, les impératifs de sauvegarde du droit de propriété », elles laissent cependant, selon l’interprétation de la haute juridiction, au législateur national « une marge d’appréciation, tant pour choisir les modalités de mise en œuvre du dispositif de révision des prestations versées aux ressortissants des pays placés antérieurement sous la souveraineté française résidant hors de France que pour juger si un tel dispositif trouve des justifications appropriées dans des considérations d’intérêt général en rapport avec l’objet de la loi » (CE, Sect., 18 juill. 2006, n°274664, Gisti et avis, 18 juill. 2006, n°286122, Ka.  v.”Le long combat vers l’égalité des droits pour les pensions des “indigènes “”, CPDH, 16 octobre 2008).

Le même type de problème juridique se pose dans l’affaire Carson et autres c. Royaume-Uni.

 L’affaire concerne une requête introduite par 13 ressortissants britanniques qui ont travaillé pendant une partie de leur vie au Royaume-Uni, cotisant à la caisse d’assurance nationale, avant d’émigrer ou de revenir en Afrique du Sud, en Australie ou au Canada.

Les requérants soutenaient que le refus par les autorités du Royaume-Uni de majorer leurs pensions au prorata de l’inflation était discriminatoire et que certains d’entre eux avaient dû choisir entre renoncer à une part importante de la pension à laquelle ils avaient droit et vivre loin de leurs familles. 

Or, la Cour européenne a jugé dans la décision du 4 novembre 2008, par six voix contre une, à la non-violation de l’article 14 combiné avec l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention et qu’il n’était pas nécessaire d’examiner la requête sous l’angle de l’article 8 combiné avec l’article 14 (CEDH, 4 novembre 2008, Carson c/ Royaume-uni, requête no 42184/05).

Elle a notamment relevé que “la situation des personnes ayant leur résidence habituelle sur le territoire des Etats contractants n’est pas suffisamment similaire à celle des individus résidant à l’étranger en ce qui concerne le fonctionnement des régimes de retraite ou de sécurité sociale” (§78)

et que “l’économie des accords bilatéraux dépend des vicissitudes de l’histoire et des appréciations respectives des parties concernées quant aux avantages et inconvénients qu’ils comportent. Leurs dispositions reflètent ce que les Etats contractants ont pu négocier à un moment donné sans se placer dans une situation trop défavorable du point de vue économique et ont pour objet de permettre une réciprocité des prestations sociales dans tous les domaines, pas seulement en matière de revalorisation des pensions. La Cour estime que, en concluant de tels accords de réciprocité avec certains pays mais pas avec d’autres, l’Etat défendeur n’a pas outrepassé la très large marge d’appréciation dont il jouit en matière de politique macroéconomiquee (§81).

Néanmoins le 6 avril 2009 l’affaire a été renvoyée devant la Grande Chambre à la demande des requérants.

L’audience s’est tenue le 2 septembre 2009 (v. le communiqué de presse).


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