La situation est confuse : d'un côté la guerre des prix bas que se livrent les marchands Walmart, Target et Amazon - et d'autres, mais avec des sphères d'influence moindres - et une situation dans laquelle on apprend que même des libraires indépendants passent leurs commandes dans ces boutiques tant les réductions sont importantes.
Il semble cependant que, anticipant la future enquête diligentée par l'Association des libraires américains, ces grandes enseignes aient posé quelques limites à leurs campagnes de réduction. Ainsi, Wal-Mart limite à deux titres les achats d'exemplaires en prix ultra-discount, tandis qu'Amazon passe la barre à trois et Target à cinq.
Les clients ne pourraient donc pas s'offrir plus d'ouvrages que ce nombre maximum, un moyen qui permettrait de ne pas permettre aux libraires indépendants de se procurer des livres à des tarifs hors-norme. Bien évidemment, cette guerre des prix se joue sur deux tableaux : les livres papier et numériques. Nous avions tout de même atteint une tarification de 8,99 $ sur les précommandes de certains ouvrages en papier quand leur prix de vente est de 35 $ parfois. Des munitions largement déloyales se plaignaient les libraires.
Si derrière ces réductions sauvages se cache une volonté de devenir le marchand de référence et particulièrement celui qui propose le meilleur rapport qualité-prix, c'est surtout une guerre qui porte sur ce que les Américains pourront lire demain, ou n'auront plus que le droit de lire à l'avenir. On ne peut s'empêcher de rejoindre les inquiétudes de l'ABA qui redoutait en effet une mainmise sur l'édition indirectement : si certains livres sont vendus à très bas prix, ils risquent de devenir les seuls achats que pratiquent les consommateurs.
En pratiquant de tels prix, les marchands ont le pouvoir de limiter les livres qui seront publiés et vendus à de seuls best-sellers prémâchés, évinçant par là même les productions risquées. Les choix des éditeurs seront immanquablement orientés en fonction des nouvelles pratiques commerciales. Clairement pas une atmosphère qui favorise l'innovation et les découvertes littéraires.