saines – du balcon

Publié le 02 novembre 2009 par Collectifnrv

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Enterrement de vie de garçon de mon frère, le mois dernier… C’était bien la première fois qu’on me sollicitait pour en faire un. Le peu que je savais, c’était que généralement les proches du futur marié (ou de la future mariée pour les enterrements de vie de jeune fille) font les couillons dans la rue : j’en avais vu deux ou trois dernièrement, et cela m’avait plutôt fait rigoler. Pour mon frangin, je n’avais guère qu’une ou deux idées : par exemple, lui faire porter une tenue de « bunny Playboy » et demander à des inconnus (« e-s », de préférence) de dessiner des cœurs au marqueur ou au feutre fluorescent ; enfin des conneries comme ça…

Il y avait aussi un film, très moyen, mais qui a fait un carton cet été, où on trouvait quatre personnages complètement torchés, qui se réveillaient dans une chambre d’hôtel de luxe, avec un tigre dans la salle de bains. Ils se rappelaient juste qu’ils avaient fait la java la veille, mais avaient complètement oublié de quoi il en retournait. Tout au long du film, The Hangover (traduit en français par Very bad trip !?), ils vont recomposer les morceaux du puzzle de leur folle nuit. Et enfin, le truc bateau dans les enterrements de vie de garçon, c’est la strip-teaseuse…

Et puis, finalement, à peine une dizaine de jours avant la date fatidique, je tombe sur la note d’un blog, sans doute inégal, mais pas prétentieux, et même parfois déconnant. En évoquant « Secret square », la très respectable Miss Blablabla avait été suffisamment dithyrambique pour, comment dire ? « m’intriguer ». Surtout quand on sait la difficulté de trouver à Paris des coins sympas : il peut arriver qu’on traîne des heures durant la nuit, sans rien trouver de vraiment satisfaisant, ni comme bar, ni comme restaurant. De temps à autres, bien sûr, il arrive qu’on tombe sur quelque chose de chouette, mais sans jamais être vraiment épatant.

Pour les distraits, « SS » est un bar-restaurant qui se désigne comme « aphrodisiaque », sis au 27 avenue des Ternes, dans le 17è arrondissement de Paris. Pour les suspicieux, je tiens à signaler que ce long billet est complètement désintéressé : il n’est pas sponsorisé, et il n’y a personne de mon entourage là-bas, ni de près, ni de loin. Le menu à 60 € comprend un repas (plutôt court, mais assez bon), et un « spectacle ». Quand nous sommes arrivés, mon frère, son meilleur ami et moi, il devait être 20h 30. Au vestiaire, une charmante hôtesse, qui laisse augurer la suite, reçoit nos affaires (3€, par personne). Puis nous descendons, au sous-sol : d’abord, une sorte de grand salon de près de deux cents mètres carrés, avec une large dominante de rouge, et des couleurs sombres entre le marron et le noir. Et, une salle attenante plus « cosy », environ soixante-quinze mètres carrés, pour se restaurer. Un service, à peu de choses près, impeccable.

Bon, ce soir, c’est fête ! pas d’apéritif ; le meilleur ami commande une bouteille de champagne Taittinger : 145 € ! Raide, le prix ; mais excellent. Pour le repas, menu « automne » : cannellonis, puis agneau, et au dessert un truffier. L’entrée est prometteuse, et le reste correct.

Début de la soirée. Alors qu’on goûte le champagne, les clients entrent peu à peu. La population est assez homogène : plutôt « bobos », moyenne d’âge : trente-cinq, quarante ans. Quelques-uns ont la petite vingtaine ; et on peut entrevoir par-ci par-là des cheveux grisonnants. Beaucoup de groupes ; mixtes. Statistiques à vue de nez : sur dix hommes, il y a deux ou trois femmes. Puis à un moment, je commence à voir arriver un petit groupe de femmes, très élégantes, avec des robes de soirée dont les couleurs tranchent avec ceux des clients ordinaires. Je les regarde distraitement. Le voisin de la table derrière, qui contient un groupe de six personnes, se retourne ostensiblement ; et, très « excité » (je ne vois pas d’autre mot), me lance : « Quand même, tu pourrais dire à tes copains, que les filles sont là !!! » Bon, c’est vrai : je matais égoïstement ; mais, je ne voyais pas non plus de quoi en faire un plat : il n’avait jamais vu de jolies filles dans sa vie, ou quoi ?!

Depuis le trajet en métro, mon frère se demandait où je l’emmenais. J’avais réussi à rester très discret sur tous les éléments de la soirée. Il ne connaissait pas l’endroit, et était un peu angoissé de ce qui l’attendait. Bien que ses doutes se levaient peu à peu, et il était toujours crispé. Je crois qu’il est resté « coincé » pendant un bon moment. Par exemple, quand il fut bien clair, qu’on était dans une boîte de strip-tease et qu’il fallait qu’il décide de choisir une fille, il s’est défilé :

- Oui, euh, ma copine me l’interdit…

- Eh, banane ! c’est justement pour ça que t’es là ! Aujourd’hui, tu as le droit !

- Euh, si je le fais, vous le faites ! il n’y a pas de raison qu’il n’y ait que moi qui le fasse…

- Eh, bien si ! c’est pas nous, qui passerons à la casserole la semaine prochaine !

Sa dérobade était si lourdement voyante que la table voisine nous chambrait :

- Eh, ils ont commandé le menu enfant ! »

- C’est qu’on ne veut pas se faire attraper par nos parents !, avais-je dû improviser comme réponse.

Mon frère continuait à louvoyer : « Non ! quand même on peut pas payer pour ça ! », « J’ai la même à la maison… en mieux !!! », etc. Puis, à court de prétextes, il lâcha enfin : « Bon, ben, alors, vous décidez pour moi ! »

[à suivre...]


par Albin Didon