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A l’heure où le noir et blanc est devenu une marque d’esthétisme presque exclusivement réservé au genre dramatique, on en oublierait presque qu’à une certaine époque, on aimait rire en noir en blanc. Alors que la couleur existait déjà sur grand écran, nombre de cinéastes optaient tout de même pour ce bon vieux noir et blanc pour dérider leurs contemporains. Le genre comique traverse les décennies en demeurant roi dans le cœur du public, mais pour tous ceux qui croient que « noir et blanc » ne rime pas avec bonne humeur, voici un flash-back sur cinq pépites prouvant qu’il n’est point besoin de couleurs pour faire rire.
Arsenic et vieilles dentelles (1944 – Frank Capra)
Lorsque l’on pense Frank Capra, les premiers films qui viennent à l’esprit sont généralement ceux qu’il a fait avec James Stewart, La vie est belle ou Monsieur Smith au Sénat. Moi lorsque l’on me parle de Capra, la première image que j’ai en tête, c’est Cary Grant chez ses deux adorables vieilles tantes qui trucident les gens de passage avec un innocent sourire aux lèvres. Rappelant l’autre chef d’œuvre comique de Capra, Vous ne l’emporterez pas avec vous (une unité de lieu, un personnage « normal » propulsé au milieu de personnages loufoques), Arsenic et vieilles dentelles est un bijou mélangeant avec une facilité déconcertante le comique screwball avec une atmosphère sombre. Mais le rire l’emporte assurément sur l’angoisse.
Le gimmick hilarant : l’oncle Teddy, persuadé qu’il est le Président Roosevelt, sonnant à la charge dans les escaliers… « Chaaaaaaaaaaaaarge !!!!!! »
Certains l’aiment chaud (1959 – Billy Wilder)
Peut-être la comédie « classique » la plus célèbre de toutes. Une perle absolue, pleine de rythme et d’aventures, œuvre de la collaboration entre Billy Wilder et son scénariste le plus talentueux, I.A.L. Diamond. Jack Lemmon et Tony Curtis, musiciens témoins d’un meurtre mafieux à Chicago, prennent la fuite pour échapper aux tueurs qui veulent les faire taire. Pour mieux se cacher, ils se travestissent et rejoignent un orchestre féminin où ils rencontrent Sugar, Marylin Monroe. Certains l’aiment chaud, c’est la comédie des quiproquos par excellence, où les gags fusent et où triomphe un trio de stars au summum de leur art comique. Le film marqua la première collaboration entre Billy Wilder et son comédien fétiche Jack Lemmon.
La réplique culte : Jack Lemmon travesti en Daphne révèle à son poursuivant masculin : « I’m a man ! » - « Nobody’s perfect ! ».
Docteur Folamour (1964 – Stanley Kubrick)
Stanley Kubrick n’est pas le premier cinéaste que l’on associe au genre comique, pourtant c’est bien lui qui a réalisé la satire politique la plus folle, Docteur Folamour, ou comment j’ai appris à ne plus m’en faire et à aimer la bombe. Kubrick moque cette froide guerre americano-russe, et l’escalade sans fin de la menace nucléaire. Les personnages sont à mourir de rire, les répliques plus savoureuses les unes que les autres. Peter Sellers réalise un tour de force dans la peau de trois des personnages principaux : le président des États-Unis, le militaire britannique, et le fameux Docteur Folamour ayant une légère tendance à glisser des « Mein Führer » par-ci par-là.
La réplique culte : « Gentlemen you cannot fight in here !This is the war room ! »
L’impossible monsieur bébé (1938 – Howard Hawks)
Le maître de la screwball, ce genre comique loufoque de l’âge d’or hollywoodien, c’est lui. Howard Hawks, l’homme ayant conquis tous les genres cinématographiques. Un des tous meilleurs cinéastes qu’Hollywood ait connu, pourtant trop souvent considéré aux États-Unis comme un simple faiseur. Dans L’impossible monsieur Bébé, il dirige Katherine Hepburn, Cary Grant et un grand félin en roue libre qui affole tout le monde. J’aurais tout aussi bien pu choisir La dame du vendredi, modèle du genre lui aussi, du même Hawks.
L’anecdote : L’impossible Monsieur Bébé marquait la première collaboration entre Cary Grant et Howard Hawks : le cinéaste dirigera par la suite le comédien dans le beau film d’aviation Seuls les anges ont des ailes et dans les comédies La dame du vendredi, Allez coucher ailleurs et Chérie je me sens rajeunir !.
Indiscrétions (1940 – George Cukor)
George Cukor et Katherine Hepburn, c’est une longue histoire cinématographique, dont le plus beau représentant est (à mes yeux) cet Indiscrétions qui permit à la comédienne de se frotter aux deux grandes stars masculines de l’époque, Cary Grant et James Stewart (la seule fois où elle tourna avec celui-ci). Elle y incarne une héritière sur le point de se remarier qui voit son ex-mari (Grant) et le journaliste mondain venu couvrir l’évènement (Stewart) tenter de la séduire. Le film, adapté d’une pièce à succès, valut à James Stewart l’Oscar du Meilleur Acteur, le seul qu’il remporta dans sa carrière.
Le remake inattendu : En 1956, le cinéaste Charles Walters réalisa une nouvelle adaptation de la pièce sous forme de comédie musicale, avec Grace Kelly, Bing Crosby et Frank Sinatra dans la peau du trio Hepburn / Grant / Stewart, et Cole Porter en compositeur de luxe.