Il me semble qu’écrire consiste, d’abord, à prendre au sérieux les mots, plus encore que les phrases qui nous entrainent, d’ailleurs, parfois, beaucoup plus loin qu’on le prétend. C’est comme de glisser sur la neige... Nous n’y sommes souvent pour rien... Mais les mots, eux, nous révèlent, nous mettent à nu, nous illuminent de correspondances inattendues, sans ne nous laisser, jamais, aucun espoir de pouvoir nous dérober. A propos de Marguerite Duras, Dominique Noguez écrit ceci : « Imaginaires ou non, ses créatures? A la limite, peu importe, puisque, chez elle, le réel même est transformé, du simple fait de son regard, visionnaire au sens de Hugo et de Rimbaud. Du simple fait de cette puissance métaphorique pour laquelle on l'a parfois rapprochée du surréalisme. Du fait de cette façon de prendre les métaphores au sérieux, de les pousser jusqu'à la transsubstantiation : on commence par associer poétiquement un croissant de lune et une faucille d'or, et on finit par voir vraiment une faucille d'or dans le ciel. Parce que les collines de la Beauce évoquent des vagues, on voit la mer dans la Beauce, telle la vieille dame du Camion : Elle dit: "Autrefois, il y avait la mer, là." Et c'est vrai que ces vagues des terrains, c'est comme des vagues de l'océan. Elles sont encore lisibles à la surface de la terre » (Illustration : "Champ de blé sous un ciel orageux"Vincent Van Gogh. Rijksmuseum Amsterdam)