Le 16 juin 2007, un mois après son départ de l’Elysée, Jacques Chirac perdait son immunité qui le protégeait d’éventuelles poursuites judiciaires. A cet instant même, il redevenait un citoyen ordinaire susceptible d’être convoqué par des magistrats. Nous y voilà donc depuis qu’une juge d’instruction, espèce à la disparition programmée, a décidé de renvoyer le citoyen Chirac devant un tribunal correctionnel au titre du dossier des emplois fictifs de la mairie de Paris.
Chirac et la justice c’est une longue histoire.Celle d’un homme qui sait passer entre les goutes. Celle de chemins parallèles qui finissent quelques décennies plus tard par se croiser. Pas sur Clearstream, pas sur les billets d’avion gratuits. Pas non plus par l’affaire sur la Société d’économie mixte parisienne de prestations (SEMPAP), une imprimerie dissoute en 1996 soupçonnée d’avoir financé le RPR via le cabinet du maire. L’ancien chef d’Etat est rattrapé par le dossier qu’il craignait le plus. L’affaire des emplois de complaisance présumés payés par le cabinet du maire de Paris entre 1983 et 1988. Vingt et un supposés emplois fictifs sur les quatre cent quatre-vingt-un emplois examinés par la justice pour être précis.
Mais comme pour Al Capone, peu importe au fond le motif. Cette fois-ci Jacques Chirac ne regarde pas passer le train, il est dedans. Au terme d’une ordonnance de 215 pages,la juge d’instruction Siméoni a décidé, contrairement au non lieu requis par le procureur de Paris, de faire comparaitre un ancien président de la république.
En 2004, l’ancien président pour le même dossier avait senti le vent du boulet. Il avait lors trouvé en son fidèle Juppé un fusible qui pensait-il le mettrait définitivement à l’abri de cette affaire. C’est cette stratégie qui aujourd’hui fait pschitt.
Revenu sur le devant de la scène politique avec des sondages à faire pâlir des régimes autoritaires, le “Grand” a heurté un iceberg. François Hollande n’a pas caché son malaise devant ce naufrage annoncé. L’immunité pénale dont a bénéficié Jacques Chirac pendant douze ans, a entravé la recherche de la vérité et effacé les mémoires ne laissant que le souvenir d’un président chaleureux et ronronnant dont l’image contraste à son profit par rapport à son successeur.
Rien de fait ne pourrait justifier qu’après avoir bénéficié d’une immunité pendant l’exercice de ses mandats présidentiels, Jacques Chirac devrait désormais bénéficier d’une impunité au bénéfice de l’âge. Une sorte de “droit à l’oubli”, inconciliable avec une justice égale pour tous. Or comme disait François Mitterrand “la justice n’est pas rancunière, mais elle a de la mémoire“.
L’épisode Polanski a mis en avant le rejet massif dans l’opinion d’une justice à deux vitesses. La décision de la juge mettra du baume au coeur de tous ceux qui dénoncent depuis des semaines les traitements particuliers réservés aux puissants. A ce titre le journaliste Thomas Legrand résume assez bien le sentiment dominant lorsqu’il écrit “Ce n’est pas qu’on lui souhaite du mal, à notre ancien Président mais c’est simplement que l’on souhaite un peu de bien à notre démocratie et à notre justice. Elles en ont besoin.”
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