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Depuis plusieurs mois, la Vème République ne subit pas des crises dans le régime mais une véritable crise de régime.
La victoire de Nicolas Sarkozy à la présidentielle 2007 n'était-elle pas d'abord la défaite de Jacques Chirac qu'il avait contesté méthodiquement pendant cinq longues années ?
Jacques Chirac incarnait alors "l'ancien pouvoir". Le pouvoir qui avait permis avril 2002 avec l'accession du Front National au second tour de la présidentielle, preuve d'une crise politique profonde.
Cet ancien pouvoir qui ne règlait rien. D'ailleurs en 2007, tous les facteurs de la crise de 2002 étaient encore là.
La crise des partis politiques persistait. Rien n'avait été fait pour tenter de surmonter le discrédit généralisé qui éloignait d'eux bon nombre de citoyens et qui favorisait un abstentionnisme à un niveau record. Nicolas Sarkozy avait promis le retour en force de l'engagement public.
L'image de "monarchie républicaine" s'était accentuée aggravant d'autant le sentiment que les élites politiques étaient totalement coupées des réalités de la vie quotidienne.
Le Parlement avait continué sa "descente aux enfers", coincé entre l'Europe et des collectivités locales toujours plus puissantes.
Deux autres phénomènes avaient même émergé depuis 2002. Le Conseil Constitutionnel était apparu comme le seul vrai arbitre des débats de société au détriment des pouvoirs politiques habituels. La loi et l'institution judiciaire étaient désormais en crise ouverte avec une commission Outreau battant les records d'audience lors des retransmissions publiques de ses auditions parlementaires.
Le tableau général s'était donc encore noirci depuis avril 2002.
Ce constat semblait être d'abord le fruit de l'inaction qui traduisait un désarroi sans précédent.
Le pouvoir politique paraissait totalement décontenancé face à cette réalité qui lui échappait irrémédiablement.
Aujourd'hui, tout est encore plus grave.
L'unicité du pouvoir au sein de l'exécutif bat tous les records.
Le Parlement, supposé émancipé, vote à répétition tant que l'exécutif ne retrouve pas le contenu exact qu'il souhaitait d'un texte.
Les partis politiques sont plus désertés que jamais, sortes de coquilles vides prêts à être débordés par le premier mouvement citoyen organisé autour des nouvelles technologies.
Les juges se rebellent sur des enjeux symboliques.
Bref, tout va de plus en plus mal.
La France est confrontée à une véritable crise de régime politique.
La prochaine présidentielle parait plus insaisissable que jamais tant l'opinion se veut vengeresse. Jusqu'où ce besoin de vengeance peut-elle la pousser ? Jusqu'à quel niveau d'abstention ou de vote extrême ?
Comment faire renaître un socle de confiance ?
Parce que 2012 ne sera pas une élection ordinaire, le temps se chargera de sélectionner des candidats hors de l'ordinaire. Qui sera ce candidat capable de conserver les actifs de la Vème République mais de purger, une fois pour toutes, les nombreux passifs qui obstruent toute perspective sereine ?
L'histoire montre que ce sont toujours des acteurs reconvertis d'un système politique qui effectuent la meilleure transition. Ils connaissent le régime mais ne sont pas prisonniers de ses travers. C'est donc la réforme sans le saut dans l'inconnu.
Les propositions de Dominique de Villepin dans ce domaine seront un probable tournant avec un défi décisif : le retour de la vertu par le sommet.
Ce qui peut et probablement doit être reproché objectivement à jacques Chirac, c'est de ne pas avoir traité sérieusement des maux systémiques de la Vème République dont la question des financements politiques qui sont un poison récurrent depuis 1986.
Mais bien au-delà de cette seule question, c'est la capacité d'un leader à fonder un nouveau système politique moderne respectueux de nouveaux équilibres protecteurs des libertés avec des dirigeants qui retrouvent la valeur exemplaire qui n'aurait jamais dû les quitter.
L'immensité et la gravité des enjeux montrent aussi, si besoin était, combien les actuelles discussions sur les partis politiques, les groupes parlementaires, les réseaux en régions seront probablement des sujets secondaires face au dialogue direct entre les candidats et l'opinion dans des circonstances de ce type.
C'est ce climat qui ouvre des fenêtres de tirs pour des candidats atypiques comme Dominique de Villepin ou Ségolène Royal.