A las cinco de la tarde…
Nier ou renier Renan
Renan, en son temps, avait formulé ainsi sa réponse à « qu’est-ce qu’une Nation ? » : la volonté de vivre ensemble. C’est la tarte à la crème de toute dissertation en sciences politiques. Depuis, tout ce que notre beau pays compte d’intellectuels s’en gargarise la bouche, jusqu’à Alain Juppé qui a estimé que Renan avait clos définitivement le sujet.
C’est une stupidité. Premièrement, tous les imprudents qui ont clamé la « fin de… » se sont toujours trompés. Deuxièmement, je récuse la phrase de Renan car elle pourrait s’appliquer à tout groupe ou communauté humaine. Qu’est-ce qu’une association 1901 ? Qu’est-ce qu’un village ? Qu’est ce qu’une communauté monastique ?
D’ailleurs, le ministre Besson ne pose pas la même question. Il veut provoquer un nouveau débat. « Qu’est-ce qu’une identité nationale ? ». Horizons s’interroge dans les grandes largeurs sur la pertinence de la discussion. Après lui, je relève le défi. Comme lui, je pense que le mal-être identitaire est indissolublement lié à la mondialisation qui brasse les peuples et les cultures, harmonise et standardise, et du coup réveille un désir d’altérité.
Besson, le débat (et augmentons le niveau)
Commençons déjà par nous demander ce qu’implique la question. Avoir une « identité nationale » va à l’encontre d’une certaine conception d’un universalisme humain, qu’on peut retrouver par exemple dans les thèses juridiques de Georges Scelle. Elle suppose que le Français se distingue par des marqueurs identitaires d’un Anglais par exemple. Comme on ne saurait penser que c’est la génétique qui conduit la société, on en est réduit à expliquer ces divergences par des modes de vie, des cultures, des traditions.
Notons au passage qu’en ouvrant le débat, Besson imagine qu’on puisse avec le temps changer d’identité nationale. C’est certainement vrai sur le long terme, même si les réputations ont la vie dure. Les français passent toujours pour des maîtres du bon goût et de l’élégance, alors qu’en réalité cette tradition est celle d’une petite élite qui entretient un héritage. Les italiens sont certainement dans leur ensemble bien plus obsédés par leur habillement que les français.
En posant la question de l’identité nationale, on nous demande donc de désigner consensuellement des marqueurs identitaires, alors qu’on pourrait supposer aussi qu’ils sont « éternels », objectifs, et qu’ils s’imposent à une population donnée. Cette entrée dans la sélection subjective des marqueurs identitaires contient en germe un certain nombre de problèmes. Soit ces marqueurs sont les mêmes pour tout le monde, et dans ce cas, on se demande pourquoi ce débat. Soit, comme je le pense, ces marqueurs sont différents et va se poser la question de la sélection, inextricablement lié à la question démocratique : c’est le groupe le plus puissant qui imposera ses propres marqueurs aux autres groupes minoritaires.
Le discours de la méthode
C’est sur ce point là que je critiquerai la méthode de débat dans les préfectures, qui en réalité consiste à opérer par échantillon. Ces échantillons ne sont pas calculés de manière représentative mais obtenus par un appel à contribution. C’est une sélection aléatoire de gens motivés. Or, je crains que ce ne soit pas le groupe le plus modéré qui se déplace, mais bien les franges les plus radicales.
Interrogeons nous enfin sur l’objectif. Quand bien même nous déterminerions avec succès notre « identité nationale », qu’est-ce que cela changerait ? Ceux qui la refusent perdraient-ils leur nationalité ? Imposerions nous nos vues ? Je ne suis guère convaincue. In fine, voilà un débat à la méthodologie confuse, l’objectif incertain, et les retombées impraticables.
Au risque de paraître vieux jeu, j’estime que l’identité nationale du présent ne se décrète pas. Il appartient à chacun de se faire son idée. En revanche, pour que cette évolution se fasse la plus intelligemment possible, il faudrait encore que ladite population apprenne dès son plus jeune âge qu’est-ce qui a fait l’identité de leurs parents, ancêtres, et prédécesseurs.
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