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Une journée en Côte d'or !

Par Ochato

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Pour tous les amateurs et les professionnels, séjourner en Cote d’or, ne serait-ce qu’une journée, intense et printanière, c’est comme si nous arrivions, angoissés mais simultanément excités au Paradis, sauf que celui-ci ne serait pas agencé par Saint Pierre mais plutôt par Saint Bacchus !La Côte de Nuits a quelque chose d’angoissant aux premiers abords ; le regard se perd, car tout est inscrit pour qu’il s’y perde ! que ce soit le regard linguistique qui ne se fie qu’aux bornes et inscriptions signalétiques des villages traversés ou indiqués et dont on a l’impression que chacun ressemble à une noble bouteille qui, un jour, un soir, nous aurait stigmatisée les papilles à jamais, ( Marsannay, Fixin, Gevrey-Chambertin, Morey-Saint-Denis, Chambolle-Musigny, Vougeot, Vosne-Romanée, Nuits-Saint-Georges)  ou que ce soit le regard panoptique qui réunit l’ensemble des parcelles de la Côte et que l’on peut saisir en différents points de vue, le meilleur étant celui de la « route des Grands Crus » qui longe et traverse à mi-coteaux des terroirs à la notoriété séculaire  !

Malgré cela, en toute saison, la magie s’opère ! Lorsque l’on tente de saisir une parcelle ou de définir les limites ou les spécificités visuelles d’un grand cru de la nationale, c’est le plus souvent l’échec ! Le regard se trouble, les multiples rangs de vignes semblent se mouvoir comme l’une des structures de Soto, et créées une illusion d’optique, alors que si l’on tente de les saisir avec le recul nécessaire, la cartographie coloré et rythmé des tableaux de Klee s’impose : le mystère demeure donc…et pour un certain temps encore ! Après plus de deux cents kilomètres d’autoroute (A6 en partant de Paris), je n’avais pas envie de traverser Dijon pour rejoindre la nationale, alors je décidais de bifurquer à Pont de Pany et d’emprunter la D35 afin de rejoindre Chambolle-Musigny et Morey Saint-Denis, où j’avais rendez vous avec Cyprien Arlaud, du domaine éponyme ! 

Cet itinéraire fut revivifiant, car la « langueur monotone » de l’autoroute s’est brusquement changé en « acuité de proximité » dès que la D35 à pris de l’altitude, serpentant consciencieusement autour des vieux rochers de granit impassibles et sereins ! J’appréciais ce nouveau panorama dont les variations colorées des différents bitumes ajoutés, et celles des rayons du soleil traversant les bois contrastant avec le vert intense des champs environnants, m’en rappelaient d’autres, ancrées dans le centre de la France, au milieu des bocages du Bas Berry ! Des bois d’essences mêlées, des senteurs de colza et d’autres florilèges printaniers, aux odeurs de lichens et de mousses émanant des bois traversés, tous se succédaient romantiquement en un « melting pot » des plus délectables et laissaient présager de superbes sensations … autrement plus vineuses !

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En arrivant au sommet du….la D116, nous fait basculer de l’autre coté du versant, vers les Grands crus de La Côte de Nuits. En entrant à Chambolle-Musigny, je remarque que l’on a soignée un peu plus son entrée que la sortie, où le panneau à conservé la patine d’un ancien millésime « qui tient encore la route » ! Gageons que ce panneaune soit finalement pas remplacé, car ce qui résiste au temps mérite qu’on s’y attarde ; il y demeure toujours quelques relents de sagesse acquise, que l’on aurait tort de négliger !Ainsi ces petites églises aux clochers historiques, nous rappellent que les Abbayes de Cîteaux et de Cluny, aux ordres hégémoniques du Haut Moyen Age, ont non seulement contrôlé cette région, qui leur avait été cédé, à l’origine, par Gontran, roi des Burgondes, en 581 (monastère de Saint-Bénigne), mais en ont dressé l’échiquier parcellaire vinicole qui perdure encore aujourd’hui ! Et l’on ne cesse d’être surpris et de remarquer avec l’appuie des technologies modernes, en géologie notamment, avec quelle empirique acuité, les moines et convers ont su délimités les contours précis, à quelques mètres près, des plus beaux terroirs valorisant le Pinot Noir, comme ceux, sur les côtes de Beaune, châlonnaises et Mâconnaises, encensant le Chardonnay ! Ces lieux-dits ou parcelles cadastrales sont appelés « Climats » ; 133 figurent au rang de « premier cru ».Ces climats aux noms souvent pittoresques que l’on croirait sortis de quelques chansons de Francois Villon, n’en sont pas moins liés aux lieux qu’ils déterminent en un patois reconnaissant ici une formation géologique, ou une incidence topographique singulière, là, une histoire orale, traditionnelle, ou parfois, et c’est là où le bas peut blessé, sur des divergences et querelles politiques (les gentilshommes de Gevrey Chambertin ne furent pas toujours des plus aimables avec leurs voisins de Morey Saint Denis, quitte à redéfinir « à leur manière » les délimitations cadastrales de certaines parcelles !).Si certains climats entretiennent une certaine confusion (Aux Chezeauxà Morey-Saint-Denis, Echezeaux et Grand Echezaux à Vosne-Romanée), il est préférable de les avoir vu et bu, afin d’en cerner toutes les subtilités.

Le domaine Arlaud n’est pas situé dans le village de Morey Saint Denis, mais de l’autre coté de la nationale. Après quelques virages biens négociés, se dresse un chai très moderne incluant les bureaux et les caves en pierres appareillées.Cet aspect immaculé à l’extérieur et aseptisé à l’intérieur du chai, immense, au silence méditatif, est associé à ce qu’une certaine technique et certaines technologies ont apportées à la vinification. Ce qui est plus troublant, mais parfaitement compréhensible voire même nécessaire afin de lier sans heurt la continuité temporelle et donc les acquis de la tradition familiale Arlaud, c’est l’atmosphère rustique et la lumière filtrée, ambrée de la cave où repose les barriques que l’on devine presque tièdes, tant elles semblent vivantes et « respirantes » ! Accompagné de mon hôte, Cyprien, nous sommes restés deux heures à discuter, humer, déguster les vins de 2007 et quelques 2008 tirés sur cuve ! Curieux hasard, un couple d’amateurs américains nous ont accompagnés un moment ! Je pense souvent aux amateurs étrangers qui doivent imaginer beaucoup en regardant l’espace opaque et restreint d’une bouteille qui leur a plu ! Et puis, en un instant, nous nous retrouvons en train d’échanger nos impressions d’origines culturelles diverses, nos langages que l’on tente d’adapter coûte que coûte, malgré les différences…de la communication intelligente au seuil de la communion !   Il est vrai que les vins en leur écrin originel, se délivre superbement, et les nuances de terroirs qui justifient depuis des siècles leurs hiératiques classements, et qu’il est difficile de retrouver aujourd’hui, percent et transpercent à nouveau le Temps qui, depuis toujours semble-t-il nous est toujours « conté » ! Et ce n’est pas la madone siégeant au creux de l’un des murs de pierre de la cave voutée qui me contredira ! Elle relie silencieusement et ostensiblement l’histoire, le vin, les hommes qui les font…

A propos des vins, il est bien plus formateur de déguster un millésime « difficile » qu’un grand millésime encensé ! C’est le cas avec 2007, et notamment avec les vins rouges. De Chambolle à Morey, en passant par Gevrey, chaque appellation correspond aux différentes sensibilités exprimées par le pinot noir, ce magicien ubiquiste et polymorphe de nos cépages nationaux, merveilleux compagnon car imprévisible modeleur de tons !On s’égosillera à comparer les terroirs les plus favorisés, les cuvées les mieux réussies au sein d’un même domaine, les potentiels de garde de chacun, à l’année près ! Pourquoi pas, mais je préfère m’épancher sur les qualités minérales, digestives du vin, sur l’incroyable« patte » du vigneron, au savoir faire ancestral de l’élevage en barrique, somptueusement déclamé par la famille Arlaud depuis plusieurs générations, par exemple.

Christophe Guitard


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