Allain Leprest, dont le premier disque remonte à 1986, est étrangement inconnu. Peut être a t-il tout simplement manqué son époque car on le verrait bien côtoyer les plus grands chansonniers. Peut être aussi est-il loin de ce que l’on attend désormais d’un disque. Ses textes sont denses, subtiles et demandent de l’attention. C’est avant tout un poète et l’on ne peut se contenter de l’écouter, il faut l’entendre; et je parle là d’entendement.
« Dis t’as l’air perdu comme un violon / dans un étui de contrebasse / Tiens comme une abeille sur un grêlon / un joker et un carré d’as »
Leprest, c’est un langage doux et facile. Si on n’y prenait gare, on croirait entendre une conversation de terrasse. Mais dès qu’on tend l’oreille, et surtout ce qu’on a derrière, on se trouve plongé dans un univers plein d’images fascinantes, belles et incroyablement justes. Ses paroles sonnent comme des proverbes, le genre de choses si évidentes qu’on les penserait inventées depuis la nuit des temps.
« Tu valseras pour rien mon vieux / La belle que tu serre dans tes yeux / ce n’est pas de l’amour, c’est une envie d’amour / tu valse avec une ombre »
A force de parler de ses textes, on va croire qu’Allain Leprest est un chanteur à lire. Ce serait oublier sa voix. Une voix écorchée par la vie. Une voix caverneuse et qui s’enfonce de plus en plus le Zippo du grand homme ayant trop l ’habitude de « déclarer sa flamme / en ôtant son chapeau / à de belles gitanes ». En concert, accompagné d’un seul piano, Leprest, souvent un peu vouté et titubant, est capable en deux temps trois vibrations de cordes vocales à figer son public, bouches bées et yeux écarquillés.
« Quand le jour vient et qu’ les putains / une à une éteignent leurs fesses / les chiens d’ivrognes vont au gratin / en tenant leurs maitres en laisse »
Leprest est un si grand artiste que même son premier disque, qui eut le malheur de naître dans les années 80 et nous livre ces horribles bruits de synthétiseurs que cette « merveilleuse » époque a su produire, est envoutant. Oui, Leprest ce n’est pas toujours de la musique qui va vous scotcher (quoi que quand il n’y que du piano…), mais avec une voix et des textes de cette qualité, ça aurait été trop pour un seul homme.
« Verlaine aux abonnés absents / chez lui si l’ bonheur vient frapper / le concierge avec son accent / dira: « L’ poèt’ s’est absinthé » »
Bon, il est temps que je vous laisse juger vous même: jetez-vous sur Ton Cul est rond (le fameux disque années 80), Donne-moi de mes nouvelles ou Quand auront fondu les banquises, seuls disques disponibles pour l’instant sur internet, il y en a un peu plus en commerce.
Vous pouvez voir son MySpace, et je vous laisse avec ce que j’ai trouvé de mieux en vidéo (et là aussi, il n’y a pas beaucoup de choix, hélas).
Allain Leprest – C’est peut être
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