Ghost Train Tragedy
Label: Kitchen Music / Disques Office
Juillet dernier, Montreux Jazz Café, rebelote. Encore une fois, Coming Soon nous fout une gifle live avec un set entièrement ( moins une : "Broken Heart)" constitué de nouvelles chansons. Des mélodies multi-instrumentistes plus qu'accrocheuses, de véritables hymnes d'une souriante mélancolie, une complicité et une aisance scénique éprouvées... On se lèche les babines dans l'attente de l'album, exactement dans le même état que l'an dernier, quand on patientait pour le premier volet de cette aventure, NEW GRIDS : il se finissait par une belle promesse, To be continued.
Et l'expérience reste la même : à s'en prendre plein la poire dans la fosse, on en attend beaucoup et, du coup, on ne se retrouve pas tout à fait aussi charmé qu'en concert. Normal quand on fait les choses à l'envers. Mais cela reste tout à leur honneur. Je me répète, mais j'oserai insister : la valeur d'un groupe se mesure sur scène, il faut qu'il soit capable d'apporter une plus-value à la production matérialisée (Arctic Monkeys, au Paléo par exemple, en est le parfait contre-exemple). Et Coming Soon est passé maître en cet art.
Mais parlons de ce GHOST TRAIN TRAGEDY, un titre pour le moins alarmant, mais qui s'insère parfaitement dans leur univers, à mi-chemin entre une bonne histoire de Tim Burton et une équipée dans l'Ouest. Départ de Kidderminster, une place imaginaire - à la Spectre ?
On entre dans le vif du sujet dès le premier morceau, "Walking", déployant tout l'attirail des six cordes. La voix d'Howard Hughes arpente les tons sans précipitation, genre Nick Cave, rien que ça. Déjà, un humour fantasque sème le trouble : " Love is a cruel game to play when you are dead (and sedated) ". L'ombre de Lou Reed plane sur le solo guitare, qui me rappelle irrépressiblement le style d'un certain groupe du coin bien connu de la rédaction.
L'introduction de "Back Seat" nous emmène sur les rails enflammés par le soleil du Far West, tandis que "Manners & Education" magnifie cette voix gravement séduisante, qui contraste avec les sonorités légères d'un instrument à vent (j'ose imaginer). L'album est plein de contrastes, et pas seulement grâce au bagage élargi d'instruments : chaque chanson offre son ambiance. Le passage de "Steel Wire" à "Love in the Afternoon" en est déconcertant. Des titres plus légers, plus pop, emboîtent le pas aux ritournelles ténébreuses, comme "School Trip Bus Crash", où le micro passe aux cadets. Plus tard viendra l'explosion "Moonchild", un rock aérien et batailleur, totalement jubilatoire de par ses passages plein de tension : le clip illustre parfaitement l'univers dans lequel on se voit téléporté, un monde fantastique, parfois effrayant, proche de la turbulence bohème des Rita Mitsouko. On se laisse envoûter par "Lower Lip" avant de découvrir LE refrain à aller de suite gueuler dans la rue. C'est celui de "WU", un véritable morceau salvateur : " I'm going back to China - I fucking need a rest. My love's been torn to pieces ; I thought it was endless ". "Wild Catch" débute ensuite en traînant des pieds avant de finir en débandades émotives impressionnantes, en grand final poignant. Tout un scénario en somme. À la Velvet Underground, moins clashant, dans le sens du poil. On prend plaisir à reconnaître les timbres de voix des six acolytes, de cette belle troupe d'amis qui clôt son album avec tout le monde face aux micros, un final fort ce "Sweetheart".
Tout un scénarioMes multiples écoutes m'ont amenée à ce constat réjouissant : le songwriting de Coming Soon est toujours aussi frais et démentiel. Les bémols relevés lors de la première écoute sont bientôt balayés à mesure qu'on intériorise les refrains, qu'on chante à tue-tête ces airs tenaces. Il est vrai que question mélodie, l'album force un peu le ton, les guitares étant mises grassement en avant. Il manque ce brouhaha qui fait tout le charme de Coming Soon sur scène, ces coups qu'on entend sur les cordes, et aussi les coups sur les caisses - la batterie fait timidement acte de présence. Mais réjouissons-nous, on retrouvera tout cela le 5 décembre prochain au C'est l'Hiver ! Morgins Festival : prenons donc de la hauteur pour s'oxygéner les oreilles.