Dans la continuité des questions / réponses pour la Journée Mondiale du Bégaiement, le Dr Monfrais-Pfauwadel répond aujourd’hui à une personne bègue excédée de l’inefficacité des thérapies orthophoniques :
Bonjour,
Le bégaiement est une maladie orpheline !
Bègue, j’ai fait 7 ans d’orthophonie (de 12 à 19 ans) avec M. Alali « sans résultats », puis j’ai fait 1 an d’orthophonie avec Anne-Marie Simon (fondatrice de parole et liberté) - sans amélioration. (L’association a été rebaptisée par la suite « Parole et bégaiement » vu qu’avec Mme Simon, je n’ai retrouvé ni la parole, ni entrevu la liberté de parler avec plus d’aisance.)
En 1995, j’ai fait un stage de 4 jours avec Ivan Impoco (pourtant très attaqué par les orthophonistes - les orthophonistes lui ont fait un procès qu’il a gagné), stage qui a donné de très bons résultats dans mon cas, je n’en ai aucun doute. Depuis ce jour je peux dire que ma vie a changée : je communique avec beaucoup de facilité, j’ai occupé des postes très axés sur la communication verbale et je suis reconnu pour ma facilité à communiquer.
Ma fille de 7 ans présente des problèmes de bégaiement marqués. Elle voit une orthophoniste : « sans résultats », et je crains pour elle qu’elle ne subisse ce que j’ai moi-même vécu, à savoir des orthophonistes qui sont plus enclins à gérer leur corporation, qu’à s’intéresser scientifiquement à d’autres thérapies.
Souvent, leurs traitements n’apportent pas d’amélioration à leurs patients, bien qu’ils revendiquent le contraire avec des théories fausses dans la réalité des faits. Je n’ai encore jamais vu d’études scientifiques et statistiques qui mesurent les améliorations de différentes approches thérapeutiques, ce qui pourrait être une base pour le choix de thérapies et recommandations aux patients qui sont demandeurs de conseils désintéressés.
Comme mon seul objectif est d’aider ma fille à communiquer comme elle l’entend, je suis très dubitatif quant à l’apport des orthophonistes et autres professions médicales connexes dans le traitement des troubles de la parole.
Pour moi, le bégaiement est une maladie orpheline.
Marie-Claude Monfrais-Pfauwadel :
Je ne puis répondre sur ce que vous dites des personnes.
Votre définition du bégaiement en tant que « maladie orpheline » m’interpelle. Si on considère que la définition dune maladie orpheline est qu’une maladie est dite rare (ou orpheline) si son incidence est telle qu’elle touche une population trop restreinte pour que le développement et la commercialisation de son traitement dégagent des bénéfices »…vous avez totalement raison.
Et ce sont bien les enjeux financiers (ou le peu d’enjeux financiers) qui font que pour les thérapeutes ou les labos le bégaiement n’est pas « intéressant ». Du coup les thérapeutes que vous rencontrez sont vraiment dévoués, quoique vous en pensiez.
La rétribution à l’acte des rééducations fait que c’est un travail long, parfois ingrat, peu payé en retour. La rétribution au temps existe dans certains pays (Suisse), mais cela à d’autres effets pervers. On pourrait penser à un forfait de rééducation comme il y a un forfait thermal..,
La mise sur le marché de médicaments, s’ils sont efficaces, changera la donne. On ne comptera plus en dizaines d’euros, mais en millions d’euros. Car là se pose une autre question très intéressante que vous soulevez : celle de la mesure de l’efficacité des traitements du bégaiement. C’est là qu’il faut avoir de la méthode et de la rigueur, et bien réfléchir avant de se lancer.
Que cherche-t-on à mesurer ? Une diminution voire une disparition des bégayages (comme Onslow), une disparition des attitudes réactionnelles handicapantes, une amélioration de la qualité de vie, comme dans les cancers (mais c’est une notion reprise par Yaruss) ?
L’évaluation ne peut être que multiaxiale. Elle doit être faite et refaite dans des conditions identiques autant que faire se peut.
Comparer les thérapies de rééducation relève de l’impossible du fait même des différences de théories sous-tendant ces thérapies, et des critères d’inclusion.
Je pense qu’on est, dans l’évaluation des thérapies réhabilitatives, purement dans le domaine dit du « protocole compassionnel « (et ce n’est pas propre à la rééducation du bégaiement), puisqu’il n’y a pas d’essai en double aveugle possible, si ce n’est à mettre le groupe témoin dans une situation possible de perte de chance.