En France, ça tergiverse et se chamaille
Et l'on peut dire que l'analyse délivrée dans Hebdo.ch est des plus pertinentes : « Les éditeurs français en sont toujours à tergiverser et se révèlent incapables à ce jour de développer une plateforme de distribution unique, condition nécessaire à la commercialisation, par les sites internet des libraires, de l'ensemble de la production des divers groupes éditoriaux : la dispersion des sources d'approvisionnement est un casse-tête difficilement soluble ».
Dont acte, c'est exactement ça. La dispersion ! Divisons-nous pour être certain que personne ne règne en France et ne soit en mesure de proposer une alternative. Car toutes les maisons impliquées on bel et bien choisi des approches différentes. Pas complémentaires : différentes. Et surtout nées de réactions de méfiance, comme celle de Gallimard, Flammarion La Martinière face au rachat de Numilog par Hachette.
La guéguerre à la française (après l'amour à la papa...)
Peu importe dès lors les incitations du ministre de la Culture à réaliser une plateforme commune : le nerf de la guerre, dans le livre papier, c'est la distribution/diffusion et aucun des acteurs n'entend céder sur ce secteur. L'appel de Hachette, incitant les autres acteurs à se regrouper sous sa bannière n'a rien de séduisant et ressemblerait plutôt aux fourches caudines (note du rédacteur et non issue du texte de Pascal Vandenberghe). Reste que les raisons importent finalement peu : l'invitation n'a pas reçu d'accusé de réception.
L'essentiel est un peu plus loin :
Cette petite «guéguerre» typique de la culture de l'édition française, le retard pris à décider de se lancer dans la numérisation des fonds et nouveautés, la politique des «chiens de faïence» en ce qui concerne le modèle économique à mettre en place (prix de vente par rapport à la version papier, conditions de rémunération des auteurs et des revendeurs) par laquelle chacun attend de voir comment les autres se positionneront, la crainte d'une perte de maîtrise des prix de vente, les contenus numériques n'entrant pas ; pour l'instant ; dans le cadre de la loi française sur le prix unique, ce qui en théorie permettrait le discount sauvage et incite les éditeurs à vouloir disposer de moyens de rétorsion sur ceux qui s'y essaieraient : tout cela a fait prendre un grand retard à l'arrivée sur le marché d'une offre numérique en langue française.Les dangers pour les éditeurs suisses
Alors quid de la Suisse ? Mi-décembre, nous devrions voir une évolution, avec une « plateforme unique aussi large et ouverte que possible » que prépare OLF1. Certes, dans un premier temps l'offre sera « offre très limitée dans un premier temps, à la fois en nombre de titres ; quelques milliers à peine ;, mais aussi en terme d'éditeurs représentés », mais cela viendra progressivement. Toujours progressivement. Le retard...
Or, le risque, c'est ce que M. Vandenberghe présente comme la tentation de « céder aux sirènes des machines de guerre américaines », qui proposent une solution toute prête. L'Espagne, qui a signé avec Amazon US est-elle pointée discrètement du doigt ? Il est vrai qu'on céderait aisément à une telle solution à laquelle on s'abandonne complètement.
Revendiquer d'un côté la diversité culturelle ; et la densité du réseau des librairies qui en est une des conditions ; et, de l'autre, confier leur fonds à un seul distributeur, fût-il mondial, ou accepter pour le moins de tels opérateurs comme canal de diffusion privilégié, serait non seulement paradoxal, mais aussi dangereux non seulement pour les lecteurs et les libraires, mais également pour les éditeurs eux-mêmes : dès lors que ce marché aura pris de l'ampleur, quelle sera leur capacité de résister aux conditions qui leur seront imposées ?Alors, ce train, on prend le suivant plutôt ?