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Tableaux libertins de Paris

Publié le 30 octobre 2009 par Katrin

"L'éducation libertine" n'est pas comme on pourrait le croire à l’évocation du titre un roman "érotique" ; c’est plutôt un hommage au roman libertin de Laclos ou de Sade. Mais surtout, il fascine par le suc qu’il dégage, la langue épaisse et sensitive, les descriptions sensorielles de Jean-Baptiste Del Amo, jeune auteur de 26 ans, qui avec ce premier roman,  nous fait fantasmer par toutes les pores, d’une manière presque animale et archaïque, un siècle des Lumières pas si lumineux que cela.

Nous voilà donc dans le coeur du coeur d’un Paris du XVIII siècle. Et quel Paris! Un Paris où son héros, Gaspard, dix-neuf ans, promis au destin de porcher, entre comme dans un ventre « crasseux et puant », après avoir quitté sur un coup de tête sa maison natale de Quimper. Car Gaspard rêve, et il rêve d’une vie meilleure et de convoiter les plus hauts rangs de la noblesse.

Mais c’est dans un Paris grouillant, suintant, suffocant, pestilentiel qu’il pénètre, loin du luxe et des salons poudrés et raffinés de la cour. Et ainsi que du héros, il faut se méfier de cette capitale comme du vice ! Car elle est dotée d’une vie propre, qui happe, obsède, broie, expulse et tue.  Dans ses entrailles fétides, dans sa fournaise hurlante, les corps qui forniquent sentent la charogne. Ses humeurs, ses sueurs, ses odeurs envahissent tout. Et à la corruption des corps, répond celle des esprits. Après avoir vécu la première dans les bas-fonds, les faubourgs et les bordels, notre héros s’exercera avec brio à la seconde, sous l’emprise d’un mystérieux et terrible mentor, le comte de V. Il deviendra un de ses libertins « sans vertu et sans conscience » qui se fiche de la morale et des conventions ; en abusant d’hypocrisie, de complots et de mondanités, il  deviendra l’amant de vieillards fortunés pour arriver à ses fins jusqu’à s’immiscer dans les boudoirs de ces dames.

Avec une force d’évocation époustouflante, Jean-Baptiste Del Amo revisite le roman d’apprentissage et initiatique. Ses description scrupuleuses interrogent nos sens à chaque instants. Il nous emporte dans un creuset de mots qui titillent sans cesse l’imaginaire, une exhalaison d’impudeurs qui malaxent nos viscères, un magma de liqueurs et de poisse qui nous éprouvent jusqu’à l’écoeurement.

« L’éducation libertine » est une petite pépite sortie d’un anathor d’alchimiste à la plume envoûtante, et nous laisse le souvenir cuisant d’une déambulation physique et hypnotique, dans un Paris onirique.


L’éducation libertine de Jean-Baptiste Del Amo, Gallimard, 2008  

Cet article est paru dans le Magazine des Livres Sept 2008 Copyright Katrin Alexandre 2008/2009
 


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