En commençant ce blog il y a moins d'un an, jamais je n'aurais imaginé pouvoir rencontrer quelqu'un comme Juliette Swildens. Jeune, belle, branchée, Juliette est une des stylistes parisiennes chouchou des rédactrices de mode. Ses créations avec la marque Swildens font régulièrement les pages du Elle ou de Glamour. Alors en envoyant un petit email à son attaché de presse pour essayer de la rencontrer, je ne m'attendais pas à beaucoup de retour. Au contraire, Juliette était ravie à l'idée de pouvoir parler chiffons avec un blogger !
C'est ainsi que nous avons passé 1h30 en terrasse à siroter un café en discutant de tout et n'importe quoi. Une rencontre fleuve passionnante pour découvrir son univers !
Bonjour Juliette, pour commencer, pourquoi avez-vous choisi le Café Vavin pour notre entretien ?
Je viens au Café Vavin tous les matins pour faire un break avant ma journée. Cela me permet de me concentrer et de penser à plein de choses. Au bureau, le téléphone sonne en permanence, il y a toujours quelque chose de très important qui vient nous interrompre.
Et c’est toujours intéressant de s’installer ici pour voir les jeunes et observer la mode de la rue. Ce n’est pas forcément ici qu’on trouvera les styles les plus excentriques, mais on peut y observer un vrai mélange de H&M; et de marques plus modes comme Swildens.
Comment avez-vous créé Swildens ?
Je baigne dans le milieu de la mode depuis toute petite. Ma famille a créé Bonpoint. J’habitais juste au dessus donc je passais ma vie dans les bureaux. Je faisais le mannequin pour les modèles. Ensuite, j’ai étudié au studio Berçot.
A la sortie, j’ai travaillé chez Lolita Lempicka pendant 7-8 ans. Cela a été une excellente école : je suis rentrée comme attachée de presse mais je suis vite devenue l’assistante de Lolita, travaillant en relation avec le studio, la presse, le commercial…
C’est après cette expérience que j’ai eu envie de monter ma propre marque. J’ai commencé avec la femme enceinte avec 1 et 1 font 3 puis il y a 4 ans, j’ai créé Swildens.
Pourquoi avez-vous commencé par la femme enceinte ?
A l’époque, je me suis aperçue qu’il y avait un réel manque pour la femme enceinte. Cela m’a permis de démarrer, puis au fur et à mesure mes amies m’ont demandé de développer ces produits pour la femme de tous les jours. Mais sans doute aussi que mes filles grandissant, j’avais d’autres envies. Je voulais des vêtements faciles à porter tous les jours, des formes simples mais dans de très beaux tissus. Et ce manque existait à l’époque, à moins d’acheter chez les maisons de luxe.
Que représentent les trois X sous la signature Swildens ?
Durant mes voyages aux Etats-Unis, quand j'étais ado, j'ai appris à terminer mes lettres comme eux avec des croix sous la signature pour signifier bisous. Je n'ai jamais perdu cette habitude que je trouve attachante.
Quel est le style de Swildens ?
Swildens, c’est rock et romantique : c’est vraiment mon propre style et ma culture. On y retrouve un peu l’univers rock des Bains au cours des années 90, mélangé avec un peu de flower power, et puis un petit côté écolier américain.
J’aime les choses délicates, le crochet de grand-mère, tout ce qui est vintage. Je travaille beaucoup sur les lavages et les délavages pour donner ce côté traditionnel.
Quelles sont les inspirations des collections ?
Les inspirations sont un peu récurrentes. Les formes changent énormément sans vraiment changer. Il n’y a pas de coupure radicale. Je n’ai pas un thème qui sortirait de nulle part et que je déciderais de décliner sur la collection.
Les inspirations viennent vraiment d’une envie, d’une pièce que je n’ai pas. Comme tout le monde cette année, j’ai très envie d’avoir des épaulettes, mais je ne pars pas dans une copie parfois ridicule des épaulettes des années 80. Je l’adapte au style Swildens et à un vêtement que je voudrais porter.
Enfin bien sûr, le côté hippie apparait un peu plus en été, tandis qu’en hiver, je suis plus rock. Là, je suis plus sur le côté Beatles, la veste bien structurée, le bon pantalon…
Quelles sont vos pièces préférées dans la collection hiver ?
Un costume en toile de coton rayé noir et mordoré, très Beatles et un manteau asymétrique en peau retourné. J’adore aussi le cachemire tout bête mais qui tombe bien, avec la bonne longueur. Je suis assez classique à la base, mais j’aime bien les mélanges : une jupe défoncée avec un cachemire un peu classique et des belles bottes.
Comment travaillez vous une collection ?
Je commence à travailler le matin quand je m’habille. Je regarde ce que je veux mettre ou ce qui me manque. Quand j’ai une envie, je la crée pour une de mes collections. Je garde toujours des choses en mémoire pour la suite.
Où se fait la production ?
La production se fait beaucoup en Inde : c’est un pays génial pour cela car on peut y développer facilement de nouvelles matières, des tissus ou des imprimés. Ils arrivent à me faire des tissus qu’on ne trouve nulle part ailleurs grâce à d’anciens métiers à tisser, le rendu est complètement différent de la production moderne. Et puis de temps en temps, ils ne comprennent pas ce que je dis, et cela donne des résultats assez amusants. Je travaille aussi avec la Chine ou les pays de l’est.
Difficile de produire en France ?
Le problème de la France est lié au coût et aux minimums de production peu adaptés pour une petite maison.
Où est distribué Swildens actuellement ?
Nous avons trois boutiques : deux à Paris rue Madame et rue de Poitou et une boutique à Nice. Au total, nous avons 180 points de vente dans le monde : en France, dans les pays nordiques, en Italie, au Japon...
Dans les différents entretiens que j’ai eu précédemment, il semble qu’il soit difficile pour une marque jeune de faire de l’argent, surtout dans la période actuelle…
Oui, je partage cet avis… C’est la réalité aujourd’hui. On peut faire de l’argent à terme mais il faut du talent et du temps. Il faut ouvrir des boutiques petit à petit, sans faire n’importe quoi, et surtout ne pas perdre son identité.
Maintenant, certaines marques comme The Kooples arrivent à se développer à une vitesse folle, mais c’est un peu un coup de poker. Et puis surtout, il faut une solide capacité de financement à la base. Ce n’est pas donné à tout le monde.
Comment expliquez vous le succès de Swildens ?
Il me semble qu’il n’y a pas beaucoup de marques où il y a quelque chose de vrai. Mes amies qui rentrent dans mes boutiques me disent c’est drôle, on dirait toi. J’ai mon style et j’ai de la chance car cela correspond aux envies des gens.
Où voyez vous la marque dans 10 ans ?
J’aimerais bien la même chose mais avec un peu plus de points ventes, idéalement 3 ou 4 boutiques à Paris dans divers quartiers. Je travaille aussi sur une gamme de maroquinerie pour la saison précédente. J’espère qu’elle prendra son envol.
Sans bouger de quartier, j’aimerais aussi avoir un bureau plus gros. Pouvoir engager plus de personnes et déléguer plus.
Est-ce que vous aimeriez faire un défilé pendant la fashion week ?
Je vais faire un défilé, mais pas dans le calendrier officiel de la fashion week. Je suis trop petite et je n’ai pas la légitimité pour cela.
Le problème avec la fashion week, c’est que les journalistes sont de plus en plus ennuyées par les défilés. Elles enchainent New York, Milan et Paris, elles sont fatiguées et courent tout le temps. La fashion week a perdu son côté excitant.
Aussi, je voudrais organiser non pas un simple défilé mais un vrai événement. Ce sera une vraie fête un peu décalée. Pour la musique, je vais prendre une petite jeune qui déchire aux platines. Pour les modèles, ce seront des amies, des comédiennes, pas forcément des mannequins. D’un truc galère où les filles sont obligées de venir pour le boulot, je vais en faire un moment sympa pour faire la fête.
Tu parles de rock, est ce que la musique est importante pour toi ?
En fait, c’est comme mes vêtements, j’adore des styles complètement différents… J’écoute aussi bien de la variété française que du rock, voire du punk. Mais je suis très mauvaise pour me souvenir des noms. Plus récemment, j’adore le dernier album de Scarlett Johansson avec Pete Yorn.
Quelle est justement la musique du clip Défilé sur ton site internet ?
La musique c’est Tamara KaboutcheK, c’est la grande brune dans le clip qui tient la guitare. Elle vient d’enregistrer un album à Los Angeles avec le label EMI, cela va cartonner ! Et en plus c’est une fille jolie, sympa, drôle, qui a beaucoup de talent. J’avais très envie de mettre sa musique sur le clip.
Quels sont les créateurs qui vous inspirent ?
J’aime beaucoup Nicolas Ghesquiere, mais je ne porterais pas tout. Il y a quelques pièces qui sont vraiment super belles !
Et Forte _Forte, elle a énormément de talent.
Ce serait le look parfait : une robe de Forte Forte en toile de cotton avec des dentelles avec une veste Balenciaga, dans un mix romantique rock.
Quelles sont vos boutiques préférées à Paris ?
Je ne vais pas trop dans les boutiques car j’ai la chance de dessiner ce que j’ai envie de porter. Mais j’aime bien les marchés aux vêtements et les friperies. A Paris, le problème est que les boutiques vintage sont généralement chères. Mais j’aime beaucoup la boutique Free'p'star dans le Marais. Ils ne pratiquent pas des prix aberrants, et ils ont vraiment de tout.
Est-ce que vous conseilleriez à vos enfants de devenir styliste ?
Je leur souhaite de s’éclater dans leur métier. Les enfants voient que je me m’amuse et cela peut leur donner envie. Mais c’est toujours difficile de marcher dans les pas de ses parents. On accuse souvent une fille de styliste de faire du stylisme par facilité. Mais on ne demande jamais à un boucher ou à un agriculteur pourquoi il a fait comme son père.
Ma mère me disait toujours que si je voulais faire du style, je devais monter ma marque. Je n’ai jamais travaillé chez Bonpoint et si ma fille devient styliste, elle ne commencera pas chez Swildens, même si pour une mère c’est hyper confortable.
Qu’est ce que vous pensez des blogs de mode ?
C’est extrêmement intéressant même si je n’ai pas assez de temps pour les regarder… Mais il y a un retour génial sur les blogs : les filles expriment directement ce qu’elles aiment dans mes collections.
Le seul problème, c’est que les critiques peuvent être parfois très abruptes.
Le Sidaction m’avait contacté en me demandant s’ils pouvaient faire des tshirts avec le motif Swildens pour les vendre pendant les concerts. Est-ce que vous pouvez nous prêter vos motifs ? Je leur ai bien sûr dit oui… Ensuite, j’ai eu de la presse là-dessus. Mais une fille sur un blog s’est emballée en critiquant fortement cette initiative : encore une marque qui se fait de la pub avec de l’humanitaire, etc. C’est intéressant de voir la réaction des blogs, mais parfois l’information diffusée n’est pas la bonne. Est-ce qu’il aurait fallu que je refuse au Sidaction pour faire bonne figure ? Je ne crois pas !
Pareil pour la boutique Merci ouverte par ma tante et mon oncle, on a parfois pu lire des critiques un peu abruptes sur ce concept de charity business. Il faut savoir que non seulement les bénéfices sont reversés à des associations, mais aussi, les marques qui vendent à Merci doivent verser 10% du montant de la vente aux œuvres humanitaires. Aucun autre magasin ne fait cela, donc ces critiques sont parfois injustifiées.
Internet est un outil formidable mais il faut savoir faire la part des choses.
Merci Juliette !
Swildens
Trois boutiques en France:
- 22 rue de Poitou, Paris 3e
- 38 rue Madame, Paris 6e
- 12 rue Alphonse Karr, Nice
Site internet: www.swildens.fr