Je suis intervenu le 16 octobre 2009 à une journée très intéressante sur Web 2.0 et musées au Louvre. Les objectifs de cette journée étaient de communiquer sur la démarche des musées au niveau du web participatif et de partager les expériences en la matière. La plupart des présentations sont disponibles sur Slideshare.
Mon intervention portait sur les réseaux sociaux. Le but était d’essayer de montrer comment on peut mesurer l’impact de la démarche. Quels retours attendre et comment évaluer l’investissement sur les médias sociaux ?
L’enjeu n’est plus désormais de parler à sa cible, de lui transmettre un discours ou un argumentaire commerciale, mais aussi et surtout de converser avec elle. Le manifeste des évidences rappelle si justement que « les marchés sont des conversations ». Il s’agit de dialoguer avec ses publics et d’interagir avec eux (tenir compte de leurs avis, répondre à leurs questions etc.).
Les réseaux sociaux tiennent désormais une place de choix. La question de savoir s’il faut y aller ou non ne se pose plus. C’est indispensable d’y être. Est-il imaginable de laisser les autres parler de vous, sur vous, de véhiculer des messages, des opinions, sans y prendre part ? Universal McCann a publié en juillet 2009 Power to the People – social media Tracker, où on apprend que 96 % de la fameuse Génération Y (enfants nés à la fin des années 70) est sur les médias sociaux :
- 83 % regardent des vidéos
- 76 % des utilisateurs des réseaux sociaux téléchargent des photos
- 71,1 % ont visité la page d’un ami sur un réseau social
- et 35 % téléchargent des vidéos
Certes le concept de Géneration Y est loin d’être totalement satisfaisant, mais révèle une tendance de fond en ce qui concerne l’utilisation du numérique par les jeunes générations. Aujourd’hui 25 % des pages vues aux Etats-Unis sont des pages Facebook ! Et j’aimerais bien avoir aussi des chiffres sur la « Génération C » (les 12-24 ans). Il ne faut surtout pas imaginer les réseaux sociaux comme un phénomène passager et simplement y aller car c’est à la mode, et de croire que cela va fonctionner tout seul ! Il faut avoir des objectifs et une stratégie. Cela prend du temps pour que la présence sur les réseaux sociaux porte ses fruits.
Il faut prévoir à la fois les personnes qui vont gérer et animer les communautés, les réseaux sociaux sur lesquels travailler et bien sûr de l’argent !
Il est un peu difficile pour le moment de s’imaginer calculer simplement un retour sur investissement (R.O.I). L’utilisation de ce critère manque de pertinence car c’est un indicateur qui mesure du « commerce », et nullement un indicateur de mesure pour les réseaux sociaux. Doit-on réduire sa présence sur les réseaux sociaux avec simplement l’objectif de réduire les coûts et de générer des nouveaux revenus ? Je ne pense pas, car c’est une nécessité de communiquer autrement et d’être présent là où sont les clientèles habituelles et potentielles.
Il est délicat de quantifier le retour d’une campagne centrée sur les réseaux sociaux. Comment calculer la présence ? Comment quantifier les effets sur l’image/ la marque ? On peut certes mesurer le retour sur investissement direct. Par exemple le nombre de séjours vendus suite à une campagne sur les réseaux sociaux, mais on ne peut nullement le prévoir. Je me rappelle qu’à l’origine du web on tâtonnait bien par exemple pour savoir le taux de transformation des bannières. On est désormais fixé, et on peut imaginer l’apparition d’indicateurs pertinents pour les réseaux sociaux. C’est encore très balbutiant pour la moment ! Je pense néanmoins que cela sera nettement plus compliqué pour les médias sociaux. Nous sommes désormais dans un marketing plus participatif et la présence sur les réseaux sociaux est un processus itératif qui prend du temps et donc soumis aux changements. Le volet opérationnel nécessite donc des ajustements permanents. Il est difficile de vraiment savoir ce que cela va donner avant de s’y engager. C’est surtout un travail sur le long terme : image de marque, valeurs, visibilité, retours des publics…
L’intérêt actuellement est surtout de voir ce qui est créé sur les réseaux sociaux par rapport à votre site culturel ou destination touristique (avis sur les offres, bouche à oreille positif etc.), et ce plus que le retour sur investissement direct : nombre de billets vendus… C’est là que réside la principale valeur, et il serait dommage de se priver des retours des publics (un focus group virtuel en somme !). Les principales impacts sont donc avant tout non financières. Il faut avoir à ce sujet une approche en « coût d’opportunité ». Qu’est-ce que cela me coûterait, par exemple en termes d’image, à ne pas être présent sur les réseaux sociaux et laisser les autres dirent ce que je suis ? La performance ne réside pas dans le temps d’exposition (combien de personnes ont vu ma communication ?) mais dans ce qui a été produit du côté des internautes : mon discours incite-t’il à la communication ? A l’interaction, pour ne pas dire conversation ? Est-ce que j’amine tout ça ?
Cela suppose donc un travail en amont avant de se lancer sur les réseaux sociaux. C’est tout d’abord observer et écouter. Il ne sert à rien de se lancer tout azimut, mais d’identifier tout d’abord les médias sociaux utilisés par nos publics, comprendre le fonctionnement de ces derniers, et surtout comprendre comment fonctionne la conversation. Chaque support a en effet ses spécificités et ses différents niveaux de dialogue, d’interaction. Il faut faire œuvre d’ethnologue
Qui cherche-t-on à toucher ? Où sont-ils ? Que recherchent-ils ? Que font-ils ? C’est essentiel pour définir sa stratégie et les objectifs à atteindre. Ces préalables sont essentiels, si on ne veut pas continuer à entendre que les réseaux sociaux sont des gadgets.Cela peut être des indicateurs de performance simple : visibilité d’une vidéo d’une campagne, nombre de visiteurs allant sur le site web etc. Cela permet de voir l’incidence de ce que l’on est en train de faire… et de montrer l’intérêt à nos décideurs ! C’est une approche essentielle en ce qui concerne la stratégie dans les réseaux sociaux, au même titre que la participation et l’animation des communautés. Mesurer seulement sa présence ou le nombre d’éléments vus sur les réseaux ne vous amènera pas bien loin, mais ce chiffrage doit être au service d’objectifs clairs. Il est par exemple important de quantifier la fréquentation de son site web avant de commencer sa présence sur les réseaux sociaux, et de mesurer par la suite, si un des objectifs, au-delà du dialogue nécessaire avec son public, était de drainer de nouveaux visiteurs sur le site web de l’institution. Quelques indicateurs à prendre en compte :
- Visiteurs uniques sur le site
- Courriels collectés
- Billets sur les blogs
- Commentaires sur les blogs
- Commentaires sur son blog
- Nombre de vidéos vues
- Followers sur twitter
- Friends sur facebook
- Etc.
L’idée de suivre et de mesurer n’est pas simplement pour se gargariser et dire chouette on a eu 30000 vidéos vues, mais surtout de voir si par exemple on assiste à une progression. Quels types de contenus suscitent le plus de réactions ? Qu’est-ce qui marche moins bien ou pas du tout ? Et pourquoi ?. La présence sur les réseaux sociaux est un travail de longue haleine mais il faut bien se rendre compte si cela porte ou non ces fruits. Les outils pour monitorer sont nombreux. On peut citer à titre purement d’exemple postrank.
Ces outils permettent ainsi d’analyser, de rectifier et d’ajuster sa présence sur les médias sociaux. Il ne sert à rien d’aller sur tous les réseaux sociaux, cela prend du temps et de l’argent ne l’oublions pas, mais préférable de se limiter à 2 ou 3. J’ai tendance à conseiller de d’abord travailler sur un seul réseau puis d’ajouter les autres progressivement. Cela prend en effet du temps pour se les approprier, d’autant plus que chaque média social dispose de ses propres codes et modes de conversation.
Samuel Bausson sur blog donne une lien vers tous les comptes rendus et présentations de cette journée. Un questionnement important à méditer dans toute la trame du séminaire : comment mettre en place une stratégie « web 2.0 » et ses différents outils, alors que le fonctionnement des institutions est encore très web 1.0 pour ne pas dire « a-web » ? Doit-on repenser l’offre à l’ère du numérique ? L’accompagnement au changement s’avère essentiel… Le numérique a décidément bien bouleversé les modes de fonctionnement et les paradigmes. Le web répugne au cloisonnement et aime lier et relier en faisant fi des frontières. Les institutions doivent se repenser et sortir de leurs murs.