Mineur ou majeur ?

Emmanuel Kant, dans sa thèse “Qu’est-ce que les Lumières ?” publiée en 1784 fait une distinction entre “mineurs” et “majeurs”. Les majeurs, dit-il, lisent en se faisant une opinion critique et en réfléchissant avec un esprit illuminé ; tandis que les mineurs lisent “bêtement” et sont finalement victimes d’une manipulation : la lecture est un joug. Les mineurs prennent donc pour argent comptant les dires savants d’un auteur et paraissent cultivés grâce à leurs références littéraires qui servent d’arguments d’autorité, mais en réalité ils sont assez stupides et ne développent en aucun cas un esprit des Lumières. Voilà grossomodo un résumé des idées de Kant ; la majorité a plus un caractère philosophique qu’officiel, i.e. il est possible d’être majeur intellectuellement avant dix-huit ans par exemple et mineur bien après l’âge légal de la majorité. Néanmoins si l’on analyse ses dires avec une bonne dose de paradoxes, cela nous offre deux possibilités :

- Je comprends intelligemment ses dires : je suis un majeur. Or, si je suis un majeur, je suis finalement un mineur puisque je me suis fait(e) manipulé(e) par l’idéologie de Kant en adhérant ainsi à sa thèse !

- J’écoute bêtement les dires de Kant sans trop y réfléchir : je suis un mineur. Mais comme vu précédemment être majeur, c’est être mineur. Donc vice-versa ?

Si l’on applique donc le texte de Kant à lui-même ; cela crée une drôle d’autoréférence. Pourtant Kant n’est pas sans vanter la généralité et la supériorité de sa thèse. Si générale, que si l’on applique à elle-même, alors elle ne s’applique plus ! Aussi savant et majeur fût-il, Mr kant les paradoxes oublia !