"Crowded House". Autrement dit, maison bondée. Bondée, la petite maison de la Maroquinerie l'était, dimanche soir. Neil Finn, le leader de Crowded House, s'en est presque excusé, mais personne ne s'en est plaint. Cela renforçait considérablement l'impression d'être en famille. Entre fans ravis de voir, entendre et presque toucher du bout des doigts la formation trop longtemps absente de l'Hexagone.
A ma gauche, Orla est venue de Dublin. "Il me restait quelques jours de vacances à prendre ; quand j'ai vu que la tournée de Crowded House passait par Paris, je me suis aussitôt décidée", précise-t-elle, peu avant le concert. A ma droite, je repère deux tee-shirts noirs des All Blacks. Rachel et John, deux kiwis égarés à Paris, étaient venus au départ pour la Coupe du Monde de rugby. Las de ne pas voir leur équipe fétiche en finale, ils ont tout de même eu un beau lot de consolation. Habitués des concerts du clan Finn aux antipodes, ils ne les avaient jamais vus dans une aussi petite salle...
Hors d'oeuvre de premier choix
En première partie, les Anglais de Cherry Ghost nous mettent en appétit. Leur pop atmosphérique constitut un hors d'oeuvre tout à fait adéquat. Alors que le quintet s'apprête à livrer son dernier morceau, Matt Sherrod, le nouveau batteur de Crowded House, surgit des coulisses, suivi de ses quatre accolytes (Nick Seymour, Neil Finn, Mark Hart et Davey Lane, guitariste et chanteur australien, membre des formations You Am I et The Pictures, qui les accompagnait aux claviers, guitares et harmonies pendant cette tournée européenne), bouteille de champagne, seau à glace dans les bras. Une belle façon de rendre hommage à ce jeune groupe prometteur qui les a accompagnés tout au long de leur tournée européenne, virée qui les a conduits de Madrid à Vienne, en passant par Munich, Zurich, Oslo, Amsterdam (etc.), et dont Paris constituait l'épilogue.
° Ci-dessus, le chanteur de Cherry Ghost savourant sa coupe de champagne sur scène aux côtés de Nick Seymour et Matt Sherrod.
Heureux d'être là
Lorsque, vingt minutes plus tard, retentit un hymne maori, bande son servant d'intro à la formation au cours de cette tournée, la salle retient son souffle. Crowded House déferle sur scène comme un seul homme, pour un set compact de deux heures, interrompu seulement par deux pauses minuscules (voir la setlist en note). De toute évidence, le groupe est heureux d'être là. Sourires complices, anecdotes humoristiques émaillent la soirée, les musiciens se taquinant à qui mieux-mieux. Musicalement, la playlist est roborative à souhait. Les classiques des premières années de la formation, présentés sous un jour nouveau, côtoient les plages du dernier album, telle "Silent house", pierre angulaire de "Time on earth" s'il en est, ou "Pour le monde", seule chanson du groupe comprenant un couplet en français ("pour le monde, pas pour la guerre") et sur laquelle le groupe ne pouvait naturellement pas faire l'impasse à Paris... Mark Hart, quand il n'est pas aux claviers pour entonner "To Paris", un extrait de son album solo, a toujours une guitare à bout de bras, acoustique, électrique ou "lapsteel"...
Final tonique et enjoué
Le public reprend chaque morceau à tue-tête, faisant briller des étincelles dans les yeux de Neil Finn. Le groupe aurait sans doute aimé continuer bien au-delà, mais la Maroquinerie n'a pas l'autorisation de faire du bruit au-delà de 23 h. A onze heures moins cinq, après 1 h 55 de concert, Neil chahute : "Il nous reste quelques minutes, encore, pour vous en servir une autre, avant que les "gendarmes" (en français dans le texte) débarquent". Dans un final délirant, tonique et enjoué, oscillant entre pop-pourri de vieux classiques (Beatles, Kinks ou Turtles, notamment) et improvisation funky sur une boucle rythmique de Nick Seymour, les cinq quittent le stage après avoir serré moult mains et salué le public ("Nous devons attraper le ferry pour l'Angleterre à 4 h du matin, explique Neil; "vous ne voulez pas venir avec nous ? Ca rendrait le voyage beaucoup plus intéressant...").
"Thank you New Zealand"
Les fans, un peu sonnés par tant de talent, tant de générosité, restent un moment au pied de la scène, évhangeant entre eux. Je me tourne vers mes voisins néo-zélandais : "Thank you New Zealand !", leur dis-je. Ils sourient. Nous les invitons à boire un verre à l'étage. Nick Seymour apparaît l'instant d'après, une Corona à la main. Et puis ce sera Matt Sherrod. Quelques autographes signés à la hâte avant de s'engouffrer dans le minibus garé devant l'entrée de la Maroquinerie, dans lequel un Neil visiblement exténué, emmitouflé dans une veste brune en tweed, melon tomette bien vissé sur le crane, a déjà pris place. Mark Hart et Nick Seymour continuent à converser avec des fans venus leur dire au revoir. Neil se penche en dehors du véhicule, le temps d'échanger quelques mots, puis accepte que je le prenne en photo à l'intérieur du minivan. On lui fait promettre de revenir le plus vite possible et puis tout s'accélère. Un roadie presse Nick et mark, encore sur le pavé : "Come on guys ! Le ferry ne nous attendra pas !" Tous se replient alors dans le véhicule, saluant une dernière fois de la main la poignée de fans encore présents. Le minibus avance dans la rue Boyer. La parenthèse européenne est (déjà) fermée pour l'instant mais, dans cinq jours, la tournée se poursuit en Nouvelle-Zélande et en Australie...
° Neil Finn, Matt Sherrod et Davey Lane dans le minibus devant les conduire, au ferry, dimanche soir.
La "setlist" du concert parisien
1. There goes God
2. When you come
3. Dont stop now
4. Fall at your feet
5. Say that again
6. Pour le monde
7. Silent house
8. A sigh
9. She goes on
10. Four seasons
11. People are like suns
12. Locked out
13. Something so strong
14. Distant sun
15. Pineapple head / Sunny afternoon
16. A day in the life (middle part)
17. Happy together (Mark lead vocal)
18. Private universe
19. Into temptation
20. To Paris (interprété par Mark Hart, chanson de son album solo)
21. Dont dream its over
22. Fingers of love
23. Weather with you