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Small is beautiful

Par Lounes
SMALL IS BEAUTIFUL Extraits E.F Schumacher - collection Point 105 Extraits choisis
"Puisque même les hommes les plus ordinaires ont une âme, nul accroissement de richesse matérielle ne leur sera jamais d'aucune compensation pour des compromis qui insultent leur dignité et restreignent leur liberté...L'industrie doit répondre à des critères qui ne sont pas exclusivement économique."
RH Tawey
Le problème de la production:
L'illusion d'avoir des pouvoirs illimités, entretenue par des réalisations scientifiques et technologiques étonnantes, à fait naître une seconde illusion associée à la première: celle d'avoir résolu le problème de production. Cette dernière repose sur le refus de distinguer REVENU et CAPITAL, capital irremplaçable que l'homme n'a pas fabriqué, mais simplement trouvé, et sans lequel il ne peut rien faire.
Un homme d'affaire ne considérerait pas qu'une firme est viable si il la voyait user si rapidement son capital. Comment dans ces conditions, ignorer ce fait essentiel lorsqu'il est question de cette grande entreprise qu'est l'économie du vaisseau spatial Terre et, en particulier de ses riches passagers? Ces illusions résultent principalement, ai-je suggéré, de notre inaptitude à reconnaître que le système industriel moderne, avec sa sophistication intellectuelle, épuise les richesses mêmes sur lesquelles il s'est édifié. Pour parler le langage de l'économiste, il vit sur un capital irremplaçable qu'il considère allègrement comme un revenu.
J'ai préciser 3 catégories différentes de ce même capital: les ressources fossiles, les marges de tolérance de la nature et la substance humaine. La substance de l'homme ne se mesure pas en terme de produit national brut. Peut-être d'ailleurs ne peut-on pas la mesurer du tout, excepté quelques symptômes d'échec. Ce n'est pourtant pas notre propos d'entrer ici dans les statistiques concernant ces symptômes, tels que rébellion, crime, drogue, vandalisme, dépression nerveuse, etc. Les statistiques ne prouvent jamais rien.
Quelle est donc ma thèse? Tout simplement qu'il nous faut avant toute chose éviter la catastrophe à laquelle nous courons aujourd'hui. Et qui doit entreprendre une telle tâche? A mon avis chacun d'entre nous, vieux ou jeune, avec ou sans pouvoir, riche ou pauvre, avec ou sans influence.
Parler du futur est utile, à la seule condition que cela aboutisse à une action concrète dans le présent. Que pouvons-nous faire actuellement? Bien comprendre le problème et envisager l'éventualité d'un nouveau style de vie avec de nouvelles méthodes de production et de nouvelles habitudes de consommation: un style de vie conçu pour durer en permanence.
En agriculture et en horticulture, nous pouvons nous consacrer à la mise au point de méthodes de production biologiquement saines, améliorer la fertilité des sols et produire santé, beauté et pérennité.
Nous pouvons nous intéressés à de nouvelles formes d'association entre dirigeants et ouvrier/employé, même à des formes de copropriétés.
Dans le domaine de l'industrie, nous pouvons nous pencher sur l'évolution de la technologie à petite échelle, technologie relativement non-violente, "technologie à visage humain". Ainsi les ouvriers pourraient-ils tirer plaisir de leur travail au lieu de ne travailler que pour leur paie et de n'attendre - d'une façon désespérée- de satisfaction que de leurs seules heures de loisirs.
Paix et pérennité:
La croyance dominante des temps modernes tient la prospérité universelle pour le fondement le plus solide de la paix.
On en chercherait enfin une preuve historique: la preuve que les riches se sont toujours trouvé moins belliqueux que les pauvres. Mais n'objectera-t-on pas alors qu'ils ne se sont jamais sentis en sécurité en face des pauvres, que leur agressivité résulte de la peur, et que la situation serait bien différente si tout le monde était riche, Pourquoi un homme riche ferait-il la guerre? Il n'a rien à y gagner. Les pauvres, les exploités, les opprimés n'y seraient-ils pas si enclins, eux qui n'ont rien à y perdre, sinon leurs chaînes?
La route de la paix, soutient-on, suit la route de la richesse. Cette croyance dominante des temps modernes exerce une attraction presque irrésistible. L'attrait est même double, car les questions d'éthique n'entrent pas du tout en jeu. Tout ce qu'on nous demande est de ne pas nous comporter de façon stupide, irrationnelle, de ne pas nous entre-tuer.
Pauvres et mécontents doivent écouter le message qui les invite à ne pas déranger ou tuer, par impatience, la poule qui, sans aucun doute, pondra des oeufs d'or pour eux aussi, le moment venu. Quant aux riches, ils doivent avoir de temps à autre, l'intelligence d'aider les pauvres, car c'est pour eux le moyen de devenir encore plus riches.
Gandhi avait coutume de dénigrer "ce rêve de système si parfait, que nul n'aurait besoin d'être bon". La question de départ est de savoir s'il peut y avoir assez de richesse pour tout le monde. Nous rencontrons aussitôt une sérieuse difficulté. Que signifie "assez" ? Qui peut en décider? Certainement pas l'économiste, qui court après la "croissance économique" comme après la plus haute de toute les valeurs et qui n'a, par conséquent, aucune notion de satiété. Il y a des sociétés pauvres qui manquent de bien des choses. Mais où trouver la société riche qui crie: "Halte ! Nous en avons assez"? Il n'en existe aucune.
Laissons la l'idée de satiété, et examinons la croissance des besoins en ressources mondiales. Concentrons-nous sur le type de ressource qui occupe une position centrale:
L'énergie.
La consommation de celle-ci a triplé en 25 ans. Cette multiplication serait imputable pour moitié à l'accroissement de la population et pour moitié à l'accroissement de la consommation par tête.
Les population des pays "riches" représentant environs 25% (de la popu. mond) consomment environs 72% de l'énergie mondiale. Les populations des pays "pauvres" représentant environs 75% ( de la popu. mond) consomment environs 28% de l'énergie mondiale. Pourtant, ce sont les " riches" , et non les pauvres qui causeront - et de loin - le plus de ravages.
Mais si les " riches" décidaient - la probabilité est faible - que leur consommation d'énergie par tête, qui représente déjà (1974) quatorze fois celle des " pauvres", est en vérité assez élevée et qu'il faut stopper là sa progression, alors, nous verrions une réelle différence. Il est clair que les " riches" sont entrain de spolier le monde de ses réserves en combustible assez bon marché, facilement exploitables, mais irremplaçables et données une fois pour toutes.
Considérer le monde actuel comme une unité manque de réalisme. Les ressources énergétiques ne sont pas distribuées de manière uniforme. Toute pénurie, si faible soit-elle divise immédiatement le monde entre "possédants" et "non-possédants" suivant des frontière entièrement nouvelles. Les zones privilégiées ,telles que le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, éveillent l'envie, alors que les zones à forte consommation, telles que l'Europe de l'Ouest et le Japon, se retrouve dans la situation peu enviable de légataires à titre universel. Belle source de conflit potentiel...
La proposition qui consiste à remplacer chaque année des milliards de tonnes de combustibles fossiles par l'énergie nucléaire revient à résoudre le problème du combustible en créant un problème d'environnement et d'écologie d'une ampleur sans précédant: les déchets radioactifs doivent être hermétiquement enfermé et enterré pendant 25 000 ans avant de devenir inoffensifs.
Quelle que soit la source d'énergie, la multiplication de la consommation par deux, puis quatre, puis six..., n'autorise pas à trouver de réponse satisfaisante au problème de la pollution. La croissance économique qui, considérée du point de vue de l'économie, de la physique, de la chimie et du point de vue technologique, n'a pas de limite perceptible, doit nécessairement aboutir à une impasse si l'on se place du point de vue des sciences de l'environnement De fait, la consommation d'énergie fait courir des dangers sans précédant à l'environnement.
Une philosophie qui cherche l'accomplissement de l'homme dans la seule poursuite de richesses - en bref, le matérialisme - ne cadre pas avec ce monde, car une tel attitude ne connaît aucun principe de limitation, alors que l'environnement dans lequel elle s'inscrit est, lui, strictement limité.
La solution d'un problème en fait surgir dix nouveaux, qui sont la conséquence de cette première "solution". Les nouveaux problèmes ne viennent pas d'un échec accidentel, mais du succès technologique. Fiers de leurs propre optimisme, certains sont portés à croire " que la science trouvera une porte de sortie". Mais à la seule condition qu'intervienne un changement volontaire et fondamental dans la direction imprimée à l'effort scientifique.
La politique du "davantage, toujours davantage", jusqu'à ce que tout le monde soit saturé de richesses, doit donc être sérieusement remise en question, au moins sur deux points: la disponibilité des ressources de base et, en second lieu où en complément, la capacité de l'environnement à résister au degré d'interférence que cette croissance suppose. Nul doute que l'idée d'enrichissement personnel exerce un fort attrait sur la nature humaine. Keynes* nous a prévenu que le temps n'était pas encore venu d'un retour "à certains principes les plus sûrs et les plus solides de la religion, à ces vertus traditionnelles qui veulent que l'avarice soit un vice, la pratique de l'usure un délit, et l'amour de l'argent méprisable".
Si l'on cultivent systématiquement les vices humains, comme la cupidité et l'envie, on obtient inévitablement une régression de l'intelligence, pas moins. Quiconque est poussé par la cupidité ou l'envie perd la faculté de voir les choses comme elles sont réellement, de voir les choses dans leur intégrité et leur ensemble.
Le produit national brut peut bien s'élever rapidement, à en croire les chiffres, telle n'est pas l'expérience des gens eux-mêmes, placés dans un contexte de frustration, d'aliénation et d'insécurité grandissante. Après un temps même le produit national brut refuse de croître davantage. La cause n'en est pas un échec technologique où scientifique, mais une paralysie progressive due à un manque de participation, qui se traduit par diverses formes d'évasions, aussi bien chez les opprimés et les exploités qu'au sein des groupes très privilégiés eux-mêmes.
Mais est-il encore vraisemblable où crédible de considérer les maladies sociales graves, qui minent aujourd'hui bien des sociétés riches, ne sont que de simples phénomènes passagers, qu'un gouvernement compétent- si nous pouvions avoir un gouvernement réellement compétent ! - pourrait extirper simplement grâce à une plus grande fermeté ?
Je suggère que la prospérité universelle, au sens moderne du terme, ne soit plus prise pour fondement de la paix; car une telle prospérité ne peut être accessible, si elle l'est jamais, que par le culte de pulsions de la nature humaine comme la cupidité et l'envie. Or celles-ci nuisent à l'intelligence, au bonheur, à la sérénité, et par conséquent à la tranquillité de l'homme.
En résumé, l'homme d'aujourd'hui est bien trop adroit pour arriver à survivre sans sagesse. personne ne travaille vraiment pour la paix, à moins de travailler pour un retour à la sagesse. Espérer pouvoir retarder la recherche de la bonté et de la vertu jusqu'à l'accession à la prospérité universelle et, par la seule poursuite de richesse, sans se soucier de questions spirituelles et morales, vouloir instaurer la paix sur terre, n'est ni réaliste, ni scientifique, ni rationnel.
Maintenant que nous connaissons de grand succès, le problème de la vérité spirituelle et morale vient occuper le devant de la scène. D'un point de vue économique, le noyau centrale de la sagesse est la pérennité. Pour citer Ganghi, il est plus vraisemblable que " la terre produit assez pour satisfaire les besoins de chacun, mais non pour satisfaire sa cupidité ". La pérennité est incompatible avec une attitude de rapace, cultiver et multiplier les besoins est l'antithèse de la sagesse. C'est aussi l'antithèse de la liberté et de la paix.
Toute multiplication des besoins tend à augmenter la dépendance à l'égard de forces extérieures qui échappent à notre contrôle, et alimente par conséquent la peur existentielle. Des " solutions " scientifiques où technologiques qui empoisonnent l'environnement, où dégradent la structure sociale et l'homme lui même, ne sont d'aucun profit, indépendamment de leur conception brillante ou de leur grand attrait superficiel.
Des machines toujours plus grosses, entraînant des concentrations économiques toujours plus grandes, et violant toujours d'avantage l'environnement, ne représentent nullement le progrès: ce sont autant de refus de sagesse.
Qu'attendons-nous réellement des savants et des techniciens? Je répondrais volontiers que nous avons besoin de méthodes et d'équipement qui soient: - assez bon marché pour être accessibles à presque tout le monde; - susceptibles d'une application sur une échelle réduite; - compatible avec le besoin de créativité de l'homme. Toute machine utile à tous a sa place, mais il ne devrait pas y avoir place pour des machines qui concentrent le pouvoir dans les mains de quelques-uns et transforment les masses en simples surveillants des machines, quand celles-ci ne leur volent pas leur emploi.
A supposer , faisait observer Aldous Huxley, que les inventeurs et les ingénieurs aient désormais pour fin avouée, " de fournir aux individus les moyens d'effectuer un travail profitable et présentant une importance intrinsèque, d'aider les hommes et les femmes à parvenir à l'indépendance à l'égard des patrons, de sorte qu'ils puissent devenir leurs propres employeurs, ou membres d'un groupe coopératif se gouvernant lui-même, et travaillant pour sa subsistance et pour un marché local, (...) ce progrès technique différemment orienté aurait pour résultat (...) une décentralisation progressive de la population, de l'accessibilité à la propriété foncière, à la possession des moyens de production, au pouvoir politique et économique".
Si méthodes et machines doivent être assez bon marché pour être généralement accessibles, cela signifie que leur coût doit pouvoir se définir par rapport au niveau de revenus de la société dans laquelle elles sont appelées à servir. J'en suis arriver à la conclusion que le plafond du montant moyens des immobilisations par poste de travail est probablement donné par le salaire annuel d'un ouvrier de l'industrie capable et ambitieux. (ex: si un ouvrier gagne 10 000§ /par an , le coût moyen de création de son poste ne devrait en aucune façon excéder 10 000 dollars).
Si le coût est singulièrement plus élevé, la société en question risque d'éprouver de sérieuses difficultés : concentration exagérée de richesse et de pouvoir aux mains de rares privilégiés; problème grandissant des " laissés pour compte ", qui ne peuvent pas s'intégrer à la société, et constituent une menace toujours plus forte; chômage structurel; mauvaise distribution de la population en raison d'une urbanisation excessive; frustration et aliénation générales, accompagnées de taux de criminalité vertigineux, etc.
Deuxième condition l'échelle réduite: D'après le professeur Leopold Kohr, des opérations à petite échelle sont toujours, semble-t-il, moins nuisibles à l'environnement naturel que des opérations à grande échelle, pour la simple raison que leur force individuelle est faible par apport aux forces de récupération de la nature. Il y a quelque sagesse dans la petitesse, ne serait-ce que eu égard à la petitesse et à l'éparpillement du savoir humain qui repose sur l'expérience bien plus que sur la compréhension.
Le pire des dangers vient invariablement de l'application brutale, sur une grande échelle, d'un savoir partiel, comme nous en sommes journellement les témoins avec l'énergie nucléaire, la chimie nouvelle en agriculture, la technologie des transports et d'innombrables autres choses encore.
*Lord Keynes - économiste -"Essais de Persuasion" Gallimard 1933.
"La Science, la Liberté et la Paix " A.Huxley . édition du Rocher
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