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Il n’y aura pas d’appel. Le plus haut tribunal du Canada s’est prononcé. C’est clair et béton. Depuis la constitution de 1982, Québec n’a plus la priorité législative pour garantir la pérennité du français sur son territoire. C’est la loi du Canada qui s’applique. Et celle-ci contredit celle du Québec. L’annule même.
Autant l’unanimité politique s’était exprimée à l’Assemblée nationale dans l’adoption d’une loi éliminant un privilège de riches, autant l’unanimité juridique s’est exprimée à la cour suprême du Canada pour élever ce privilège au rang d’un droit constitutionnel. Il y a ici deux pays. Un, démocratique, dont les élus portent les intérêts supérieurs de leur peuple. Un, élitiste, dont les juges, nommés par un premier ministre, ont le mandat d’en façonner un autre (nation building). Deux pays, deux philosophies politiques, deux cultures, deux peuples.
Il y a eu 1755, la déportation des Acadiens. Puis 1759, la conquête militaire anglaise. Puis 1840, l’acte d’Union de force du Bas et du Haut Canada. Puis 1867, l’Acte de l’Amérique du Nord Britannique noyant le Québec dans quatre puis treize législatures. Puis 1982, nouvelle constitution canadienne, jamais signée par le Québec, réduisant les pouvoirs de la seule Assemblée nationale contrôlée un peuple français d’Amérique du Nord.
Depuis ses origines lointaines le Canada est fidèle. Ce qu’il n’a pas totalement réussi avec les armes, il a tenté de le compléter avec le pouvoir colonial. Ce qu’il n’a pas totalement réussi avec le pouvoir colonial, il a tenté de le compléter avec une structure fédérale. Ce qu’il n’a pas totalement réussi avec la structure fédérale il tente aujourd’hui de le compléter avec le pouvoir juridique. Après l’éradication, l’assimilation puis la marginalisation, aujourd’hui la folklorisation. Les types de pouvoirs n’interfèrent pas. La disparition sociopolitique du français en terre d’Amérique fait partie de l’ADN du Canada. C’est son acte fondateur, son fils conducteur et aujourd’hui son mur de Berlin. Terminus.
La liberté ne s’est jamais laissé emprisonner. Le chemin peut être long et les obstacles le tracer. C’est le sens de la dernière décision de la cour suprême du Canada qui indique, noir sur blanc, que la tutelle canadienne est un éteignoir et sa voie un cul-de-sac. Alors par où passer? Par là même où la cour suprême a dressé l’obstacle ultime; la langue. Il faut tout reprendre mais dans un tout autre cadre, celui de la mise en place des fondamentaux de l’indépendance du Québec.
Qu’est-ce à dire? Reprendre l’offensive linguistique dans le cadre de la mise en place d’une constitution québécoise dans laquelle la charte de la langue française révisée aura un statut constitutionnel tout comme la charte des droits de la personne; de la révision de la loi 101 refaisant du français la seule langue de l’administration publique; de la création de la citoyenneté québécoise dont la connaissance du français pour les nouveaux arrivants sera une condition nécessaire; d’une stratégie large de francisation des milieux de travail des petites et moyennes entreprises pour que l’apprentissage par les immigrants d’une troisième langue, l’anglais, ne devienne une discrimination; de l’extension aux réseaux privés et au CEGEP de l’application de la loi 101; d’une cour suprême du Québec adjugeant les litiges afférents à l’application de ces nouveaux dispositifs juridiques.
Cette offensive est d’abord et avant tout un message clair au Canada et au monde que le Québec ne se laissera pas faire. Au contraire, devant l’avenir que lui réserve le Canada, il entend s’affirmer, voler de ses propres ailes et être au monde une composante originale de la riche diversité langagière et culturelle de la planète. Et qu’il le fera politiquement en s’assumant ultimement comme nation dotée d’un État moderne complet. S’il est un bon côté à la décision de la cour suprême du Canada c’est celui d’avoir donné au Québec l’heure juste, une dernière fois.
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Loi 104 et l’ADN du Canada