Le Web Multiculturel ouvre sa colonne à une invitée ! Et tou(te)s nos invité(e)s sont de marque !
Marjolaine Blanc a 28 ans. Elle est métisse franco-ivoirienne, titulaire d’un Dess en commerce international spécialisé dans les pays du Sud. Elle totalise 3 ans d’expérience en entreprise puis a effectué une reconversion professionnelle audacieuse dans l’enseignement supérieur. Elle a passé deux ans en Haïti et depuis octobre 2006 elle enseigne le marketing au Sénégal. Ecoutons ce que cette globe trotteuse a à nous dire.
La presse magazine est dynamique et celle ciblant les femmes afro européennes ne déroge pas à la règle. Ainsi, plusieurs titres sont aujourd’hui chaque mois en kiosque et quand un périodique s’éteint, un autre s’éveille ! Les valeurs sûres de ce tout petit univers (si on compare à la quantité de féminins généralistes) sont Amina qui détient le record de longevité (plus de 30 ans) et avec un tirage de plus de 78 000 exemplaires en moyenne sur la période 2006-2007 et distance sans trop de doute largement ses concurrents dont la diffusion n’est pas vérifiée. Brune, selon sa rédactrice en chef a, par exemple, tiré à 30 000 exemplaires pour son second lancement il y a quelques mois. Les autres « chouchous » sont les mensuels Miss Ebène (n°63 en octobre 2007), Shenka (qui a vu le jour en 2006) et Chocolate, ces trois titres s’adressant à une cible plus jeune avide d’infos people, de news sur les tendances de la mode et de la beauté plus que de sujets sur des femmes inconnues qui s’engagent dans leur communauté respective. « Le contenu est rarement militant » pouvait-on lire dans un article de 2005 du Nouvel Observateur intitulé Presse : Black is beautiful.
L’intérêt grandissant des lectrices, s’est accompagné de celui des annonceurs, ainsi L’Oréal dont les investissements se sont multipliés depuis 1998 dans le domaine des cosmétiques ethniques a tout naturellement investi les pages de ces magazines, c’est également le cas de Western Union, un habitué de la communication multiculturelle. Alors qu’il y a quelques années, les grandes marques hésitaient après avoir été échaudées à s’afficher dans les magazines afros, le vent a tourné, un certain pragmatisme ainsi que l’apparition (certes encore timide) de minorités visibles dans les publicités expliquent certainement ce changement de cap. Cependant la situation est loin d’être toute rose, en 2006, Alain Herman fondateur de Shenka attirait l’attention sur les relations entre la presse dite ethnique et la publicité en indiquant que les annonceurs rechignaient à payer les tarifs affichés pourtant moins élevés que ceux des encarts de féminins généralistes.
Les magazines afro revendiquent un lectorat pluriel, des femmes d’origine africaine (y compris maghrebine) ou antillaise résidant en métropole mais également dans les DOM TOM ou encore en Afrique francophone (ces titres sont disponibles à Dakar par exemple). Il est par contre difficile d’en dire plus sur le profil des lectrices car ce type de presse n’est pas encore l’objet d’une attention soutenue de la part des professionnels, de plus ces titres sont indépendants, ils ne disposent donc pas, contrairement aux magazines appartenant à de grands groupes, de budgets à mobiliser pour réaliser des études de marché par exemple.
La preuve la plus criante de ce manque de moyens notamment sur le plan marketing est incontestablement l’absence partielle ou totale de ces magazines sur le net. Tous les magazines « qui se respectent » ont aujourd’hui pignon sur le web et nombre d’entre eux disposent également d’un forum sur lequel s’activent des centaines de jeunes femmes heureuses d’échanger avec les autres membres de la communauté. En faisant quelques recherches, il est très facile de se rendre compte de la carence de la presse afro dans ce domaine. Pour commencer, certains titres n’ont tout simplement pas de site internet, c’est par exemple le cas de Couleur Metiss. Quant aux autres, il faut souligner le cas de Chocolate qui dispose d’un blog herbergé chez Skyrock, la dernière connexion remonte au 30 août dernier et le contenu se limite à des photos de stars ou d’inconnus avec le magazine en main. Pas de commentaire sur Amina, le site étant indisponible… Sinon, le site de Shenka a opté pour un style « minimaliste » tant dans le design (deux couleurs, pas d’animation) que dans le texte avec un mini résumé des articles du numéro en kiosque, l’une des actus est le festival des cultures urbaines de Cergy… qui s’est tenu en juin dernier. Quant à Miss Ebène, l’analyse sera également rapide, il s’agit d’un blog plus qu’un site, le bleu omniprésent ne cache pas la pauvreté du contenu (des photos uniquement) et de l’interface, il est légitime de se demander pourquoi la rédaction a pris la peine de créer un blog sur myspace en plus.
Ce qui interpelle après avoir navigué sur ces sites c’est qu’il n’y a aucune publicité mais cela se comprend tant les sites sont pour l’instant peu attrayants. Comment en fait expliquer que ces magazines dont certains se comparent eux mêmes à Cosmo ou Elle ne fassent pas d’efforts sérieux pour être présent de façon crédible sur la toile ? Une exception cependant, le site web du magazine Pilibo (qui cible la communauté antillaise) avec la couverture du magazine en cours, des aperçus des articles à y découvrir et des photos, une page d’accueil dense et attractive, pas de bannières pub pour l’instant mais cela devrait rapidement changer le site étant en cours de réalisation.
En allant voir de l’autre côté de la Manche, on remarque que la situation est très différente, la raison en est toute simple, nombre de magazines afros proviennent en réalité des Etats-Unis et il n’y a très souvent pas de supplément à l’édition vendue en Europe. New Nation, le premier hebdomadaire afro en Grande-Bretagne fête cette année son onzième anniversaire, il ne ressemble en rien aux titres que l’on peut trouver sur le marché français, l’intérêt de la comparaison réside plutôt dans le site web du magazine. En effet, on remarque d’emblée, alors que la première page du magazine a une taille relativement petite, les nombreuses mini bannières sur la page d’accueil une en haut, une en bas, 14 carrés dynamiques et deux bannières à droite à la verticale, le site est pourtant très basique et statique. Par ailleurs, il est possible en s’enregistrant d’accèder à une démo gratuite du magazine et aussi de souscrire un abonnement en ligne. On peut par contre déplorer un manque d’originalité puisque Caribbean times Live (appartenant également au groupe Ethnic Media) est l’exacte réplique du site de New Nation.
Ce bref panorama de la presse afro ne serait pas complet sans mentionner le cas des magazines qui n’existent qu’en ligne, c’est l’une des révolutions possibles avec internet : lancer avec des moyens réduits un support qui touchera le plus grand nombre. Deux magazines afro entrent dans cette catégorie, là encore les chiffres manquent pour apprécier leur impact, il s’agit de Culture Femme qui propose de nombreux articles et plusieurs rubriques. Des bannières publicitaires et des annonces sponsorisées sont visibles et le site propose de s’inscrire à la newsletter. Même constat pour Afrotisse, un site assez riche en contenu, avec des bannières publicitaires et l’existence d’un club.
Marjolaine BLANC20/10/2007