Au début, on ne sait que penser : un podium de défilé de mannequins noir et brillant, une cohorte de fantômes en draps blancs, un toréador moribond au sol, et, juste à l’entrée, cette sculpture en cristal hérissée vers le ciel et impossible à photographier, qui dépasse en laideur à peu près tout ce que j’ai jamais vu, excepté sur des aires d’autoroute (The Messiah’s glAss). J’étais tout prêt à faire demi-tour, à peine retenu par la beauté des lieux et par la densité des gigantesques sérigraphies de Ballroom Dancers de Valérie Belin sur ma gauche. Cette exposition, dont le commissaire est, paraît-il, un homme de rock, de danse et de confection, privilégie le grandiloquent, voire le grand-guignolesque. Se succèdent ainsi sur le podium des sculptures toutes aussi pompeuses les unes que les autres.
Et puis, en avançant un peu, on trouve une première surprise, un premier retour à une certaine qualité artistique, comme un repentir, ou une correction, ou l’intervention de quelqu’un d’autre (après tout, cette exposition est supposée être sous l’égide du Centre Pompidou, quand même). Le premier signe est donc cet étalement en éventail de bonnets de soie rouge empilés (75 in a hat, 1969) de James Lee Byars: la couleur vive, la dimension horizontale, la forme indécise et molle étonnent, c’est simple et élégant au milieu de tout ce mauvais baroque.
On arrive un peu plus loin à une seconde pièce elle aussi colorée, horizontale et courbe après toutes ces sculptures érigées comme à la parade : c’est une charmante petite robe en porcelaine de Ai Weiwei, Dress with flowers (N°11); le corps est absent et ça fait toute la différence. Encore plus loin dans ce défilé interminable, un Berlinde de Bruyckere (Aanéén) dérange ce bel ordonnancement de joliesse et fait pousser des cris horrifiés aux nombreux people du vernissage.
Avant de terminer sur une composition de quatre anneaux d’acier entremêlés jusqu’à avoir sinon forme humaine, en tout cas les dimensions d’un corps lui aussi absent pour clore la perspective (Feeling Material IV, d’Antony Gormley), on a eu la joie rédemptrice, qui rétablit tout dans un pied-de-nez magnifique, de voir, dans un caisson de plastique vide, un cartel où sont simplement écrits les mots suivants : “A work that will be shown somewhere else, in some other time, not known to me at this moment” (2007, Mario Garcia Torres); rien d’autre. Finalement, cette exposition à la Conciergerie (jusqu’au 12 décembre), intitulée “Le sort probable de l’homme qui avait avalé le fantôme” (??) n’est pas si mal, de ce point de vue, comme une ode à l’absence, comme un écoeurement (non délibéré) face au corps trop présent.