Un pacte de préférence

Publié le 28 octobre 2009 par Christophe Buffet

Voici un exemple :

"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 24 avril 2008), que par acte notarié du 23 mai 2003, la commune de Saint-Pée-sur-Nivelle a vendu à M. X... et à Mme Y... un lot d'une superficie de 999 m² dans un lotissement communal, au prix de 42 685 euros ; que dans un paragraphe intitulé "conditions particulières imposées par la commune - Pacte de préférence", l'acte de vente comportait une clause, valable pendant vingt ans, prévoyant qu'avant toute revente à un tiers, le rachat du terrain devrait être proposé à la commune ; que la clause précisait que le prix de revente du terrain nu ne pourrait excéder le prix d'acquisition initial, réactualisé en fonction de la variation de l'indice INSEE du coût de la construction, et que le prix du terrain avec une construction serait égal au prix de vente du terrain nu majoré du prix de revient de la construction, évalué par un expert ; que M. X... et Mme Y... ayant, le 21 octobre 2006, signé un compromis de vente de leur terrain au prix de 120 000 euros, la commune les a avisés qu'elle entendait exercer son droit de priorité au prix d'acquisition réactualisé en fonction de l'érosion monétaire ; que M. X... et Mme Y... ont alors assigné la commune pour faire annuler la clause instituant, à son profit, un droit de priorité ;

Attendu M. X... et Mme Y... font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande, alors, selon le moyen, que le pacte de préférence qui impose au promettant, au cas où il déciderait d'aliéner le bien, de donner préférence au bénéficiaire du pacte, à un prix prédéterminé dans le contrat, constitue une atteinte au droit de propriété lorsque la durée de cet engagement est de vingt ans de sorte que la clause instituant un tel pacte doit être annulée ; qu'en décidant le contraire, tout en constatant que le contrat conclu entre M. X... et Mme Y... et la commune stipulait que les premiers s'engageaient, au cas où ils décideraient de vendre, à donner préférence à la commune, à un prix prédéterminé au contrat, pendant une durée de vingt ans, la cour d'appel a violé l'article 544 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que la stipulation avait été librement convenue, qu'elle avait pour but, en fixant d'ores et déjà un prix, institué pour une durée de vingt ans, d'empêcher la spéculation sur le bien dans un contexte marqué par la rareté de l'offre et le "décrochage" des possibilités financières de la plupart des ménages par rapport à l'envolée des prix de l'immobilier, et que M. X... et Mme Y... avaient bénéficié en contrepartie de son acceptation de la possibilité d'accéder à un marché protégé de la spéculation immobilière, la cour d'appel, qui a retenu à bon droit que les modalités stipulées, notamment quant à la durée de validité de la clause, n'étaient pas, au regard de la nature et de l'objet de l'opération réalisée, constitutives d'une atteinte au droit de propriété, en a exactement déduit que la demande en nullité devait être rejetée
;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne, ensemble, M. X... et Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... et de Mme Y... et les condamne, ensemble, à payer à la commune de Saint-Pée-sur-Nivelle la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Ancel et Couturier-Heller, avocat aux Conseils, pour M. X... et Mme Y... ;

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... et Mme Y... de leur demande tendant à l'annulation de la clause intitulée « pacte de préférence » stipulée à l'acte de vente du 23 mai 2003 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE les époux X... contestent néanmoins la validité de la clause qualifiée comme ci-dessus pacte de préférence, en faisant essentiellement valoir que le prix de rachat payé par la commune serait dérisoire par rapport au marché immobilier pour un bien équivalent, ce qui constitue une atteinte intolérable à leur droit de propriété ; qu'ils ajoutent qu'un prix n'est pas fixé, lorsqu'une clause de préférence est souscrite, s'il doit être ultérieurement déterminé en fonction de travaux dont ni l'importance, ni le coût ne sont déterminés et qui ne résultent que de la volonté d'une seule partie ;

La stipulation selon laquelle, aux termes de la clause litigieuse, lors de la revente d'un terrain nu, son prix ne pourra excéder le prix d'acquisition initial réactualisé le cas échéant en fonction de l'érosion monétaire calculée par la variation de l'indice INSEE du coût de la construction et, dans l'hypothèse où le terrain est revendu avec une construction, le prix de la vente du terrain nu est majoré du prix de revient de la construction telle qu'elle se présente au jour de la proposition de vente, lui-même pouvant être majoré par un coefficient d'érosion monétaire, ne constitue pas la stipulation d'un prix dérisoire, d'autant que les époux X... avaient bénéficié, en contrepartie de l'acceptation de celle-ci, de la possibilité d'accéder à un marché protégé par la spéculation immobilière ;

D'autre part, la condition potestative n'est une cause de nullité que lorsqu'elle est potestative de la part de celui qui s'oblige et non de part de celui envers qui l'obligation est contractée ; qu'en l'occurrence, la nullité n'est pas encourue, que la réalisation des travaux dépendait effectivement de la seule volonté des époux X... mais que cette réalisation ne saurait créer d'obligation que pour la commune tenue, le cas échéant, de payer un prix majoré en conséquence, en sorte que les époux X... n'apparaissent pas fondés à se prévaloir d'un défaut de détermination du prix, lequel est, en fonction de l'état de la construction telle qu'elle se présente le jour de la proposition de vente, objectivement déterminable par des éléments ne dépendant pas de la seule volonté d'une des parties ;

Par des motifs que la Cour adopte comme répondant au moyen repris en cause d'appel, le premier juge a pertinemment retenu, après avoir observé que l'éventuelle lésion susceptible d'être subie par le promettant du fait d'une revente au bénéficiaire du pacte au prix convenu ne pouvait résulter que des conditions mêmes dans lesquelles s'était opérée cette vente et ne pouvait être évaluée qu'après sa conclusion ; qu'en tout état de cause, l'acte pouvant alors être rescindée ne pouvait être que la revente et non pas le pacte de préférence déterminant les conditions de celle-ci, dans l'hypothèse par nature aléatoire où elle devait avoir lieu ;

L'argumentation des époux X... ne saurait davantage prospérer au titre d'une vente à réméré, la commune ne bénéficiant pas d'une faculté unilatérale de rachat au sens des dispositions de l'article 1659 du Code civil.

Les conditions stipulées, et notamment la fixation de la durée de validité de la clause à vingt ans, n'apparaissent pas, au regard de la nature et de l'objet de l'opération réalisée, constitutives d'une atteinte au droit de propriété des époux X... »

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « le pacte de préférence librement convenu, fixant d'ores et déjà un prix, institué pour une durée de vingt ans, destiné, dans un contexte marqué par la rareté de l'offre et le décrochage des possibilités financières de la plupart des ménages par rapport à l'envolée des prix de l'immobilier, à priver l'acquéreur retenu pour favoriser son acquisition, de la possibilité de spéculer sur un bien, n'a pas de cause illicite ; et l'éventuelle lésion susceptible d'être subie par le promettant du fait d'une revente que au bénéficiaire du pacte au prix convenu, ne peut résulter que des conditions mêmes dans lesquelles s'est opérée cette revente, et ne peut être évaluée qu'après sa conclusion ; en tout état de cause, l'acte pouvant alors être rescindé ne peut être que la revente, et non pas le pacte de préférence déterminant les conditions de celle-ci, dans l'hypothèse par nature aléatoire où elle devrait avoir lieu ;

La demande en annulation de la clause sera rejetée »

ALORS QUE le pacte de préférence qui impose au promettant, au cas où il déciderait d'aliéner le bien, de donner préférence au bénéficiaire du pacte, à un prix prédéterminé dans le contrat, constitue une atteinte au droit de propriété lorsque la durée de cet engagement est de vingt ans, de sorte que la clause instituant une tel pacte doit être annulée ; qu'en décidant le contraire, tout en constatant que le contrat conclu entre M. X... et Mme Y... et la commune stipulait que les premiers s'engageaient, au cas où ils décideraient de vendre, à donner préférence à la commune, à un prix prédéterminé au contrat, pendant une durée de vingt ans, la cour d'appel a violé l'article 544 du Code civil."