Le lien dans tout ça?
Il y a tout juste 456 ans aujourd'hui, le 27 octobre 1553, Michel Servet brûlait sur la colline de Champel.
C'est-à-dire pas loin de l'endroit d'où je vous écris.
Ce n'était pas n'importe qui, Michel Servet. Il est une des figures majeures de l'église unitarienne, et il a surtout été le premier à décrire la circulation pulmonaire du sang. Plusieurs décennies avant Harvey, à qui l'on attribue habituellement ça. Servet a depuis son procès une autre cause de célébrité, racontée dans un très beau roman: c'est l'auteur d'un des livres les plus rares du monde. Forcément me direz-vous: on en a condamné aux flammes tous les exemplaires en même temps que lui.
De quoi finir sur le bûcher, tout ça? Bon, aujourd'hui j'ose espérer que la réponse serait de toute manière non, quoiqu'il ait fait! Mais à l'époque, il rend Calvin furieux par son point de vue sur la trinité. OK, ça nous parait carrément très étrange que la trinité puisse avoir eu une importance pareille. Aujourd'hui on en fait des sketch! Mais à l'époque ça soulevait les passions. Calvin jure de ne pas laisser Servet vivre, et arrivera à ses fins en octobre 1553. Il sera brûlé vif. Littéralement. C'est-à-dire qu'il n'a pas été, comme c'était souvent le cas, étranglé auparavant.
Comme aurait dit Fenelon, 'nous sortons à peine d'une étonnante barbarie'.
Cette barbarie de Calvin, elle laisse encore quelques traces jusqu'au 20e siècle. Genève a depuis 1903 un monument à la mémoire de Michel Servet, mais il fut inauguré dans un lieu discret, a ce qu'il semble pour éviter de devoir en autoriser un plus visible, et son texte prend la défense de Calvin. On sent la gène. Nettement. Servet a sa rue et c'est à Genève...l'adresse de la Faculté de médecine. Mais la commémoration de sa mort ressemble à son monument: discrète.
C'est dommage. On aurait pu en faire l'occasion de rappeler que, oui, faire brûler quelqu'un pour un avis divergent sur la nature du Christ, dans la biographie d'une personne dont on célèbre encore la naissance 500 ans plus tard, ça fait tache.
On aurait aussi pu rappeler, surtout, qu'il est encore des lieux où l'on aimerait beaucoup, mais alors beaucoup, avoir le droit de reléguer le danger d'être condamné pour hérésie, ou pour apostasie, aux tiroirs de l'histoire...