Depuis que j’ai découvert cet auteur chilien, j’en demande et j’en redemande. Je prends mon temps aussi. Les bonnes choses, il faut prendre le temps de les savourer. Cette introduction pourrait laisser penser que je tiens là un auteur dont la plume est exquise, le style venu de Mars ou de Vénus, et les sujets bouleversants. Non. Luis Sépulvéda est un auteur que j’aime lire. Voilà. Peut-être parce qu’il vit avec son époque dont il a parfaitement cerné. Peut-être parce qu’on retrouve les défis majeurs que l’humanité va devoir affronter ces prochaines années : l’écologie, la mondialisation. Peut-être aussi par la question de l’exil n’est jamais trop loin, pour cet écrivain chilien qui a du fuir les ardeurs répressives du régime militaire de Pinochet.
Ce sont donc ces principaux sujets que l’on retrouve dans ce recueil de trois nouvelles assez longues.
Dans la première, Sépulvéda examine le cas d’un tueur à gages professionnel. Ce mec est un vrai pro. Qui a néanmoins transgressé une règle fondamentale. Etre seul. Et ne surtout pas s’enticher d’une meuf.
Il a fait fort, il a choisi une parisienne en plus. Et il l’a dans la peau. Il est sentimental. Quand notre homme apprend que la jeune fille qu’il a métamorphosée en femme veut le plaquer, il perd ses repères et commet des fautes impardonnables dans son secteur d’activité.
Se mettre dans la peau de ce tueur est un véritable délice. Le gars est un peu schizo, et l’écrivain le décrit avec beaucoup de dérision. Le temps d’une nouvelle, le lecteur a droit à un petit tour de planète.
Dans la seconde nouvelle, Hotline, Sépulvéda repart au Chili. On part de la Patagonie, où un officier de police rurale indien traque depuis de nombreuses années des voleurs de bétail. Une intervention musclée à l’encontre d’un brigand qui n’est autre que le fils d’un grand ponte de l’Armée chilienne lui vaut une mutation dans le bureau de hotline du service des femmes battues à Santiago. Le lecteur appréciera le décalage de la situation, la grande gueule de notre mapuche et les fantômes, les vieux démons encore présents de l’ancien système totalitaire.
Le type d’atmosphère que l’on rencontrait déjà dans Le Neveu d’Amérique.
© Shamballah Serenalla
La dernière nouvelle, Yacaré, est un plaidoyer pour l’écologie au travers du sujet de l’extermination d’un peuple indien partagé entre le Paraguay et le Brésil. Peuple attaché à une espèce très rare de caïmans : le yacaré. Elle est en voie de disparition suite à le braconnage répété, organisé de manufacturiers européens…
La construction de cette dernière nouvelle est plus élaborée que les précédentes. On retrouve la figure du détective des assurances, suite à la disparition d'un des responsables de la manufacture...
Luis Sépulvéda, Journal d'un tueur sentimentalEdition Seuil, Collection Points, 145 pages
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