"Des îles désertes, on n'en trouve plus". C'est en gros ce que ne cesse d'entendre Jean-Arthur Bonaventure (Pierre Richard dans Les naufragés de l'île de la tortue - Jacques Rozier 1976). En bon messie robinsonnique, il s'échinera évidemment durant tout le film à nier les mises en garde et à vouloir prouver le contraire. Mais sans ce rêve, nous n'aurions jamais eu ce savoureux accostage sur un îlot (pas tout à fait) dépeuplé. Loin de nous l'idée de vouloir jouer aux tue-l'utopie, mais constatons simplement qu'au cinéma aussi, les îles désertes ne se trouvent pas forcément là où on les attend.
Figure 1 : L'île déserte en studio.
Saga of Anatahan (Joseph von Sternberg 1953)
Dénuement et méditation, sacralisation de l'apparition de chaque nouvel objet, devenus accessoires primordiaux de la tragédie annoncée.
Figure 2 : L'île déserte en chantier.
The world (Jia Zhang Ke 2005)
Le cœur de la mutation, c'est aussi l'éphémère. Bientôt ce chantier sera saturé, mais là, c'est un paradoxal îlot de paix : ses piliers d'où débordent des fers à béton deviennent de minéraux palmiers et si l'avion passe au-dessus de l'île sans la remarquer, les amants naufragés n'ont pas (encore) besoin d'appeler à l'aide.
Figure 3 : L'île déserte décrépite.
I don't want to sleep alone (Tsaï Ming Liang 2007)
Variante "vieillissement accéléré" de la précédente. Inversion des rapports de pleins et de vides. L'île n'est plus un plein au milieu d'un vide (l'océan), mais un vide préservé au milieu d'un plein (l'irrespirable Kuala Lumpur).
L'urbain stressé a peut-être les images de Rousseau et de Koh-Lanta en tête, mais beaucoup moins loin et beaucoup plus simplement, c'est bien au cœur des mégalopoles qu'est tapi le point terminal de cette quête chimérique du paradis perdu et non moins sauvagement brutal.