Le travail corrida

En attendant d'y revenir sur le fond, un reportage sur après coup, comment un documentaire fait son chemin.
Je m'en doutais. J'ai regardé. Et je m'en suis pris plein les grelots. On compatit, bien sûr. Comment ne pas. On s'exaspère, aussi. Comment ne pas. Mais je me rends compte que, surtout, je réfléchis. J'essaie de produire de la pensée. Et j'aime quand du journalisme me fait cet effet. J'aime quand la télévision n'est pas une lucarne qui emprisonne et dicte mais s'affiche comme un prisme qui ouvre et élargit le champ. Par exemple, question : sur la photo, ils sont solidaires ou il sont enchaînés ?
Finalement, tout est quasiment dit par un patron. Travailler mais pourquoi ? Il évoque en l'occurrence un de ses salariés, qui bosse 55 heures par semaines et finit par jeter l'éponge. Je n'ai pas été embauché pour ça, dit-il. Fossé immense. Chacun son île.
La mise à mort du travail est un documentaire en trois parties. Le titre donne à penser corrida. Ce n'est pas faux. Les deux premiers chapitres ont été diffusés lundi soir sur une chaine de télévision publique (le troisième le sera demain merdredi).
Si ça se choque avec une actualité brûlante, ce documentaire n'est pas un montage d'images réalisé à la hâte. C'est un brûlot, mais il est le fruit de trois années d'enquête. Difficile de penser opportunisme. Difficile aussi de se dire personne ne savait. Personne ne voyait.
Vous avez été harcelé. Quelqu'un l'a été avant vous ? demande la psy. Le type répond oui. Et qu'avez vous fait, alors ? demande-t-elle. Rien, répond-ils après un long silence.
Si on voit des drames liés à la vie professionnelle, si on va dans la tour d'ivoire d'un patron, devant un psy, au tribunal, aux Prud'hommes ou si on participe à des séances de formations de cadres, le reportage ne fait pas que montrer. Ce que l'on sait. Ou ce dont on se doute. Il dit, aussi. Et nous invite. A revoir nos attitudes. A interroger nos valeurs. Car oui : travailler, pourquoi ? Derrière, le cortège : travailler comment, travailler pour qui, jusqu'où accepter, à partir de quand s'éveiller, etc. On ne croit pas tout le monde sur parole, avec ce documentaire. Car c'est sa propre voix qui nous chuchote des choses. Pas forcément sur l'air de ne vois-tu rien venir.
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