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"Le verrou" de Fragonard
Elle c'était dit: " plus jamais!"
Pourtant elle a replongée dans le grand bain. Apaiser une ultime fois son corps dans le fluide qui caresse sa peau où elle progresse à plat ventre comme elle se tord la nuit dans ses draps.
Quand s'est elle laissée déborder?
Les messages anodins du début lui semblent perdus dans le temps et le subconscient d'un double labyrinthe avec ce Minotaure qui l'attend et elle, Ariane sans fils qui découvre un chemin inespéré pour ce faire dévorer.
Le désir est d'abord passé par les mots, devenus des idées, des douceurs partagées, une envie délicate et enfin un foyer dans son coeur, un brulot dans son âtre, une chaleur intime, rare et précieuse.
Elle a franchi le point de non retour, réservé son billet de train et sa chambre d'hôtel dans une impulsion déjà délicieuse. Une ultime marelle. Le troisième type. Une goutte dans l'océan d'une vie de femme!
Elle se sèche lentement et dans le miroir se regarde sans indulgence: elle est nue, elle est prête.
"- Ce serait bien que tu t'enveloppes, ma fille" se dit elle "comme on emballe un cadeau".
Cela se fait quand on prend le T.G.V !
Elle a décidée de son pseudo pour réserver son hotel en enlaçant son cou d'une écharpe de soie. Elle sera Isadora Duncan pour se pendre au cou de l'inconnu qui l'attend de l'autre coté de la rue. Une traversée de l'étrange, un petit pas de 600 Kms mais un pas de géante vers le courage d'être soi.
Lui.
Il est en avance dans le sous sol de la gare, de quelques minutes de politesse fébrile.
Un petit quai à traverser: "Faut y aller mon grand!"
Soudain elle là en face de lui et il a su instantanément la suite de sa vie.
Il y eut d'abord le baiser maladroit de deux enfants qui s'effleurent marchant cote à cote, silencieux et timides puis il a posé une main sur son épaule dans une audace folle.
Elle a sourit.
Ses pommettes saillantes, une glabelle franche sépare ses yeux lumineux et humides, sa bouche fine d'une fraicheur malicieuse irradient de curiosité juvénile.
Lui, il vit enfin une femme pour la première fois.
"Il était temps!" pense-t-il en désignant un bar la gorge sèche.Et re-main/épaule en lui cédant le passage. Le tissus de la gabardine lui dispense un acompte sur sa chaleur promise.
Chaque seconde additionne du bonheur.
Les mots ne peuvent plus les satisfaire, les regards remplissent le silence.
L'ombre de la nuit jette sur leurs épaules ravies son châle complice, signe de la fin du long supplice.
Alors, il a emprisonné ses mains consentantes et soumises nouant leurs doigts dans une tresse intime et chaleureuse.
Ils prononcent simultanément une phrase poli et les mots identiques se percutent provoquant un rire léger. Une banalité tendre, un peu de niaiserie, une maladresse pour une tendresse, pour dire la joie de ne plus s'attendre. Quelques balbutiements et un étourdissement comme une évidence tacite.
Il faut un refuge pour ces deux transfuges.
Quelque chose de simple: Un toit, un lit, quatre murs bien insonorisés. Le nid qu'elle a choisit est trop éloigné de leur impatience.
Il y a une zone industrielle avec ses hôtels anonymes où l'on entre en glissant un Sésame de plastique dans une fente horizontale. Qu' importe! L'urgence impose sa loi implacable.
Aurons-t-il le temps d'atteindre la chambre.
Oui, ce ne sont plus des enfants. Pourtant l'ascenseur est d'une lenteur fastidieuse. L'air est plein de leur désir et envahi la pièce tandis qu'ils franchissent le seuil. Ils gardent l' armure de leurs vêtements encore quelques instants en apesanteur dans la découverte des saveurs et des odeurs d'épiderme troublantes et merveilleusement compatibles. Puis une douche partagée, des disputes de savon mais des convergences de température d'eau chaude, des glissements soyeux de préambules manuels annoncent une bise lègère trouble comme une bourrasque prochaine.Ils jouent sur le même tempo l'effeuillage d'un orchestre qui monte crescendo, tantôt duel, tantôt duo, parfois soliste pour un air de flute enchantée, tandis qu'un jeune chat lape délicatement son lait dans un palindrome amoureux où leurs corps se lisent dans les deux sens.
La nécessité impérieuse de sortir du virtuel et de pénétrer la réalité est déjà là.
Il glisse fiévreux dans la fente verticale son Sésame de chair d'une délicieuse tentative vouée à l'échec s'il n'y avait sa main secourable.
Et là, apaisés, rassurés ils peuvent enfin parler, dire et murmurer. Ils se regardent, immobiles, patients et comblés. Il respire. Elle attend pour respirer à son tour en équilibre tout les deux au bord de l'abîme sans bouger pour ne pas déborder et renverser trop tôt la liqueur de l'apaisement.
Dans quelques instants, l'un des deux suppliera:
"- s'il te plait, bouge".
[Tempus fugit]
"J'ai marché lentement sur les dalles de la gare comme un enfant jouant au ralenti à la marelle du ciel vers la terre. Je n'étais pas triste. Je me suis détaché lentement de toi, accompagné par ton parfum de femme encore sur ma peau pour rentrer dans la torpeur des jours qui viendront s'empiler dans ma vie d'après toi. Ils auront longtemps la saveur de ton souvenir."
Please! "one more time" Phill Collins.
P.S: la suite de "Itinéraire"? on s'en fout, plus tard quand j'aurai les photos.