Tony Accurso
À en juger par les dernières péripéties de la campagne électorale municipale, l’homme le plus puissant à Montréal n’est pas le maire sortant, Gérald Tremblay, mais bien… Tony Accurso!
M. Accurso, entrepreneur notoire à Montréal, est célèbre pour son luxueux yacht qui n’a d’égal que la quantité d’hommes politiques qui y ont séjourné pour ensuite octroyer aux compagnies de M. Accurso de gros contrats avec la Ville. Et pas toujours faits dans les règles : rappelez-vous le scandale des compteurs d’eau, vieux d’à peine quelques semaines…
Les dernières allégations en ce sens de Benoît Labonté, ex-numéro deux de Louise Harel, sont pour le moins inquiétantes. On sait désormais que le maire est corrompu – enfin, qu’il fait du financement pas très catholique suivi de retour d’ascenseur tout aussi douteux –, mais on ne sait juste pas à quel point.
Ce qui me dégoute le plus, c’est qu’à cause de l’ineptie de la campagne de sa rivale, il sera probablement réélu. Une chance pour lui que la course entre dans sa dernière semaine; autrement, il aurait bien pu perdre du terrain face à Richard Bergeron, troisième candidat en lice et le seul qui apparaît motivé à faire de la politique par d’autres moyens. Mais bon, je m’éloigne du sujet.
Que savons-nous exactement des pratiques douteuses qui ont court à Montréal, et certainement pas uniquement à Montréal? En gros : des firmes – d’avocats, d’ingénierie – prennent en charge l’élection d’un candidat. Ils contribuent fortement à la caisse électorale de son parti et, une fois le candidat élu, attendent le retour d’ascenseur. C’est ce qu’on appelle du « financement sectoriel », dans le jargon. Gérald Tremblay et d’autres avant lui y ont fait appel; Benoît Labonté lui-même y a goûté lors de sa course à la chefferie de Vision Montréal en 2008; Louise Harel le ferait également dans le cadre de la présente campagne (selon Benoit Labonté…). De nombreuses personnes – dont un ancien candidat à la mairie contre Pierre Bourque dont j’oublie le nom – auraient tenté de dénoncer, en vain, le processus auprès du DGE.
Mais que se passe-t-il donc à Montréal? La mafia gère-t-elle la Ville?
Et ne comptez pas trop sur « papa Charest », notre pilote national, ce cher premier ministre aux deux mains sur le volant, pour utiliser les grands moyens : il ne faudait surtout pas « nuire aux enquêtes policières ». Ça, c’est l’argument poisseux du ministre de la Sécurité publique, Jacques Dupuis. Comme si l’un empêchait l’autre! Non, décidément, plus je regarde les libéraux agir et plus j’ai des soupçons. Se peut-il que les allégations de Benoît Labonté et Sylvie Roy, ex-leader par intérim de l’ADQ, à savoir que trois ministres du gouvernement libéral de Jean Charest (David Whissell, ministre du Travail, Julie Boulet, ministre des Transports, Norman MacMillan, ministre délégué aux Transports) ont séjourné sur le yacht de Tony Accurso, soient fondées?
Sinon, pourquoi refuser une enquête publique? Parce qu’en ce moment, la maison brûle, et que propose le premier ministre du Québec, Jean Charest? Vérifier si le détecteur de fumée fonctionne… Tout le monde s’entend là-dessus : l’escouade spéciale (l’opération Marteau de Jacques Dupuis) mise sur pied ne touchera pas aux liens entre entrepreneurs et politiciens et ne fera certainement pas la lumière sur toute cette affaire. Les libéraux ont-ils peur d’être éclaboussés? Il faut dire que la dernière commission d’enquête du genre remonte aux années 1970 et avait passablement éclaboussé le gouvernement libéral de Robert Bourassa. Qu’ont à se reprocher les libéraux?
C’est cliché de le dire, mais en politique, lorsqu’il est question d’éthique, les apparences comptent énormément et quiconque ne lave pas plus blanc que blanc peut être soupçonné, à juste titre, d’avoir quelque chose à cacher. Le refus des libéraux de jouer franc jeu dans ce dossier soulève énormément de questions, dont la plus fondamentale : Jean Charest a-t-il peur de Tony Accurso? Plus le temps passe et plus j’ai des doutes.
Soit dit en passant
Même si le Cabinet au grand complet déchirait sa chemise pour exiger la démission de Sylvie Roy après ses récentes insinuations sur les trois ministres libéraux qui auraient fréquenté Tony Accurso, ils ne peuvent rien contre elle. L’immunité parlementaire est un principe élémentaire maintes fois avalisé par la Cour suprême et plus ancien que la démocratie à proprement parler. Que les libéraux arrêtent de se la jouer dramatique, ils ont uniquement l’air de vouloir faire diversion de l’eau bouillante dans laquelle ils semblent baigner.
(Source : http://real2politik.wordpress.com)
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Qui a peur de Tony Accurso?