Farid Taha : une belle leçon d'humanité

Publié le 22 octobre 2007 par Fanette

Je n'ai pu m'empêcher de le faire, je relève l'article de Farid Taha qu'il a publié ce matin sur son blog : La confusion des sentiments. A lire en entier : A méditer.

Annoncer la même semaine qu’on quitte le MoDem et qu’on dîne avec Nicolas Sarkozy au Palais Royal de Marrakech, c’est le meilleur moyen de troubler le lecteur habitué à une certaine impertinence sur ce blog.
Si en plus j’annonce que l’une des idées phares défendues par ce même Nicolas Sarkozy, qui ne manquera pas de l'exposer aux autorités marocaines durant sa visite d’état, me séduit au plus haut point, la confusion serait portée à son comble...

Petite précision, si je suis présent au dîner offert par Sa Majesté[1] le Roi du Maroc en l’honneur de Nicolas Sarkozy, ce mardi 23 octobre à Marrakech, c’est bien à l’initiative de Mohammed VI et non de Nicolas Sarkozy.

Je serai, par ailleurs bien embarrassé de cacher à quel point je suis flatté d’être invité.

Même si je ne suis pas toujours en phase avec les conceptions Makhzeniennes de la société marocaine ou à l’inverse celle de Sarkozy à propos de la société française, l'occasion est belle de voir d'aussi grandes personnalités politiques d'aussi près.

Cependant, invité par Mohammed VI, Sarkozy ou allant à Marrakech de ma propre initiative à mes frais, la question reste la même:

Comment ne pas être séduit quand on entend Nicolas Sarkozy parler de "marché commun de la Méditerranée" ou de "partenariat privilégié" ?

Comment rester de marbre quand il rajoute "Le temps est venu de bâtir ensemble une union méditerranéenne qui sera un trait d'union entre l'Europe et l'Afrique" ?

Pour éclaircir les choses, disons que le projet d’union méditerranéenne proposé par Nicolas Sarkozy, me séduit plus qu'énormément. Mais son discours plus que bien ficelé se fissure et se heurte souvent non seulement aux réalités du terrain, mais également à ses propres contradictions.

Pour s’en convaincre, il suffit juste d’énumérer les problèmes rencontrés par les différents intervenants du Maghreb pour le lancement d’unions maghrébines ou arabes aussi fumeuses les unes que les autres, bâties sur des conflits larvés et hypocritement maintenus par certains... L’affaire du Sahara, artificiellement entretenue par les autorités algériennes, pour ne nommer personne, au vu et au su de tous et maintenue comme une épée de Damoclès sur la tête du Marocen est un exemple.

La rive sud de la méditerranée ou du moins une partie ses dirigeants a cette fâcheuse tendance à concevoir la politique en fonction d’intérêts immédiats, parfois personnels et toujours à court terme, sans envergure ni vision d'ensemble.

Déconnectés des réalités de l’Histoire avec un grand H, ils écrivent des petites histoires minables avec des "h" si minuscules, que ça ne vaut même pas la peine de les relater !

Mais si par contre Sarkozy se pose en visionnaire, comme des Shumann ou des Monets, je ne vois aucune objection à saluer sa vision et même à l'appuyer et je dis: pourquoi pas ?

Mais, je ne connais que trop bien la bête et sa rhétorique me pousse à me poser quelques questions... car il y a, pour qui sait décoder son langage, au sein même de ses discours, les germes de sa propre contradiction.

Ainsi quand il affirme, qu’il souhaiterait doter l’union méditerranéenne, tout comme l’UE, d’un Conseil décisionnel, comme le "Conseil de la Méditerranée et un système de sécurité collective" qui, "permettrait de garantir la paix autrement que par la course aux armements et l'intimidation", je salue l’initiative mais reste perplexe, notamment quand à la veille de sa visite au Maroc il annonce au quotidien L’Economiste, et je le cite sans amputer sa déclaration : "Le Rafale est un remarquable avion, de toute dernière génération. L'intérêt que lui porte un certain nombre de pays clients potentiels ne se dément pas. Et je suis personnellement désireux de proposer au Maroc le meilleur de notre savoir-faire, dans ce domaine et dans d’autres secteurs de notre industrie d’armement. Car mon ambition est de construire avec le Maroc une coopération de défense et d'armement qui soit à la hauteur de notre partenariat politique. Ma visite devrait permettre d'avancer dans cette direction."

Je ne peux m’empêcher de sourire, amèrement certes, quand notre propre ministre de la défense, Hervé Morin nuance le propos quant coût de ces mêmes Rafales, en déclarant, il y a quelques mois à l'occasion de l'Université de la Défense tenue à Toulouse que "Le Rafale est un avion ‘très sophistiqué’, formidable, mais difficile à vendre à des clients qui n'ont pas besoin d'un avion pour des combats de haute intensité".

Hervé Morin ne pouvait pas mieux résumer mon point de vue, je suppose que les autorités Marocaines sont tombées sur cette info, et n'ont pas manqué de la rappeler à qui de droit.

Ainsi quand je parle de la confusion des sentiments, il est clair qu'il n’est nullement question de cette fascination magnétique éprouvée par Roland, ce jeune homme de 19 ans du roman de Stephan Sweig pour son professeur de philologie.

Mais je n'ai en revanche pas dit que je n'éprouvais pas une certaine confusion (très gênante) à l'écoute de ces propos aussi contradictoires tenus par Nicolas Sarkozy et son entourage sur ce sujet (et bien d'autres).

Par ailleurs, le Maroc et la France s’apprêtent à signer un certain nombre d’accords, économiques, culturels ou industriels que je salue doublement. Doublement car la double nationalité a cette particularité de permettre d'être ravi 2 fois quand ses 2 pays de naissance et d'adoption s’entendant ou communient pour le bien de leurs peuples pour les faire avancer et s’enrichir mutuellement d’une façon ou d’une autre.

Mais quand j'apprends que le Maroc va acquérir un TGV (train à grande vitesse) la confusion aussi immatérielle soit elle devient palpable.

Je me suis tout simplement demandé si les demandes incessantes de tout ceux que je connais où côtoie, à savoir que le Maroc de Mohammed VI "ne va assez vite" on été entendues au plus haut niveau de l'état, se traduisant par l'achat d'un train à grande vitesse et le désir de s'acheter des Rafales...

Soyons clair, si moi aussi je trouve parfois, que les choses n'avancent pas aussi vite que je le voudrais, il est nullement question de vitesse sur le plancher des vaches mais de réformes, de démocratisation et autres sornettes du même acabit qui me hantent.

Je reconnais que le fait d'être loin ou à distance des affaires de l'état procure cette facilité pour la critique, mais je suis parfaitement lucide quand je dis qu'il n'est pas du tout opportun pour le Maroc de 2007, plus tard je ne sais pas mais pour maintenant je suis sûr, de s'équiper avec une technologie ferroviaire à grande vitesse, tant les lacunes dans les domaines de l'éducation (scolarisation, alphabétisation etc...) et de la santé me paraissent importantes pour ne pas dire scnadaleuses parfois.

En rédigeant ce billet je voyais déjà Ibn Kafka se réjouir au fond de son blog de lui avoir fourni sur un plateau l’occasion rêvée de déployer tout son talent pour dénoncer le retournement de veste ou le khobziste qui sommeille en chacun de nous en disant: ça y est il est parti pour un traditionnel baise main et un retournement de veste qui va avec.

Loin de le contredire je vais plutôt le conforter dans son élan.

Oui il m'arrive parfois de changer d'avis pour peut qu'on arrive à me convaincre avec des arguments qui restent dans la logique de ma vision et de raisonnement (succintement exposé ci dessus)

Si on peut appeler ça "retourner ma veste", va pour le terme !

Ibn Kafka ne manquera, très certainement pas, de se réjouir de lui avoir fourni sur un plateau l’occasion rêvée de déployer tout son talent pour dénoncer le retournement de veste ou le khobziste qui sommeille en chacun de nous !

Et en plus, j'avoue que je suis même prêt à faire le baise main rituel en règle, moi qui y suis farouchement opposé dans quelque situation que ce soit, si d'aventure Sa Majesté Mohammed VI, annonçait solennellement qu'il renonçait à équiper le Maroc d'une ligne TGV[2] et à convertir le budget des Rafales français (ou des F16 américains) et du TGV pour la construction d'écoles et d'hôpitaux...

Alors là oui je suis prêt à lui baiser la main et même à me prosterner ou mettre à genou. Oui Ibn Kafka, tu peux rigoler à gorge déployée. Non seulement, tu remarqueras que je suis prêt à toutes les bassesses du monde pour me faire plaisir.... mais en plus, mon manque de vergogne me pousse même à prendre à témoin les lecteurs de ce blog.

Donc Majesté, merci pour l'invit' !

La cérémonie sera, je n'en doute pas assez solennelle et les invités triés sur le volet... Il n'y a donc aucune chance que je puisse développer tous ces arguments demain soir. Mais quand bien même cela serait j'aurais usé d'une toute autre manière, d'exposer le problème en y mettant bien entendu la forme oratoire que son rang mérite.

Je lui rappellerai juste que les avions de chasse (Mirages F1 ou Northrop F5 ?... qu'importe !) qui ont assailli son père, Feu Sa Majesté Hassan II, étaient des avions marocains et non ceux d'une hypothétique aviation ennemie contre laquelle il faudrait sans doute se prémunir si les choses étaient si imminentes...

Mais ces Rafales, ou ces F16 tant désirés, loin de régler les problèmes insurectionnels dans les bidonvilles de Casablanca ou d'ailleurs, ni même aplanir le conflit du Sahara, pourraient en revanche l'être contre lui, avec des dégats directement proportionnels aux louanges qu'en font leurs vendeurs...

Je suis sûr que l'argument pourrait faire mouche. Surtout, si je rajoute qu'il serait infiniment plus flatté, que l’une des filles de la photo, lui dise, une fois adulte, qu’elle lui est très reconnaissante de lui avoir permis de s'instruire pour pouvoir ôter un jour la main de sa bouche et parler clairement sans confusion…

Notes

[1] Ce blog sait être impertinent de temps en temps, mais en revanche sait être courtois et respecter les usages quand il le faut !

[2] La ligne à très grande vitesse ou TGV n'a pas d'autre but que d'éviter à nos charmantes touristes que leurs Prada de ne mordent la poussière... Laissant le tourisme exotique à ses fantômes du passé

Félicitations à Farid Taha pour cette décision difficile sur une offre Ô combien alléchante.Je suis ravie qu'il y ait des hommes censés qui donnent "encore" l'exemple ! C'est pour cela que je reprends entièrement cet article, que je vous invite à commenter sur son blog directement !