Berlingozola

Publié le 26 octobre 2009 par Malesherbes

Le Canard enchaîné du 21 octobre nous signale un article paru dans Le Figaro de la veille, intitulé « La crèche Émile-Zola de Carpentras vient de changer de nom, jugeant "peu valorisante" la référence à un écrivain dont l'œuvre est particulièrement sombre ». Pour le quarantième anniversaire de cette crèche, le conseil municipal d’une commune passée à gauche aux dernières élections municipales vient de décider de la débaptiser.

Pourquoi ? Parce qu’il s’agit d’une ancienne demande du personnel qui considérait l’expression consacrée «une enfance à la Zola» comme «peu valorisante». Il y avait en effet là de quoi hypothéquer gravement l’avenir de ces chères têtes blondes qui, sans doute depuis des lustres, n’osaient plus prononcer le nom infâme de leur crèche, étroitement associé à la misère et à la fange du naturalisme.

Le personnel et les parents ont donc voté et retenu le nom rose de « Petits berlingots ». Est-ce vraiment sage, alors que l’on s’efforce de lutter contre l’obésité chez les jeunes, de baptiser ces bambins d’un nom de sucrerie et, pis encore, ne risque-t-on pas de les traumatiser en les affublant du qualificatif de petits ? Surtout lorsque l’on constate que même des adultes ont des difficultés à accepter un tel adjectif !

D’où vient l’ostracisme dont est ainsi victime le père des Rougon Macquart ? Dans la société que nous connaissons actuellement, je discerne plusieurs explications :

- Emile Zola a mis vingt-deux ans à se décider à se débarrasser de ses oripeaux de rital pour embrasser la nationalité française.

- Il s’est toujours montré farouchement républicain, en un siècle où la République n’était pas acquise.

- Il a pris la défense du capitaine Dreyfus, ce qui lui valut d’être jugé et contraint à l’exil.

- On n’a jamais pu écarter une origine criminelle à l’asphyxie provoquée par une combustion lente dans la cheminée qui a causé sa mort et celle de son épouse. Le moment est peut-être venu d’assassiner sa mémoire.

Ces braves citoyens de Carpentras ont voulu écarter de leurs têtes une image peu valorisante. C’est raté. Pour moi, ils ont plutôt gagné la médaille de la bêtise. Et je demeure curieux de connaître quelle procédure démocratique a entériné ce changement de nom.

Seule consolation : ce genre de comportement nous épargnera peut-être un jour d'avoir un collège Frédéric Mitterrand.