Difficile situation, énorme frustration lorsqu'on est parent et qu'on ne peut pas exprimer son amour pour son enfant comme on le voudrait... J'avais commencé une réponse perso, puis ça a dégénéré en généralités. Car c'est un sujet qui me tient à coeur depuis longtemps. Je le mets ici et j'espère que ça servira à d'autres aussi !
Voici donc ma réponse un peu brut de fonderie :
"Bon comme je disais à X , cette situation arrive archi souvent. Et c'est normal.
Ca ne fait que "quelques" jours qu'elle est là, même si vous devez avoir l'impression qu'elle est là depuis toujours.... Elle a du adopter d'un coup un pays, une culture, un langage nouveau, une alimentation, un climat, des odeurs, des parents, des frères et soeurs, une chambre avec ses jouets, un drole de lit tout moi avec des draps bizarres, des membres de famille souvent bizzarres, le poisson rouge ou le chienchila, une maitresse, des camardes d'école qui parlent vite, des nouvelles règles de vie un peu partout, et le tout en qqs semaines... De quoi faire une crise de foie émotionnelle, si on fait le vrai listing non exhaustif en détai de tout ce que nos têtes brunes sont obligées d'assimier et d'accepter... Le seul comparatif que je vois ce serait d'envoyer un adulte vivre avec de martiens, et encore, mars c'est à côté
On a beau dire que les enfants peuvent anticiper l'adoption avec une bonne préparation dans les orpheux, les albums photos, ils sont bien évidemment à des lieux de s'imaginer la réalité. L'adoption reste un choc, la plupart du temps dans le bon sens, mais c'est malgré tout un choc pour des enfants avec une maturité d'enfants. Leurs petits esprits doivent compiler en si peu de temps tellement de nouvelles infos et sens. En qqs semaines, ils en prennent autant que pour la moitié de leur existence, notamment si celle ci était uniquement le vie répétitive d'un orpheu... Quelque soit l'age de l'enfant, ils ont besoin de temps pour s'adapter à tout ça, et font des efforts monstrueux que nous parents, on peut oublier très vite. C'est donc normal qu'il y ait des "kouaks", du pétage de plombs, du testing des limites, et malheureusement c'est souvent sur un des parents que ça tombe.
Souvent, j'ai l'impression que ces enfants ont besoin de reproduire une relation fusionnelle avec un seul parent, similaire à celle d'une grossesse. D'où le rejet de l'autre. Si c'est le cas, je crois qu'il faut respecter leur besoin tout en faisant des tentatives régulières, de "maman qui part avec la tribu voir le méchant docteur beurkbeurk et laisse la petite avec son papa faire une activité fun" ou alors le superheros papa qui la sauve d'une punition sadique de sa mère (bon je rigole hein !!) ou alors c'est seul le vilain papa qui a la clé de l'armoire à bonbeks... Y aussi le coup de la photo qu'on pose discrètement dans un beau cadre avec des néons clignotant au milieu du salon, où l'on voit l'gamin en train de partager un moment de complicité avec le méchant parent ("comme quoi c'est possible, regarde et souviens toi !! bientot tu referas pareil")...
Aussi, il ne faut pas oublier le contexte de l'orpheu : peu d'hommes (et généralement ceux qu'ils voient sont des toubibs qui pourraient sortir une seringue de leur poche...). Certains enfant peuvent venir de familles ou les hommes étaient violents et les battaient, voire pire. Peut être aussi que c'est un homme qui a été à l'origine de l'abandon. Et surtout dans les orpheux, y a jamais de relation exclusive enfant/adulte. Faut partager l'adulte adoré avec 50 autres enfants accros en manque. Alors en avoir un pour soi tout seul (ou presque si frères et soeurs), c'est incroyable, mais en avoir deux, c'est hors concept...
Chez nous, avec Scarlett, Mister Moush a été personne non grata pdt 6 mois facile. Souvent mister moush a jeté l'éponge en disant "pfffff les filles pas mon truc, et elle m'aime pas" en se réfugiant dans les bras de son fils. Je peux le comprendre, car après une longue semaine de travail, il avait envie de décompresser le weekend plutôt que de subir des larsens stridents dans les oreilles, des soupes à la crise de nerfs de fille qui se roule par terre pasque le grande méchant loup de papa vas lui donner à manger plutot que sa mère adoré... Le bonding a donc pris du temps... Maintenant tout va bien heureusement ! Ma fille a bien compris mes défauts et les qualités de son père...
Chez d'autres, la mère a été cordialement tolérée pdt de longs mois par un grand. Genre, elle c'est l'intendance. Quant à son père, c'était son superhéros avec lequel il partageait tout, au grand désespoir de sa mère qui rêvait de calins...
Et puis on a aussi eu des parents qui étaient au bord du désespoir se sentant incapables d'aimer cet enfant pour lequel ils s'étaient tant battu... Et puis bien sûr avec le temps tout est arrivé... D'ailleurs moi avec mes gosses, j'ai été plutôt tortue que lièvre. Je n'ai pas honte de le dire, je l'assume pleinement. Et tant pis si Laeticia Halliday a fait les choses plus vite que moi d'après Gala. J'assume mon côté plus blonde que blonde !!!!!!!
L'amour ça prend du temps, le papa trouvera surement un terrain d'entente (jeux, bouffe, cuisine, jardinage ???) où Maman est archi nulle, le tout c'est de ne pas se décourager, de ne pas lui montrer votre déception (sinon elle va s'y engouffrer à chaque crise, comme tout les enfant) mais plutot votre mécontentement, tout en lui disant que vous la comprenez, que vous lui laissez du temps pour trouver la place de ce nouvel amour dans son coeur qui est tout à fait capable de s'agrandir encore plus, même si elle a l'impression du contraire. Car de toute façons cet amour est inévitabe, vous le savez bien, regarde tes frères et soeur banane...
On ne peut pas forcer qq'un à aimer immédiatement un autre, quelque soit le contexte. (sinon je l'aurais fait depuis longtemps avec Mika). Aimer quelqu'un pour ce qu'il est, ça prend du temps, car on doit apprendre à se connaître.
Pareil pour l'amitié, parenthèse hors sujet. Il en faut du temps, des rencontres complices et souvent des galères pour devenir des amis. Pour moi les amitiés cela prend des années, je livre rarement la mienne, avec précaution. Et lorsqu'on est rayé de la liste des postulants notamment pour trahison ou lâcheté, cela est irrévocable.
Revenons à l'adoption. Passée la lune de miel de la rencontre, la réalité du chantier de la construction de la relation est là, et qui dit chantier, dit galères.
Sinon, parler des ses problèmes pour les résoudre ce n'est pas "se plaindre", au contraire, c'est chercher une solution et souvent déculpabiliser d'autres qui avaient la même souffrance, mais bien cachée ! Donc c'est votre grand droit d'exprimer vos situations de stress, c'est courageux et ça sert aux autres.
Et c'est vrai que ces problèmes de bonding dans l'adoption sont souvent tabous. Ou alors au contraire on peut se prendre des "de quoi tu te plains, tu l'as voulu ce gosse ??".
En résumé, on et tous des humains, parents ou enfants, bourrés de défauts, d'imperfections et maladresses qui changent perpetuellement...
Bon courage, je suis certaine qu'avec le temps ca va aller. Et il ne faut jamais oublier de se placer à la place de son enfant, et d'imaginer ce qu'il vit pour le comprendre un peu mieux."