Le temps de vendre

Publié le 26 octobre 2009 par Fabien Major @fabienmajor

À quel moment doit-on vendre une action ? Gros sujet. On a de la difficulté à se brancher pour acheter un bon titre. Alors, sur quoi se baser pour le vendre ? Parce qu’on a fait assez de profit ? À quel niveau c’est trop ? 50% de gain, 100%, 3000% ?

Pour l’analyste technique et autres astrologues boursiers, les pendules, supports, courbes et autres révélations paranormales font l’affaire. Mais pour l’investisseur fondamental… Pour ceux qui recherchent de la valeur et qui investissent comme s’ils achetaient une société, il y a autre chose.

Récemment l’équipe d’Edgepoint a cédé ses parts de Grupo Modelo. La société qui commercialise la bière Corona. Tye Bousada et ses comparses ont acquis Modelo en novembre 2008 à 30$. Les motivations d’achat étaient nombreuses. Le volume de vente de la Corona n’a pas cessé de croître depuis des décennies. L’an dernier Corona était la 5e marque mondiale et la bière importée #1 aux États-Unis. Edgepoint croyait que Modelo continuerait sur sa lancée.

Parmi les raisons d’achat du titre figurait aussi l’état des finances. Pas de dette et une bonne réserve liquide en proportion à sa capitalisation boursière. Mais LA raison principale, Edgepoint croyait que Modelo était une des dernières grandes brasseries qui n’avait pas encore été avalée par un géant de l’industrie. Donc selon leurs estimations, Modelo était une des dernières belles propriétés «avec vue sur la mer». Une consolidation viendrait donc tôt ou tard.

L’acheteur le plus susceptible d’en faire l’acquisition était ABI (Budweiser). Depuis novembre 2008, l’action de Modelo s’est gonflée de 40%. Une bonne poussée dans un très court laps de temps. Mais ce n’est pas nécessairement une raison de vendre. Edgepoint a vendu parce que le potentiel de croissance de Corona vient de changer.

Au milieu des années 90, Anheuser Busch (AB) est entré dans le capital de Modelo et a acquis 50,1% des actions. Bien que les intérêts économiques de Modelo soient entre les mains d’AB, le contrôle des opérations est demeuré à Mexico, avec la famille qui a fondé la compagnie. Les années et la bière ont coulé sans que rien ne pétille entre les partenaires.

La donne a changé depuis que INbev s’est porté acquéreur de Anheuser Busch. La nouvelle ABI a jeté sur la table des cartes qui affaiblissent sérieusement Modelo. Parmi celles-ci, le lancement de la Bud Light LIME. Une attaque de front à la Corona.

Une campagne marketing agressive et imaginative a été déployée. Résultat, les ventes de Bud sont en forte croissance dans tous les grands marchés des États-Unis et d’ailleurs et la croissance des ventes de la Corona… est neutralisée !

Lancer une bière pour compétitionner la Corona, c’est plein de bon sens ! Mais lancer une nouvelle bière pour contrer un produit qui vous appartient déjà à 50,1%, ça ne tient pas la route. Sauf, si le bordel est installé entre les partenaires.

On peut donc se poser de sérieuses questions sur les relations d’avenir entre ABI et Modelo. Comment cette saga va t’elle se terminer? On croit comprendre que les chances soient très fortes pour que ABI tente de rendre la vie impossible à Modelo afin d’encourager celle-ci à céder le contrôle.

Les actionnaires ordinaires et étrangers à cette confrontation ne peuvent que perdre au change. Alors, on a vendu avec… un gain de 40% !