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"-Les souvenirs d'enfance, ce n'est pas un sport de jeunesse.
L'élocution de Françoise Verny s'empâte au scotch, mais le propos est clair, de plus en plus clair..." il faut que tu attendes pour les écrire. T'es encore trop vert, jeune homme, trop chaud, trop révolté. Crois-moi, si tu veux tuer, tue! Ecris des histoires horribles. Des polars, avec des meurtres, des viols, des rats, des chiens, ça te calmera. Je suis sûre que tu es doué pour la violence, ça se voit. Tu parais trop gentil. Quand tu auras bien tué, tu pourras te souvenir. C'est là que tout commence. Je te préviens, c'est coton. La violence c'est à la portée de n'importe quel connard. On est tous des connards! Mais la tendresse, ça fuit sous la plume. Si tu es trop pressé pour attendre, il y a une autre solution... ( Elle boit une gorgée de scotch)...Le chagrin d'amour! ...(Son verre est vide)... Avec un bon chagrin d'amour, t'es paré pour un premier roman. Là, je peux t'aider. Le chagrin, je connais. Mais un conseil: pour le chagrin d'amour change de copine, elle, c'est le chagrin, sans l'amour. Elle agite son verre à l'attention du serveur...Tiens, voilà mon Jean-Claude!...Arrive un Solex minuscule monté par un chat altier et impavide habillé d'un loden. Il range son Solex à la diable le long de la terrasse.
-Alors, Jean-Claude, c'est quoi ton histoire avec de Gaulle?
A la Boisserie, le général de Gaulle passe à table. .../..."
-extrait du chapitre 12- dix-huit heures- du roman de Daniel Picouly - "68 mon amour" -éditions Grasset-