Le tailleur

Par Richard Le Menn

Trois premières photographies : Gravure du XVIIIe siècle intitulée 'Tailleur d'Habits, Outils'.

Le tailleur est un personnage important de la mode française, dont l'utilité s'estompe pourtant petit à petit avec l'apparition des grands magasins au milieu du XIXe siècle, de la haute couture à la fin de ce même siècle puis de la confection et du prêt-à-porter au XXème (dans les années cinquante).

Honoré Daumier (1808-1879) en caricature un pour sa série des Types Français avec le texte suivant. : « Le tailleur. Il marche cambré, les épaules en porte manteau et les coudes en dehors. Ses habits coupés dans le dernier genre jurent souvent avec ses bottes et son chapeau, il a presque toujours un nom très euphonique, tel que Wahatekermann ou Pikprunmann. » La Caricature du 10 décembre 1881 présente le tailleur comme l’homme d’affaire du gommeux et expose ainsi l’importance qu’il occupe dans la vie de l’élégant du XIXe siècle. Aujourd’hui les tailleurs parisiens sont peu nombreux. Les métiers liés à la mode en général se raréfient. Même les créateurs importants et les grandes maisons ne font plus que du prêt-à-porter, la haute couture se cantonnant à un rôle de vitrine du savoir-faire de la maison. Il n’est pas improbable qu’avec la mondialisation et l’enrichissement des pays autrefois producteurs à bas prix, le marché de la mode revienne en France et que les créateurs et tailleurs refassent leur apparition ! Il est certain que l’élégance y gagnerait même chez ceux qui ont peu d’argent ; car quand on regarde comment s’habillent une merveilleuse ou un incroyable, on remarque que leurs habits sont parfois assez simples de réalisation. La richesse n’occupe qu’une petite part des éléments qui font l’élégance ; le goût étant beaucoup plus important. Le tailleur permet d'exprimer cela. Il donne plus de liberté individuelle à celui qui lui commande ses habits. Le client peut demander d'ajouter certaines fantaisies, accorder à sa convenance les matières … Chaque habit est unique, fait parfaitement pour celui qui l'a commandé. Jusqu’au milieu du XXe siècle, ce sont les tailleurs et les couturières qui sont avant tout sollicités pour la fabrication des vêtements. Jusque dans les années cinquante, presque chaque village français de 2000 habitants a au moins une couturière et un tailleur. Ceux qui ont connu ces époques vous le diront. Nos gandins peuvent se faire faire leurs habits sur mesure, et apporter les changements ‘tendances’ qui font toute la différence. Pas besoin de passer par les grands couturiers ni de suivre leur mode qui a elle aussi son importance dans cette vogue ; car la haute couture (ou les grandes marchandes de mode du XVIIIe siècle) est l’ambassadrice de la mode française à l’étranger. Son rôle est déterminant pour cela. Le grand couturier emploie des batteries de midinettes alors que le tailleur possède un petit atelier de deux ou trois personnes. Les premiers représentent un luxe dans lequel la jeunesse à la mode (dite dorée) est souvent loin de baignée quoi qu’étant chic. La disparition des tailleurs en France marque celle de la mode française qui se retrouve coupée de ses racines, c'est-à-dire de ses créateurs improvisés qui font faire selon leur goût et la mode du moment. Le même problème existe aujourd’hui dans la restauration fine qui comme la haute couture essaie de survivre quoique totalement coupée de son terrain. Dans le cas de la restauration ce sont les restaurants familiaux bons mais pas chers et les petits fermiers proposant des produits simples mais de grande qualité. La haute couture survit aux tailleurs encore jusque dans les années 70, puis le renouvellement ne semble plus se faire … et le prêt-à-porter tout envahir. Mais les choses ne font que de se modifier ; phénomène que les adeptes de la mode et du bon ton connaissent bien !

Dans d'autres articles je parlerai de la couturière et de la marchande de modes.

Photographies : Art du tailleur, Contenant le Tailleur d'habits d'hommes, les Culottes de peau, le Tailleur de corps de femmes & enfants, la Couturière, & la Marchande de modes par M. de Garsault. Édition du XVIIIe siècle avec des planches d'habits français à travers le temps, d'objets d'habillement, corsets, patrons … Cette partie provient du tome XIV de Descriptions des arts et métiers : Contenant l'art du perruquier, l'art du tailleur, renfermant le tailleur d'habits d'hommes, les culottes de peau, le tailleur de corps de femmes & enfants, la couturière & la marchande de modes, l'art de la lingère, l'art du brodeur, l'art du cirier … de Jean-Élie Bertrand édité par l'imprimerie de la Société typographique, 1780.

Par La Mesure de l'Excellence - Publié dans : La Mode
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