Comme la Toussaint approche, je vous propose un article de circonstance que j’avais écrit pour le Toupin-papier mais qui peut encore nous faire revivre cette époque révolue …
De nos jours , rares sont ceux qui meurent chez eux , dans leur lit. Autrefois, cela était la règle.Ce que j’évoque date de 60, 65 ans environ.
Lorsque quelqu’un était mort, les gens en étaient informés par les cloches qui sonnaient le glas. On reconnaissait la sonnerie et l’on se demandait aussitôt qui était mort , à moins qu’on connaisse la gravité de la maladie de X. Suivait ensuite tout un cérémonial strict. La personne décédée devait être préparée par une femme du village qui aidait la famille souvent désemparée. Ma mère , Henriette Dauphin, faisait partie de ces bénévoles fort appréciées. Elle ne craignait pas cette besogne macabre. Il s’agissait de la toilette mortuaire et du dernier habillage avec de beaux habits.Pour les hommes , souvent , le costume acheté pour le mariage d’un fils ou d’une fille et qu’on ne portait que dans les grandes circonstances .La chambre du défunt était préparée pour le recevoir, ainsi que les visiteurs. En effet on ne laissait pas la famille seule jusqu’à l’enterrement. Des chaises étaient disposées dans la chambre pour veiller le mort (expression en usage), nuit et jour. Dans la journée , il y avait toujours du monde ainsi qu’en début de nuit.Mais vers deux trois heures du matin, il n’y avait plus que les intimes et ceux qui se dévouaient pour passer la nuit. Encore une fois je peux dire que maman faisaient partie de ceux-là. Elle était connue dans tout le village pour son dévouement. Peut-être certains Ampusians s’en souviennent-ils encore.
On ne faisait pas appel aux Pompes funèbres. Le fossoyeur municipal avait creusé la tombe et le menuisier du village avait fabriqué le cercueil (qu’on appelait “caisse” et qui n’avait point de capitonnage…) . Un corbillard tiré par un cheval emmenait le corps à l’église et au cimetière.Le cortège qui suivait le corbillard obéissait à des règles strictes , d’abord la famille proche et éloignée: ensuite si la personne décédée était une femme, venaient les femmes, les hommes fermaient le cortège. Si c’était un homme, les hommes précédaient les femmes, toujours après la famille. Hommes et femmes ne se mêlaient pas. A pied , tout le monde se rendait à l’église pour la messe. La coutume voulait que , dans le Sud de la France, les hommes restent dehors . Ils attendaient la fin de la messe en bavardant. Les femmes les entendaient et n’appréciaient guère ce bruit…Le cortège se rendait ensuite au cimetière , toujours à pied. La population était nombreuse à suivre le mort et sa famille, par amitié et par respect.Ceux qui ne s’étaient pas rendus à la maison présentaient leurs condoléances comme cela se fait de nos jours. Il n’y avait pas de registre de condoléances. Tout était simple, sans dépense .
Le deuil était codifié très strictement. Les hommes portaient un ruban de crêpe noir au revers du veston ou autour du bras .Mais comme ils s’habillaient rarement en costume de ville, en fait ils ne portaient pas le deuil. Par contre les femmes étaient souvent en noir ou en gris. Pour un père , une mère , un époux, c’était d’abord le grand deuil, tout en noir, des mois et des mois( 18 mois pour un proche), ensuite le demi-deuil autorisait le gris ou le mauve. Entre temps , quelqu’un d’autre était mort et le noir reprenait. Bien sûr toute réjouissance (bal par ex) était proscrite pendant la période du deuil.Quand on était jeune , il était pénible d’être privé d’une fête pour un parent éloigné mort quelques mois auparavant. Ma mère était très stricte sur ces règles…
Toutes ces règles étaient contraignantes;je m’en souviens encore très bien aujourd’hui. Je me disais que l’on peut très bien regretter une personne et la porter dans son coeur sans toutes ces manifestations extérieures de deuil. Mais en même temps , je reconnais que se manifestait ainsi un sentiment très fort d’appartenance à sa famille, les liens n’étaient pas distendus comme ils le sont souvent de nos jours.