Activité sexuelle

Parmi les différents propos consécutifs à l’arrestation de Roman Polanski, certains n’ont pas retenu l’attention qu’ils méritaient. C’est ainsi qu’on a pu lire que Samantha Geimer, la victime du cinéaste, paraissait plutôt dix-huit ans que treize. Tout adulte un peu averti peut faire cette constatation à propos de l’objet de son désir. Par contre, penser que sa victime potentielle avait posé nue pour Vogue nécessite d’avoir déjà entendu parler d’elle et surtout laisse supposer, de la part de son agresseur, une certaine préméditation. Quant à conclure qu’elle avait un copain (donc, éventuellement, un amant) et qu’elle était « sexuellement active », cela me semble un peu aventureux, à moins d’avoir recueilli des confidences, toujours susceptibles d’être mensongères, ou d’avoir été le témoin de ces relations.

Je suis donc absolument sidéré que d’aucuns puissent faire de semblables déclarations. Mais ce n’est pas là le plus choquant. Ce que ces imprudents ont ainsi proféré, c’est que, si on les en croit, à partir du moment une femme n’est plus vierge, elle peut être impunément violée par n’importe qui. Elle est à la merci du premier agresseur venu : elle a couché, elle a donc manifesté son intérêt pour la chose et elle est donc à la disposition de n’importe qui.

Si elle n’est pas consentante, ou pas en position de manifester son consentement, aucune importance, ce n’est pas un viol, c’est quasiment un service qu’on lui rend. Cela me rappelle les instructions que, dans l’armée britannique, pendant la deuxième guerre mondiale, on donnait au personnel féminin sur la conduite à tenir en cas de relations sexuelles imposées. Après avoir mentionné les différentes actions à entreprendre dans ces circonstances, en cas d’échec, le conseil donné était : « relax and enjoy ! (détendez-vous et appréciez !) ».

Abuser de leur autorité pour imposer des relations sexuelles à des femmes si sexuellement actives qu’elles en font même commerce, autrement dit des prostituées, a valu plusieurs fois à des policiers de passer devant des tribunaux. Il est donc irrémédiablement scandaleux d’exonérer de toute responsabilité un violeur parce que sa victime aurait été « sexuellement active ». Tout ce que l’on peut souhaiter aux auteurs de ces commentaires, c’est qu’ils aient l’occasion de comprendre, à travers leurs compagnes ou leurs filles, que ne plus être vierges ne les rend pas pour autant bonnes à consommer.