Dans une nouvelle ordonnance sur cette question, le juge des référés du Conseil d’Etat confirme le droit des demandeurs d’asile à des conditions matérielles d’accueil décentes, y compris lorsqu’ils sont en cours de procédure de réadmission vers un autre Etat membre en application du règlement CE 343/2003 du 18 février 2003 (les « Dublinés »).En l’espèce, les requérants, des ressortissants géorgiens s’étaient présentés le 8 septembre 2009 à la préfecture de la Gironde pour y solliciter le statut de demandeur d’asile et s’étaient vus convoquer pour procéder à l’instruction de leur dossier le 8 octobre 2009. Ils ne s’étaient vu proposer aucune mesure permettant de leur assurer des conditions matérielles d’accueil décentes.
Conformément à la jurisprudence du Conseil d’Etat (v. notamment CE, 6 août 2009, M et Mme Q., N°330536; CE, réf., 17 septembre 2009, ministre de l’Immigration c / Mlle S., n°331950. Lettre droits-libertés du 6 octobre 2009 et CPDH du 6 octobre 2009 ), le juge du TA de Bordeaux a, par une ordonnance du 14 septembre 2009, enjoint au préfet d’indiquer aux requérants dans le délai de vingt-quatre heures un lieu d’hébergement susceptible des les accueillir avec leurs deux enfants. Le préfet ne s’étant pas exécuté, les intéressés ont saisi le TA d’un nouveau référé demandant au juge d’assortir l’injonction d’une astreinte. Le juge des référés a rejeté cette demande au motif que les requérants avaient préalablement effectué une demande d’asile auprès des autorités helvétiques et polonaises et que dès lors la France n’est l’Etat responsable de la demande en application du règlement du 18 février 2003 et se trouvait ainsi déliée des obligations résultant pour elle de la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003.
En appel, le juge des référés du Conseil d’Etat, M. Bélaval, estime qu’aucune disposition de cette directive ne prévoit d’exception pour les personnes susceptibles d’entrer dans le champ d’application du règlement du 18 février 2003.
Il ne résulte en effet d’aucune disposition de ce règlement qu’il ait entendu faire obstacle à la mise en oeuvre des objectifs de la directive lorsque l’Etat membre qui a reçu la demande d’asile ne se considère ensuite pas comme responsable de cette demande et requiert l’Etat responsable de prendre en charge le demandeur. « L’engagement d’une procédure de prise en charge par un autre état [sic] d’un demandeur d’asile postérieurement à son entrée sur le territoire est sans influence sur le droit de l’intéressé de bénéficier de conditions matérielles d’accueil décentes tant que cette prise en charge n’est pas devenue effective », estime-t-il.
Le juge des référés du TA de Bordeaux a donc entaché sa décision d’une erreur de droit.
Constatant que les requérant ne disposent d’aucun hébergement, ni d’aucune prestation d’aucune sorte - hormis l’assistance juridique et administrative fournie par une association spécialisée (la Plateforme locale d’accueil des demandeurs d’asile - PLADA Bordeaux), le juge des référés du Conseil d’Etat fait droit à la demande des requérant et prononce, à défaut de justification de l’exécution de l’ordonnance du TA de Bordeaux du 14 septembre 2009, une injonction dans un délai de 24 heures assortie d’une astreinte de 100 euros par jour.
CE réf. 20 octobre 2009 - Youri et Anna M., n° 332631, aux Tables du Lebon
Actualités droits-libertés du 23 octobre 2009 par Serge SLAMA