Si le rugby se prête bien à l'évocation nostalgique, il n'est pas vraiment une source d'inspiration pour les romanciers. Les quelques ceux qui ont pris l'ovalie comme toile de fond de leur roman ne sont pas nombreux. Et encore moins les écrivains de polars.
A notre connaissance, un seul roman "policier" traitait du rugby jusqu'il y a peu : Du bruit sous le silence, de Pascal Dessaint paru en 1999 aux éditions Rivage/noir.
L'intrigue se déroule à Toulouse, et il y est question de l'assassinat du demi de mêlée de l'équipe locale, rebaptisée "Racing club de Toulouse". L'intrigue comme le style du roman répondent parfaitement aux canons du genre. Il y est question de rancunes, de vengeance et de coupables trop évidents, bref, tout ce qui fait le sel de ce genre de production. Les amateurs de rugby peuvent y trouver leur compte, tout comme les mordus de polars.
Sans relativiser les mérites de Pascal Dessaint, on avancera qu'avec Match Aller, paru en août dernier aux éditions Flammarion, Julien Capron nous propose une oeuvre d'une tout autre dimension. Ecrit dans un style remarquable, d'une grande originalité, ce livre nous plonge dans une République imaginaire, quoique très proche de nous, où le rugby jouit d'une notoriété sans égale. Un meutrier en série choisit de semer des cadavres à l'occasion de chacun des matches de l'équipe de Volmeneur, cité côtière qui court vainement après un titre en championnat. On suit, à travers plus de 500 pages, les péripéties de l'enquête menée par un inspecteur dénommé Fénimore Garamande, qui cherche à découvrir l'auteur de meutres dont la mise en scène emprunte à la mythologie Grecque.
L'auteur réussit un bel exercice. De style d'abord, on y insiste. Malgré quelques passages qui pourront déconcerter, tant la plume de Julien Capron peut être riche à l'excès, ce roman brille notamment par ses dialogues, dont certains semblent sortis de l'imagination d'un Audiard qui aurait joué au rugby. Les passages décrivant les matches sont très réussis (mention spéciale aux pages d'ouverture) tout comme ceux qui évoquent l'entrainement.
La réussite
de ce livre réside dans le fait que l'intrigue policière ne semble
pas plaquée (ce qui aurait été un comble, n'est-ce pas) sur une
toile de fond rugbystique. La saison de l'équipe de Volmeneur est,
à tous les sens du terme, le fil conducteur, pour ne pas dire le
fil d'Ariane de l'enquête.
Ajoutons à cela des personnages dotés d'une épaisseur certaine et une critique intéressante de notre société, et vous obtenez un roman qui se dévore avec bonheur.
Comme son titre le laisse supposer, l'histoire de s'arrête pas au terme des 558 pages. Inutile de vous préciser qu'on guette avec une certaine impatience la sortie de "Match retour"...
Du bruit sous le silence, par Pascal Dessaint
Editions Rivage / Noir, 9€
Match aller, par Julien Capron
Editions Flammarion, 22€